"À la prison, il faut comprendre, ne pas accabler les gens."

Paloma Olavide est Médecin des prisons et syndicaliste. Elle est également surnuméraire de l'Opus Dei.

C’est à Barcelone que nous rencontrons Paloma Olavide qui décline son identité en respectant sa hiérarchie des valeurs : 

Très heureuse dans mon couple, j’ai six enfants et je ménage le tout avec mon travail de médecin des prisons et un poste de technicienne dans la prévention des risques du travail.

Depuis 1991, j’exerce la médecine en milieu carcéral, au centre pénitentiaire Brians, près de Barcelone. 

C’est dans ce cadre professionnel que je suis intervenue dans les négociations pour l’amélioration des conditions de travail du personnel sanitaire, expérience qui m’a permis de m’incorporer en 2001 au syndicat de l’Union Générale des Travailleurs (UGT) où je me suis spécialisée dans le domaine de la sécurité, l’hygiène et l’ergonomie. Voilà comment je suis devenue responsable du pôle santé du travail au gouvernement catalan, la Generalitat.

Médecin des prisons, ce n’est évidemment pas facile

Ce ne le fut pas au début. La prison de Brians est une prison d’hommes et de femmes. Les hommes sont plus directs, mais plus respectueux. Ils comprennent que nous sommes là pour les aider, même si nous n’accédons pas à toutes leurs demandes.

Pour ce qui est des femmes, je m’occupe surtout de celles qui sont en infirmerie et mes relations avec elles sont celles que j’ai en milieu hospitalier. Je peux aller un peu plus au fond des choses et constater l’échec de l’éducation qu’elles ont reçue, de certains de leurs comportements.

Pour finir, beaucoup considèrent comme normal le fait d’être en prison puisqu’ils ont déjà un père, une mère, un frère, une sœur, des voisins… qui s'y trouvent !

Confrontée aux femmes enceintes, souvent malades du SIDA, j’essaie de leur donner une information vraie, en collaboration avec le gynécologue. L’administration pénitentiaire offre la possibilité d’avorter et quelques unes le font parce qu’on leur a dit « si tu as le SIDA, ton enfant l’aura et il ne faut pas lui faire du mal ». Je les informe qu’avec un suivi médical et un contrôle régulier, il n’est plus vrai que tous les enfants dans ce cas soient séropositifs à la naissance. Il y a de fortes chances qu’ils en soient épargnés. « Et si non, nous sommes là pour t’aider, pour donner des médicaments, parce que le SIDA n’est plus actuellement synonyme de mort assurée ».

Certaines changent d’avis en m’écoutant parler ainsi.

Quel rapport entretenez-vous avec vos collègues, en un milieu si dur, et lors de vos nuits de garde ?

Dans ces cas-là c’est toujours le témoignage d’une vie qui est porteur. Les nuits sont longues et on a le temps de discuter avec les collègues et les fonctionnaires. Et dès qu’ils ont un souci, ils viennent m’en parler parce j’ai la chance d’avoir la foi. Ils demandent une prière pour eux, un conseil, bien qu’ils ne partagent pas mes convictions.

Une nuit, au cours d’une garde, une fonctionnaire des prisons vint me voir et me dit : « Je suis là pour te remercier car je viens d’avoir mon troisième enfant et c’est à toi que je le dois ». Je ne savais pas de quoi elle parlait et elle m’expliqua : « J’ai eu mon premier sous césarienne et j’étais sur le point d’accoucher du deuxième lorsqu’on m’a dit que ce serait aussi sous césarienne. Au bloc opératoire, le gynéco me dit qu’il devait me ligaturer les trompes parce que je ne pouvais pas risquer d’autres grossesses. C’est alors que j’ai pensé à toi, à cette nuit de garde où tu m’avais parlé des cinq que tu avais eus sous césarienne ce qui ne t’avait pas empêchée d’être en pleine forme. J’ai donc refusé la ligature. Je ne t’en ai pas parlé, mais c’est grâce à ce choix que j’ai maintenant un troisième enfant, né sous césarienne, et que je vais très bien ». 

Cela m’a fortement impressionnée.

Trouvez-vous d’un grand secours la formation que vous recevez dans l’Opus Dei ?

Ils veulent que nos promesses soient tenues, parce qu’ils ont été très souvent déçus par des promesses non tenues. Dès qu’ils sont dans une relation de respect mutuel où chacun s’engage à tenir sa parole, il y a une lumière quelque part dans leur âme.

Elle m’encourage à me sanctifier dans ce travail. Dès que je me lève, je fais un moment de prière et j’essaie d’aller à la messe, le matin si possible.

Quand on dit à Dieu « je t’offre mon travail », on est forcé de bien le faire, de le soigner, parce qu’on le fait pour Dieu !

Cette formation contribue au saut de qualité : les choses peuvent aller mal, j’essaie de les prendre du bon côté, en découvrant la volonté de Dieu dans les événements quotidiens. Je me sens aussi responsable en tant que chrétienne parce que, dans le cadre de mon travail, nombreux sont ceux qui n’ont pas la foi. Ceci m’aide à rectifier lorsque je me trompe. Comme le disait saint Josémaria, je fais en sorte que les autres puissent voir le Christ en moi, aussi bien quand je réussis que lorsque je me trompe et que je rectifie en demandant pardon.

C’est ce qui me stimule le plus dans mon travail : quoi que je fasse, quoi que je dise, mon modèle c’est le Christ.

Et dans vos relations avec les autres ?

Je m’efforce de comprendre, de ne jamais accabler les gens. C’est très important dans ce milieu carcéral, où il faut découvrir la dignité de chacun. Il y a quelques jours j’ai visité un centre pour jeunes. Des gosses qui sont entrés dans la délinquance à 13 ans. Ils en ont maintenant 18 ou 20. Et, en dépit de leur passé, plus ou moins lourd, il faut les respecter en tant que personnes. Et ils ressentent ce respect.

Ils veulent que nos promesses soient tenues, parce qu’ils ont été très souvent déçus par des promesses non tenues. Dès qu’ils sont dans une relation de respect mutuel où chacun s’engage à tenir sa parole, il y a une lumière quelque part dans leur âme. Ce qui ne veut pas dire que l’on soit faible. Je n’ai jamais favorisé l’usage de drogues et leur ai toujours parlé clairement quand ils agissaient mal. Ils ont toujours compris que je les respectais et les valorisais.

Comme avec mes enfants, j’emploie les méthodes d’éducation positives. « Bravo ! tu tiens depuis une semaine sans toucher à la drogue, tu vas t’en sortir ! » Ils sont surpris parce qu’ils n’ont jamais été encouragés comme ça. C’est en grande mesure ce que j’ai appris dans l’Opus Dei et dans les écoles où j’envoie mes enfants. Les modèles d’éducation de ces écoles me sont fort utiles et je les adapte à mon métier.

Tout le monde connaît mes convictions. Je n’ai rien à cacher. Dans les vingt minutes d’une pause café, moi je file à la messe. Et lorsque je préside les tables de négociation, je fais en sorte que tout se passe dans le calme, sans élever le ton de la voix, pour que chacun puisse donner son avis et que les interventions de tous soient respectées…