Détachement

Un autre encore lui dit : « Je vais te suivre, Seigneur ; mais d'abord permets-moi de faire mes adieux à ceux de ma maison. » Jésus lui dit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n'est pas fait pour le Royaume de Dieu. » (Lc, 9, 57-62)

Un autre encore lui dit : « Je vais te suivre, Seigneur ; mais d'abord permets-moi de faire mes adieux à ceux de ma maison. » Jésus lui dit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n'est pas fait pour le Royaume de Dieu. »

(Lc, 9, 57-62)

«Nous éviterons ainsi le triste esclavage où tant sont tombés qui ont oublié leur condition de fils de Dieu, à se soucier d’un lendemain ou d’un surlendemain qu’ils ne verront sans doute même pas »

Pour méditer sur la vertu de pauvreté, voici des extraits de l’homélie ‘Détachement’, prononcée par saint Josémaria et publiée dans Amis de Dieu.

Maîtres de la Création

On peut assurer que, face à la mission reçue du Père, notre Seigneur vécut au jour le jour, comme il le conseillait dans l’un des enseignements les plus évocateurs qui soient sortis de sa bouche divine : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement. Regardez les corbeaux ; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit ! Combien plus valez-vous que les oiseaux !... Regardez les lis, comme ils poussent : ils ne travaillent ni ne filent. Or, je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Si, dans les champs, Dieu revêt de la sorte l’herbe qui est aujourd’hui, et demain sera jetée au four, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi !

Si nous étions plus confiants en la Providence divine, sûrs — avec une foi forte ! — de cette protection quotidienne qui ne nous fait jamais défaut, combien de soucis et d’angoisses seraient épargnés ! Tant de soucis disparaîtraient qui, selon Jésus, sont propres aux païens, aux hommes de ce monde, à ceux qui manquent de sens surnaturel.

Je voudrais, dans une confidence d’ami, de prêtre, de père, vous faire réfléchir sur ce que, en toute circonstance, par la miséricorde de Dieu, nous sommes enfants de Notre Père tout-puissant, qui est au ciel et en même temps dans l’intimité de notre cœur ; je voudrais graver au fer rouge dans votre esprit que nous avons toutes les raisons du monde pour parcourir cette terre avec optimisme, l’âme bien détachée des choses qui semblent indispensables — car —votre Père sait bien ce dont vous avez besoin ! — et qu’il y pourvoira.

Croyez-moi : c’est seulement ainsi que nous nous conduirons en maîtres de la Création, et que nous éviterons le triste esclavage où tant sont tombés, oublieux de leur condition d’enfants de Dieu, alors qu’ils se donnent beaucoup de mal pour un lendemain ou un surlendemain qu’ils ne verront peut-être même pas.

"Mon expérience personnelle "

«Quand on centre son bonheur uniquement sur les choses d’ici-bas, le cœur, triste et insatisfait, sombre dans l’itinéraire d’un éternel mécontentement et devient finalement l’esclave, la victime, des biens atteints sans doute grâce à des efforts et des renoncements sans nombre»

Permettez-moi, une fois de plus, de vous faire part d’un tout petit bout de mon expérience personnelle. Je vous ouvre mon âme en présence de Dieu, pleinement persuadé que je ne suis en rien un modèle, que je ne suis qu’une loque, un pauvre instrument, sourd et inepte, que le Seigneur a utilisé pour qu’il soit mis en évidence qu’il écrit parfaitement avec le pied d’une table.

C’est pourquoi en vous parlant de moi, il est loin de mon esprit de faire valoir un mérite personnel quelconque de mon comportement. Je prétends moins encore vous imposer les chemins par où le Seigneur m’a conduit, car il peut très bien se faire que le Maître ne vous demande pas ce qui m’a tant aidé à travailler sans entrave à cette Œuvre de Dieu à laquelle j’ai consacré mon existence tout entière.

Je vous assure, je l’ai touché de mes mains, je l’ai contemplé de mes yeux, que si vous faites confiance à la divine Providence, si vous vous abandonnez dans ses bras tout-puissants, vous ne manquerez jamais des moyens de servir Dieu, l’Église sainte, les âmes, et ce, sans négliger le moindre de vos devoirs ; et vous jouirez, de plus, d’une joie et d’une paix que mundus dare non potest, que la possession de tous les biens de cette terre ne peut donner.

Dès le début de l’Opus Dei, en 1928, n’ayant aucune ressource humaine, je n’ai personnellement jamais brassé le moindre centime ; je ne suis pas davantage intervenu directement dans les problèmes financiers qui se posent logiquement à tous ceux qui entreprennent quelque chose avec des créatures — des hommes en chair et en os et non des anges — qui ont besoin d’instruments matériels pour développer efficacement leur action.

Pour soutenir ses œuvres apostoliques, l’Opus Dei a eu besoin de la collaboration généreuse de beaucoup de personnes, et je pense qu’il en aura toujours besoin, jusqu’à la fin des temps ; d’une part, parce que ces activités ne sont jamais rentables ; de l’autre, parce que, malgré le nombre croissant de ceux qui coopèrent et le travail de mes enfants, l’amour de Dieu étant au rendez-vous, l’apostolat s’élargit et les besoins se multiplient.

