Religion et société peuvent-elles faire bon ménage ?

Il est possible de conciler foi et vie en société, dans un monde pluraliste, tout en respectant les domaines propres à l'État et à l'Église.

La vie en société et les croyances religieuses sont souvent mises en opposition dans les médias. La Commission (Bouchard-Taylor) de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles s’est récemment penchée sur la question des accommodements raisonnables en lien avec la religion dans les divers aspects de la société québécoise. Il semble, pour certains, que la religion n’a pas sa place dans la vie en société et qu’elle doive être reléguée simplement à la vie privée. Certains croyants partagent même cette vision, mais sous un autre angle : ils en arrivent à penser que ce qui vient de la société n’est pas bon et ils s’enferment dans une vie en marge de la société dans laquelle ils vivent.

Il convient donc de s’arrêter un moment sur la situation de cette majorité de laïcs croyants qui vivent dans le monde, comme les fidèles de l’Opus Dei, et qui représentent la grande majorité des baptisés. Nous occupons un emploi, avons une famille, sommes impliqués dans nos communautés, dans des loisirs. Bref, nous vivons la même vie séculière que tous nos concitoyens, croyants ou non, et cela dans une société désormais multiculturelle. Comment est-il  alors possible de concilier vie de foi et vie en société?

Pour notre propos, il faut avant tout préciser deux termes : « sécularité » et « laïc ». La sécularité fait référence à ce qui est du monde, de la vie en société. Le qualificatif de séculier traite ainsi de la vie laïque, en opposition à la vie religieuse. Le Catéchisme de l’Église catholique (no 897) rappelle cette définition du terme laïc tirée du Concile Vatican II (LG 31) : « sous le nom de laïcs, on entend ici l’ensemble des chrétiens excepté les membres de l’ordre sacré et de l’état religieux reconnu par l’Église… ». La sécularité est ainsi le propre des circonstances de vie de la très grande majorité des baptisés dans l’Église. Le fidèle de l’Opus Dei, comme tout baptisé vivant dans la société, se caractérise donc par le caractère séculier de sa vie.

On oppose généralement le domaine laïque, qui relève de l’État, au domaine de la religion, qui relève de l’Église pour les catholiques. Le concept de la séparation de l’Église et de l’État est très important, tant pour l’État que pour l’Église. Cependant, il est erroné de comprendre le domaine laïque comme signifiant le retrait de toute référence à Dieu. En effet, c’est à l’État que revient le rôle de sauvegarde de la liberté de religion de chaque citoyen. Le catholique est à la fois citoyen de l’État et fidèle de l’Église; il possède donc les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres citoyens, dont le droit fondamental de la liberté de religion.

C’est dans cette perspective que l’on peut comprendre la dimension séculière et laïque de l’Opus Dei. Composé en très grande majorité de laïcs et également de prêtres séculiers, deux éléments essentiels à sa structure en tant que prélature personnelle, l’Opus Dei est animé d’un esprit laïque et non d’un esprit propre à celui des instituts religieux. Saint Josémaria, à qui Dieu a inspiré la fondation de l’Opus Dei, a toujours manifesté une grande affection envers les instituts religieux et leurs membres. Cependant, il a dû rappeler à temps et à contretemps que l’Opus Dei, et les fidèles qui le composent, n’accomplissent pas un travail religieux, ecclésiastique ou officiellement catholique tel que défini dans le droit de l’Église.

À l’époque où Saint Josémaria a répondu à l’appel de Dieu, il était courant de penser que vivre dans le monde était un obstacle à la sainteté. Le charisme de l’Opus Dei vient rappeler que tous les baptisés sont appelés à la sainteté et que, pour la très grande majorité d’entre eux, i.e., pour les laïcs, c’est à travers la réalité séculière de leur vie qu’ils y parviendront.

Comme la vocation à l’Opus Dei se vit au milieu du monde, nous nous efforçons de mettre le Christ au sommet de toutes nos activités, petites ou grandes, de notre vie quotidienne. C’est à travers la réalité de notre travail, quel qu’il soit, à l’extérieur ou à la maison, et de notre vie privée (famille, amitiés, etc.) que nous trouvons les éléments de notre sanctification et nulle part ailleurs. Nous nous efforçons ainsi d’accomplir notre travail au meilleur de nos capacités, à toujours vouloir parfaire nos connaissances dans les différents aspects de notre vie quotidienne et à garder le cœur ouvert aux besoins de ceux qui nous entourent.

Comme tout autre baptisé, nous sommes entièrement libres d’adhérer à des associations civiles, de choisir et poursuivre un métier ou une profession, de participer à la vie publique, d’avoir des loisirs qui répondent à nos intérêts, etc. Tous ces choix relèvent de notre propre liberté. En conséquence, la responsabilité de nos choix nous revient et ne repose aucunement sur l’Opus Dei ou sur l’Église. Nos choix se font évidemment en tenant compte de l’enseignement de l’Église dans les domaines de la morale et de la foi, à la lumière des critères proposés à tous les fidèles de l’Église.                                                       

L’esprit de l’Opus Dei vient donc rappeler qu’un laïc croyant ne peut mener une double vie ou encore deux vies parallèles : d’un côté sa vie de foi, et de l’autre sa vie de citoyen. Ces deux éléments doivent s’imbriquer dans l’unique vie de chaque croyant, défi d’une grande actualité, alors que plusieurs prétendent, en invoquant une neutralité utopique, vouloir évacuer toute référence religieuse de la vie civile.   

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Hélène Aubé LL.B., J.C.L. / Le Nic, 34e année - No 16 - 26 décembre 2009