Méditation : Vendredi après les Cendres

Les thèmes proposés pour la méditation du jour sont : Se rappeler le passage de Dieu dans notre vie ; Le jeûne est la manifestation d’un désir intérieur ; Jésus précise le sens du jeûne


« ÉCOUTE, Seigneur, pitié pour moi ! » (Ps 29, 11). Ces mots de l’antienne d’entrée ouvrent la messe d’aujourd’hui. Le cri que le psalmiste pousse pour être entendu reflète la nature de l’homme qui se tourne vers Dieu pour obtenir de l’aide. « Quand j’ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu, tu m’as guéri ; Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre […]. Avec le soir, viennent les larmes, mais au matin, les cris de joie. (Ps 29, 3-4.6). Le psalmiste décrit une expérience commune : Dieu qui vient à notre secours lorsque nous l’invoquons humblement. Ce temps de Carême peut être une bonne occasion de se rappeler les moments où nous avons ressenti cette aide de la part de notre Seigneur. Si « nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru » (1 Jn 4, 16), le souvenir des moments où il nous est venu en aide sera une force pour le présent et pour l’avenir.

L’une des tâches de l’Esprit Saint, que Jésus nous révèle, est précisément de nous aider à nous souvenir des miséricordes de Dieu, de soutenir la fragilité de notre mémoire : « Il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26). « L’Esprit Saint est comme une mémoire, il nous réveille : “Souviens-toi de ceci, souviens-toi de cela”. Il nous tient éveillés dans les choses du Seigneur et nous fait aussi nous souvenir de notre vie : “Pense à ce temps-là, pense au moment où tu as rencontré le Seigneur, pense au moment où tu l’as quitté” […]. C’est une bonne façon de prier ; regarder le Seigneur et lui dire : “Je suis le même. J’ai beaucoup marché, j’ai commis beaucoup d’erreurs, mais je suis le même et tu m’aimes”. Je suis le même: c'est là la mémoire de l'Esprit Saint dans sa propre vie. Il te conduit à la mémoire du salut, à la mémoire de ce qu'a enseigné Jésus, mais aussi à la mémoire de notre propre vie.» [1]. Il y a deux jours, en nous imposant les cendres, le prêtre nous a peut-être rappelé notre origine et notre fin, que nous venons de la poussière et que nous y retournerons. Se souvenir du passage de Dieu dans nos vies peut être un bon élan de conversion en ce début de Carême.

DANS LA TRADITION JUIVE, la coutume du jeûne était vécue comme une forme de pénitence. Le prophète Isaïe, cependant, souligne qu’un jeûne vécu simplement comme une manifestation extérieure est de peu d’utilité, un jeûne sans piété, sans un véritable désir de tourner notre regard vers Dieu. Le prophète dit que le jeûne désiré par le Seigneur, fruit d’une conversion intérieure, est plutôt celui-ci : « Ouvrir les prisons injustes, briser les barreaux des ceps, libérer les opprimés, briser tous les ceps, rompre son pain avec celui qui a faim, abriter le pauvre sans abri, vêtir celui qui est nu, et ne pas se fermer à sa propre chair » (Is 58, 6-7). Le vrai jeûne est celui qui nous amène à aimer davantage Dieu et les autres, en sortant de nous-mêmes ; c’est la prière des sens qui porte des fruits autour de nous. « Le jeûne ne porte aucun fruit s’il n’est pas arrosé par la miséricorde ; il se dessèche sans cet arrosage, dit saint Pierre Chrysologue ; ce que la pluie est pour la terre, c’est la miséricorde pour le jeûne » [2].

« Le jeûne vécu comme une expérience de privation, pour ceux qui le vivent avec simplicité de cœur, conduit à une nouvelle découverte du don de Dieu et à une compréhension de notre réalité de créatures qui, à son image et à sa ressemblance, trouvent en lui leur accomplissement » [3]. L’abstinence que l’Église recommande doit être la manifestation d’une attitude intérieure ; cette dernière est, en réalité, la chose la plus importante. Saint Josémaria enseignait que toute privation doit être « une manifestation que le cœur ne se satisfait pas des choses créées, mais qu’il aspire au Créateur, qu’il désire être rempli de l’amour de Dieu » [4]. Faire l’expérience de la faim à travers le jeûne nous rappelle que Dieu seul est la vraie nourriture et que toutes les bonnes choses viennent de lui : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », disons-nous dans le Notre Père. Le jeûne extérieur doit être une manifestation de notre désir intérieur de nous rassasier de Dieu, de nous reconvertir à lui.

LES DISCIPLES de Jean Baptiste demandent à Jésus pourquoi eux ils jeûnent souvent, comme les pharisiens, alors que ses disciples ne le font pas. La question était opportune, portant sur quelque chose qui attirerait sûrement l’attention des Juifs. « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? répond Jésus. Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront » (Mt 9, 15). Le Seigneur profite de cette occasion pour nous montrer le sens du jeûne et de la pénitence : nous unir plus étroitement à Dieu. Par conséquent, si Dieu lui-même était avec eux, cette pratique perdait sa pertinence ; il est bon que ses disciples soient remplis de sa présence. C’est pourquoi il ajoute : quand il ne sera pas avec eux, alors ils jeûneront, alors ils auront besoin de cette pratique pour apprendre à concentrer leur attention sur Dieu.

Nous faisons si souvent l’expérience de notre éloignement de Dieu, et c’est normal, car nous sommes en route vers la demeure de notre Père. Le Christ est venu sur terre précisément pour appeler les pécheurs. C’est pourquoi l’Église nous rappelle l’importance du jeûne, de cette prière du corps qui nous aide à regarder vers le haut, la seule chose importante. Considérer notre situation de faiblesse nous fera dire avec le psaume que saint Josémaria récitait chaque soir : « Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi » (Psaume 50, 4-5). Nous pouvons demander à Sainte Marie, souvent dans la journée, de prier pour nous, pécheurs, surtout en ce temps propice à la conversion que l’Église nous a préparé.

[1]. Pape François, Homélie, 11 mai 2020.

[2]. Saint Pierre Chrysologue, Sermon 43.

[3]. Pape François, Message, 11 novembre 2020.

[4]. Saint Josémaria, Entretiens, n° 110.