Le chapelet, chanson d'amour

L'abbé Pégourier nous offre quelques pistes pour découvrir ou raviver notre manière de réciter le chapelet

Rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rosa - rosae, rosae, rosas, rosarum, rosis, rosis 1 ! C’est la chanson des roses : elle anime l’une des déclinaisons du latin – langue morte réputée difficile – pour en faire un tango entraînant. De même, en ce mois d’octobre dédié à la Vierge, nous sommes invités à faire, des Ave de notre chapelet, un rosaire vivant. Mais si cette dévotion répétitive nous lasse, ne serait-ce pas parce qu’il y manque une musique intérieure, celle qui naît d’un cœur aimant.

Le chapelet, chanson de notre pauvre amour

Á ce propos, saint Josémaria rapportait un souvenir d’enfance : « Il était courant alors que les jeunes de villages aillent, guitare au bras, donner une aubade à leur fiancée (…) Tout en chantant, leurs pensées peut-être s’échappaient par moments ; ils étaient pourtant là, par amour, au bas de la fenêtre. Quoique vous ayez des distractions dans la récitation de votre chapelet, continuez à le prier : c’est comme chanter la sérénade, et jouer de la guitare, par amour » 2 . Pour sa part, comme une fiancée, Marie se plaira à écouter cette douce musique du Salut qui l’enchante ! Elle l’avoue elle-même lors des apparitions de l’Ile Bouchard 3 : mardi 9 décembre, a u bout d’une dizaine de chapelet, la Dame apparaît et organise elle-même la prière : « Chantez le“ Je vous salue, Marie ”, ce cantique que j’aime bien, demande -t-elle aux jeunes voyantes.Elle le réclamera de nouveau le 11 et le 13. Et les enfants chantent, pour faire plaisir à la Dame .

Est-il bien raisonnable, par conséquent, de prier comme un automate, ou de mâchonner ses Ave , l’un après l’autre ? Non. Ouvre les yeux. Rends-toi compte ! Fais-toi petit. Le Seigneur se cache aux orgueilleux et montre les trésors de sa grâce aux humbles. Ne crains pas si, en méditant par toi-même, il t’arrive de laisser échapper des marques d’affection et des mots audacieux et enfantins. Jésus le désire, Marie t’encourage. Si tu récites le Rosaire de cette manière, tu apprendras à faire une bonne prière 4 .

Un chapelet de cœur à cœur, et non par cœur

Dire son chapelet n’est pas tant un exercice de l’intelligence qu’une tâche du cœur : les mystères évoqués sont autant de tableaux qui représentent la vie entière du Seigneur, ils sont l’abrégé de tout l’Évangile 5 . Je les contemple pour m’unir au Christ et me pénétrer de sa logique d’amour. Ce faisant, je partage les sentiments de Marie qui conservait toutes ces choses dans son cœur 6 ; je les parcours à nouveau, en pensée, avec elle … afin qu’ils se gravent en moi-même. Plus que de la récitation de dizaines d’ Ave , c’est d’une imprégnation dont il s’agit. Au fil des grains qui passent entre mes doigts, avec la Vierge mon cœur s’éprend des desseins de Dieu ; il devient moins perméable à mes soucis, plus capable d’élan généreux pour associer mes efforts à l’œuvre rédemptrice du Sauveur. Tel est le sens de nombreuses apparitions de la Reine du Ciel : Surtout priez beaucoup pour les pécheurs (…) Je ne suis pas venue pour faire des miracles, mais pour que vous priiez 7 .

– « Madame, que faut-il faire pour consoler Notre-Seigneur de la peine que lui causent les pécheurs ?

Il faut prier et faire des sacrifices . Priez-vous pour les pécheurs ?

Oui , répondent les quatre enfants ensemble.

Récitez une dizaine de chapelet les bras en croix ! » 8 . Merveilleuse monotonie des « Je vous salue » qui purifie la monotonie de nos péchés 9 !

Aventuriers du Bel Amour

L’iconographie chrétienne en témoigne, Jésus, lui aussi, se laisse attacher par le chapelet : chaque fois qu’il y trouve des mots vivants d’amour. Certes, celui qu’expriment nos Ave est faible, mais la Vierge les affecte d’un coefficient multiplicateur. Présentés alors par la Toute Puissance suppliante , ils exercent une attraction irrésistible sur le cœur du Seigneur : Mais priez, mes enfants, mon Fils se laisse toucher , confie-t-elle aux enfants de Pontmain qui l’invoquaient, le chapelet à la main. Le Je vous salue , en effet, rappelle cet instant où Dieu s’est penché sur nous, où sa bienveillance a comblé la distance qui le séparait de notre humanité défaillante. Et son point de départ, quel est-il ? Deux pronoms personnels - je et vous -, comme dans une histoire d’amour : nous deux. N’oublions donc pas, en le disant, cette recommandation de la sainte d’Avila : Prier, ce n’est pas beaucoup penser, c’est beaucoup aimer ! 1 Rosa , chanson de Jacques Brel.

Les 15 mystères du Rosaire

2 Saint Josémaria Ecriva, Réunion de famille , 1973.

3 Apparitions de l’Ile Bouchard (Indre-et-Loire), du 8 au 14.XII.1947 ; d’après le récit de Jacqueline Aubry, Extraitsde Il est ressuscité, n° 41, déc. 2005.

4 Saint Josémaria, Saint Rosaire , Épilogue.

5 Catéchisme de l’Église catholique , n° 971.

6 Lc 2, 51.

7 Apparitions de l’Ile Bouchard, vendredi 12.XII, ibid. 8 Apparitions …, dimanche 14, ibid. 9 Saint Josémaria, Sillon 475.