Le Nom très cher

« N’aie pas peur d’appeler le Seigneur par son nom — Jésus — et de lui dire que tu l’aimes » (Saint Josémaria). « Jésus, Jésus, sois pour moi toujours Jésus ! ». La fête du Saint Nom de Jésus (3 janvier) nous donne l'occasion de savourer cette réalité: un Sauveur nous est né et nous pouvons l'appeler par son nom.

La jeune amoureuse, encore extasiée par sa première découverte, chante (dans l’opéra romantique) le charme du bien aimée : « Mon dernier soupir prononcera ton nom chéri » (Rigoletto, air Caro nome). L’âme amoureuse du chrétien trouve dans le nom du Sauveur un reflet de sa Personne : « Jésus, le Fils » (1 Jean 1, 7), qui apporte l’énergie de son sang purificateur.

« La première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui » (Pape François)

Jésus est adoré au temps de Noël, mais son nom n’est pas relégué à la liturgie ou aux seuls lieux de culte ; l’évocation du Nouveau-Né, dans les crèches ou les chants, évangélise foyers, rues et calendriers. Par la foi agissante des croyants, Jésus remplit de nouveaux cœurs. « La première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui » (Pape François, exhortation La joie de l’Évangile §264).

Prononcé par Gabriel, Marie, Joseph, reconnu par les bergers, les justes et les mages, le Saint Prénom est vénéré au-delà des confins des terres (Philippiens 2,10) ; associé à la dignité messianique, « Jésus-Christ » rassemble l’héritage hébreu et la culture païenne. Il est le seul à donner le salut (Actes 4, 12).

L’Adoration du nom de Jésus, Le Greco, vers 1578-1579, Madrid, monastère San Lorenzo de El Escorial

L’Esprit Saint donne souffle éternel à cette invocation. L’Apôtre dévoile la force qui nous attache à ce Nom dans les prières privées et publiques : « nul ne peut dire ‘Jésus est Seigneur’ si ce n’est par l’Esprit Saint » (1 Corinthiens 12, 3), Le monogramme « IHS », issu de l’écriture grecque, l’abrégeait dans les inscriptions ; sainte Jeanne d’Arc le fit imprimer dans l’étendard patriotique.

Le Nom souverain inspire prédicateurs et poètes, « réjouit l’univers et nous réconcilie avec Dieu » (saint Bernard, Jubilation sur le nom de Jésus). Au seuil des temps modernes, saint Bernardin de Sienne marqua la piété populaire par la cordialité franciscaine : « Ce nom ne doit pas être proclamé par un cœur impur ou une bouche souillée, mais conservé puis proclamé par un vase choisi » (Sermons).

« lorsque nous prononçons le Nom du Christ, nous entrons en un contact vivant avec lui »

La piété orientale développait sous diverses formules la « prière de Jésus ». Ses mystiques, avec un sens aigu de la piété, l’inculquèrent aux fidèles : à travers le nom du Seigneur, son amour rassérénant devenait proche. Selon l’expérience monacale du Mont Athos, « lorsque nous prononçons le Nom du Christ, nous entrons en un contact vivant avec lui » (Archimandrite Sophrony, Caractère Universel de la Prière de Jésus, Éditions du Cerf, 1981).

Au XVIe siècle, fut accordée la fête liturgique. Les martyrs d’Angleterre et d’Irlande prononcèrent, avant de verser leur sang, la triple invocation : « Jésus, Jésus, sois pour moi toujours Jésus ! ». Saint Ignace de Loyola fit du monogramme (qui ornait le collège Sainte-Barbe à Paris) l’emblème de son ordre ; il préside de nos jours les armoiries papales, inscrit dans un soleil rayonnant et accompagné des trois clous de la Passion.

Les artistes donnèrent forme à la gloire du Saint Nom, comme dans le tableau du Gréco (1579, L’Escurial) ou, plus tard, dans la fresque de la voûte romaine de l’église du Gesù. Des lieux et des institutions pérennisent partout son éclat. Saint Alphonse de Liguori relança la dévotion ; des litanies furent approuvées. Au centre de l’Ave Maria, la répétition du Nom salutaire « vise à nous faire entrer toujours plus profondément dans la vie du Christ » (Jean-Paul II, Le Rosaire de la Vierge Marie §33).

Ces invocations font partie du patrimoine universel de l’Église. « N’aie pas peur d’appeler le Seigneur par son nom — Jésus — et de lui dire que tu l’aimes » (saint Josémaria, Chemin §303). Le Nom du Sauveur protège, introduit dans la vie trinitaire.

Jésus nous parle par son Nom. Il se rapproche, dans un lien d’alliance éternelle, pour confirmer l’adoption divine, éveiller la componction de nos fautes et nous maintenir dans le chemin du ciel. Toujours aimable, Jésus : dans la crèche, en chemin et lors du jugement dernier.

Abbé Fernandez