Le brocart du Royaume

La fête de la Toussaint nous parle de la grande famille de l’Église qui réunit les enfants nés de l'Amour rédempteur du Christ. Dieu tresse son ouvrage de salut comme un artiste : anges, femmes et hommes sont comme les filaments d’or dans une tapisserie précieuse.

Sous la bénédiction de Dieu le Père, sa famille se déploie heureuse : Notre Dame, des anges et des saints saluent le visiteur, à l’église florentine Saint-Sauveur-de-Tous-les-Saints, depuis le tympan polychrome en terre cuite (Benedetto Buglioni, 1510). Dieu tresse avec art son ouvrage de salut : anges, femmes et hommes sont comme les filaments d’or dans une tapisserie précieuse ; chacun, trempé dans le Sang de l’Agneau par la flamme de l’Esprit, porte la trace de la miséricorde paternelle.

L’Église rallie les enfants de cet Amour rédempteur

Le Roi céleste tisse son Royaume saint. « Fils de l'Amour » du Père (Colossiens 1, 13), fécond dans le Saint-Esprit, le Christ est devenu l’Aîné des frères et sœurs sanctifiés par son sacrifice. L’Église rallie les enfants de cet Amour rédempteur : les uns, sur terre, essayent de répondre à la miséricorde par la fidélité ; ceux qui ont accompli le chemin attendent la Patrie heureuse. « Ce lien est si fort qu’il ne peut être rompu pas même par la mort. En effet, la communion des saints concerne aussi ceux qui ont achevé leur pèlerinage terrestre et ont franchi le seuil de la mort » (pape François, Audience, 2/02/22). Depuis l’antiquité, l’Orient honore les saints après la Pentecôte ; à partir du Haut Moyen Âge, le rite romain le fait au début du mois de novembre ; ensuite il commémore les défunts, tout en stimulant les vivants.

« Ce lien est si fort qu’il ne peut être rompu pas même par la mort » (Pape François)

Sur la trame de la charité, les liens se resserrent : ceux qui ont atteint le ciel se soucient de leurs frères vulnérables ; en chemin, nous nous accrochons aux aînés ; d’autres enfin, qui purifient leurs blessures dans l’au-delà, ne sont pas oubliés. Si un regard de miséricorde nous a appelés à la foi, un souffle de tendresse soutient la persévérance. La communion des saints atteste que la fidélité, définitive chez les bienheureux, est aussi accessible aux pèlerins. « La sainteté exige un effort constant, mais elle est à la portée de tous car, plus que l'œuvre de l'homme, elle est avant tout un don de Dieu, trois fois Saint » (Benoît XVI, Homélie 1/11/06).

Chacun est appelé à garder et diffuser la miséricorde, à souffrir ou se réjouir avec les autres

Aux antipodes du « solipsisme », la « communion des saints » est comme l’apothéose de l’amour reçu, donné, partagé. « Rien de juste n'est opéré par chacun des membres qui, par la communion des saints, ne rejaillisse aussi sur le salut de tous » (Pie XII, encyclique Le Corps Mystique, 1942). La grâce de l’Âme du Christ, comme une onction divine, ruisselle sur ses vêtements, les membres de l’Église (St Augustin, Sur les Psaumes 132 §9). Chacun est appelé à garder et diffuser la miséricorde, à souffrir ou se réjouir avec les autres (1 Corinthiens 12, 26), à bénéficier des leurs biens : « un trésor de vie qui s’enrichit en étant partagé » (Catéchisme §949). La puissance du salut vient en aide aux membres faibles, blessés ou même séparés. Sur terre, les combattants du Royaume sont parfois aguerris, mais ils peuvent être blessés ou engourdis. « Délivre-nous de la damnation éternelle », implore l’Épouse (Missel Romain).

Une communion interactive d'amour fécond, beaucoup plus intense que les réseaux informatiques

Une communion interactive d'amour fécond, beaucoup plus intense que les réseaux informatiques ; on ne se limite pas aux informations, au jeu, à la curiosité, à la manipulation de logiciels. Les saints apportent la sainteté vivante : chacun donne et reçoit sans pseudonymes, comme bénéficiaire et agent du salut. Tous adultes, en restant enfants. Ce bouillonnement de relations étroites, greffé dans la chair du Verbe, élève chacun vers le Cœur du Sauveur. « Vous devez être aussi différents que le sont entre eux les saints du paradis, dont chacun a ses traits personnels et singuliers. — Et en même temps, vous devez être entre vous aussi ressemblants qu’eux, car ils ne seraient pas saints si chacun ne s’était pas identifié au Christ » (Saint Josémaria, Chemin §947).

tout peut servir pour honorer les saints et accélérer la purification des défunts.

Les anges et les saints sont témoins de notre confession des péchés dans le rite pénitentiel de la messe, ainsi que dans les formules du sacrement de Réconciliation, dans les litanies de supplication, dans plusieurs chants de louange. « Avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté » (Concile Vatican II, Sur la sainte liturgie §8). Prières, messes, travail, sacrifices : tout peut servir pour honorer les saints et accélérer la purification des défunts. « Je supporte tout à cause des élus, afin qu'eux aussi obtiennent le salut, qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle » (2 Timothée 2,10).

Marco Moro (Venise, 1580), dans le maître autel de l’église Ognissanti a rempli le retable d’une éclosion exubérante qui rassemble, autour de Notre Dame, des saints connus et anonymes. « Tous tes fidèles te béniront, en révélant aux hommes la gloire éclatante de ton règne » (Psaume 145, 10-11).

Abbé Fernandez