L’Amoureux délaissé

Le sens de la solennité du Sacré-Cœur de Jésus « est de nous laisser envelopper par l’amour du Christ, à toutes les saisons de la vie: au temps de la joie et dans celui de la tristesse, au temps de la santé et dans celui de l’infirmité et de la maladie », selon les mots du Pape François. Cet article nous invite à la méditation de ce mystère d'Amour.

Peu avant son 28e anniversaire, Marguerite-Marie Alacoque, religieuse de la Visitation à Paray-le-Monial, accueillit un visiteur de marque : Jésus, en lui montrant son Cœur, déclara son immense amour pour tous et finit par un reproche touchant : « Pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart qu'ingratitude » (Mémoires, juin 1675). Une confidence aux évocations prophétiques : « L’insulte m’a brisé le cœur ; j’ai attendu des consolateurs, et je n’en ai pas trouvé » (Psaume 68 21) ; comme un écho des impropères liturgiques du vendredi saint.

Jésus, en lui montrant son Cœur, déclara son immense amour pour tous et finit par un reproche touchant : « Pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart qu'ingratitude »

Ce message contrecarrait la caricature repoussante d’un Sauveur sans cœur, tout en stimulant à la communion fréquente. Dans le bicentenaire de l’apparition, le prieuré Notre-Dame devint basilique du Sacré-Cœur ; une statue en fonte fut inaugurée dans le parc voisin. «Mon cœur divin est si passionné d'amour pour l'humanité qu'il ne peut plus contenir les flammes de son ardente charité et doit les répandre » (ibidem).

le Cœur reçut un coup de lance. « La blessure visible dévoile la blessure invisible de son amour » (Saint Bonaventure)

La passion affective de l’amour s’est traduite dans la Passion effective de la Croix. « Un amour ‘viscéral’, qui vient du cœur comme un sentiment profond » (pape François, Le Visage de la Miséricorde §6). Sur le bois, sa soif et son Cœur sont l’emblème de la nouvelle alliance : l’eau soulagea les lèvres desséchées et, peu après, le Cœur reçut un coup de lance. « La blessure visible dévoile la blessure invisible de son amour » (St Bonaventure, La Vigne mystique 3, 10). Au ciel, ce même Cœur prolonge son intercession «afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu» (Hébreux 9,24). Nous croyons, aimons et espérons dans ce Cœur assoiffé, blessé d’amour. Le Verbe est inséparable de l'Amour, « qui s’est révélé dans le cœur transpercé de Jésus sur la croix et suscite à son tour l’amour » (Benoît XVI, enc. Dieu est amour §39).

La transfixion du Prêtre Souverain est l'épiphanie de sa sainteté et de la compassion trinitaire. Les mystères du salut naissent du côté transpercé, «pour que tous les hommes, attirés vers son cœur, viennent puiser la joie aux sources vives du salut» (Missel Romain, solennité du Sacré-Cœur, préface). « Approchez votre bouche de ce canal sacré, afin d'y puiser les eaux qui s'épanchent des fontaines du Sauveur » (St Bonaventure, L’Arbre de la vie §30).

‘Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ?’

La miséricorde du Rédempteur, qui donne sa vie pour gagner la nôtre, est aussi un brasier. « Ici, en ce lieu de Paray-le-Monial, comme jadis l’Apôtre Paul, l’humble servante de Dieu semblait crier au monde entier: ‘Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ?’ » (St Jean-Paul II, Homélie 5/10/1986). Le message a remué l’Église dans des réponses d’adoration, de réparation et de piété sincère. Le Cœur Immaculé de Marie relaye ces demandes ; à Fatima, depuis 1932, dans la place d’accès à la basilique mariale, une statue en bronze doré du Sacré-Cœur accueille les pèlerins.

« Lorsque nous adorons le cœur sacré de Jésus-Christ, nous adorons, en Lui et par Lui, l’amour incréé du Verbe de Dieu et son amour humain, avec ses autres sentiments et ses vertus » (Pie XII, enc. Haurietis Aquas, 1956). Le sens de cette solennité « est de nous laisser envelopper par l’amour du Christ, à toutes les saisons de la vie: au temps de la joie et dans celui de la tristesse, au temps de la santé et dans celui de l’infirmité et de la maladie » (pape François, Homélie27/06/2014).

Devant le Cœur du Pasteur blessé, chacun « renouvelle le premier amour : le moment où le Seigneur m’a touché dans l’âme et m’a appelé à le suivre. Là nous trouvons la source de l’amour fidèle et doux, qui laisse libres et rend libres » (pape François, Homélie 3/06/2016). L’expérience du pardon reçu, dans le sacrement de réconciliation, pousse à se rapprocher de lui et à le faire connaître. « Être miséricordieux c’est garder le cœur sensible, c’est entretenir la blessure humaine et divine d’un amour ferme, sacrifié, généreux » (St Josémaria, Amis de Dieu §232).

«Ouvrez-vous à cet amour et portez-le jusqu'aux extrémités de la terre, en témoignant de la bonté et de la miséricorde qui jaillissent du cœur de Jésus» (pape François, Audience 1/06/22).

Abbé Fernandez