C’est pourquoi j’en ai fait rire plus d’un en l’incitant fermement à répondre fidèlement à grâce de Dieu, tout en l’encourageant à tenir tête effrontément au Seigneur, pour lui demander plus de grâces ainsi que les espèces sonnantes et trébuchantes dont nous avions un besoin urgent.

Des ouvriers, des artisans, des universitaires

118. Les premières années nous manquions même du plus indispensable. Attirés par le feu de Dieu, des ouvriers, des artisans, des étudiants..., venaient à moi, qui ignoraient la gêne et l’indigence dans lesquelles nous nous trouvions parce que, à l’Opus Dei, avec le secours du ciel, nous nous sommes toujours efforcés de travailler de façon à ce que le sacrifice et la prière soient abondants et cachés.

“Servez-vous en toute droiture des moyens humains, en pensant au service rendu à Dieu, à l’Église, aux vôtres, à votre travail professionnel, à votre pays, à l’humanité entière"

En jetant maintenant un regard sur cette époque, une action de grâce éperdue jaillit de notre cœur : quelle assurance habitait notre âme ! Nous savions qu’en cherchant le royaume de Dieu et sa justice le reste nous serait donné par surcroît. Et je puis vous assurer que nous n’avons renoncé à aucune initiative apostolique par manque de ressources matérielles : au moment voulu, dans sa Providence ordinaire, Dieu notre Père nous fournissait d’une manière ou d’une autre ce dont nous avions besoin, pour que nous voyions ainsi qu’il est toujours bon payeur.

Si vous désirez à tout moment être maître de vous-mêmes, je vous conseille de fournir un très gros effort pour vous détacher de toute chose, sans crainte ni hésitation. Ensuite, au moment de vous occuper de vos obligations personnelles, familiales.... et de les accomplir, utilisez les moyens terrestres honnêtes avec rectitude, en pensant au service de Dieu, à l’Église, à votre famille, à votre tâche professionnelle, à votre pays, à l’humanité tout entière. Dites-vous bien que ce qui est important ne se traduit pas dans le fait de posséder ceci ou de manquer de cela, mais de se conduire en accord avec la vérité que notre foi chrétienne nous enseigne : les biens créés sont des moyens, rien d’autre. Repoussez donc le mirage qui consiste à y voir quelque chose de définitif : ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le ver consument, où les voleurs perforent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel : là, point de mite ni de ver qui consume, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.

Qui centre son bonheur exclusivement sur les choses d’ici-bas — j’ai été témoin de véritables tragédies —, en pervertit l’usage raisonnable et détruit l’ordre sagement disposé par le Créateur. Son cœur devient alors triste et insatisfait ; il s’engage sur la voie d’un éternel mécontentement et finit par être dès ici-bas esclave, victime de ces mêmes biens atteints, sans doute, au prix d’efforts et de renoncements innombrables.

Là où Dieu n’a plus de place

Mais surtout, je vous recommande de ne jamais oublier que Dieu n’a pas de place, n’habite pas un cœur embourbé dans un amour désordonné, grossier, vain. Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et I’Argent. Fixons donc notre cœur dans l’amour capable de nous rendre heureux... Désirons les trésors du ciel.

Je ne prétends nullement ici t’inciter à quitter ton devoir ou à renoncer à tes droits, puisque pour chacun de nous, un repli sur ce front reviendrait à une lâche désertion du combat pour la sainteté à laquelle Dieu nous a appelés.

"Dites-vous qu’avec votre travail professionnel responsable, non seulement vous subvenez à vos besoins mais vous allégez aussi les fardeaux des autres”

Ceci dit, en toute conscience, tu dois t’attacher, par ton travail essentiellement, à ce que ni toi ni les tiens ne manquiez de ce qu’il vous faut pour vivre dans la dignité chrétienne. S’il t’arrivait un jour d’éprouver dans ton propre corps le poids de l’indigence, ne t’attriste pas, ne te révolté pas ; mais, j’insiste, tâche de te donner les moyens nobles de surmonter cette situation, car agir autrement serait tenter Dieu.

Et dans cette lutte souviens-toi toujours de ceci : omnia in bonum ! Tout, y compris la pénurie, la pauvreté, coopère au bien de ceux qui aiment le Seigneur. Habitue-toi dès maintenant à affronter avec joie les petites limites, les incommodités, le froid, la chaleur, la privation de quelque chose qui te semble indispensable, le fait de ne pouvoir te reposer comme tu le voudrais et quand tu le voudrais, la faim, la solitude, l’ingratitude, l’incompréhension, le déshonneur.

Alléger le fardeau des autres

Nous sommes des hommes de la rue, des chrétiens courants, plongés dans le flux de la société, et le Seigneur veut que nous soyons saints, apostoliques, précisément au cœur de notre travail professionnel, c’est-à-dire en nous sanctifiant à la tâche, en la sanctifiant et en aidant les autres à s’y sanctifier.

Soyez convaincus que Dieu nous y attend avec une sollicitude de Père, d’Ami. Et pensez qu’en réalisant votre tâche professionnelle en toute responsabilité, non seulement vous subvenez à vos besoins financiers, mais vous rendez un service on ne peut plus direct au développement de la société, vous allégez aussi les charges des autres et vous aidez tant d’œuvres d’assistance, au niveau local et universel, au profit des individus et des peuples moins favorisés.