Térésa de Calcutta, enrichie par la pauvreté

La mère Térésa de Calcutta, béatifiée par Jean Paul II dimanche 19 octobre, a « recherché l’union avec le Christ, qui attend ses disciples, les console et les bénit dans la pauvreté et dans la charité ». Nous vous proposons un article du postulateur de la cause de saint Josémaria, publié dans le journal « La Razón » (la Raison, Espagne) sous le titre « Térésa de Calcutta, modèle de charité théologale »

Les saints sont ceux qui rendent tangibles l’actualité pérenne de l’évangile. Chaque saint est comme une parabole vivante de cette expression de l’Epître aux Hébreux qui reflète leur expérience la plus intense : « Jésus Christ est le même hier et aujourd’hui, et dans les siècles des siècles »

Ceci est également le premier héritage qu’ils laissent à ceux qui suivent leur exemple, ainsi qu’à toute l’Église : la conviction de ce qu’aujourd’hui, comme il y a deux mille ans à travers les chemins de Palestine, le Christ passe à nos côtés et nous appelle : « Si tu veux être parfait, va, vend tout ce que tu possèdes et donne-le au pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi ». Voici la certitude de ce que, aujourd’hui comme hier, chaque homme, chaque femme peut poser la tête sur la poitrine du Christ et écouter le battement de son amour pour ses créatures.

Pour comprendre l’actualité de Mère Térésa de Calcutta, il faut dépasser les catégories anthropologiques et sociologiques classiques. La sienne n’est pas seulement une rébellion contre la société de consommation, son idéal n’est pas purement philanthropique, ce n’est pas simplement la défense de la dignité de ceux qui n’ont rien. Certainement, elle nous donne un exemple de zèle pour la vertu de la pauvreté, qui n’accepte pas de compromis, même avec les garanties minimales proposées par la protection sociale des pays développés. Elle ne veut rien pour ses filles qui, à ses yeux, puisse être considérée comme une diminution de la logique surnaturelle contenue dans l’exemple du Christ. Son amour de la pauvreté est une authentique gifle à cette fuite devant la douleur, à cet attachement à la commodité auquel le progrès en occident nous a habitués ; mais c’est, surtout, le fruit de l’ardeur avec laquelle une âme sainte recherche le Christ : pour une âme qui aime, disait saint Josémaria Escriva, les malades sont le Christ.

De la même façon, sa charité n’est pas inspirée par des velléités de réformes sociales ou d’appui au développement de systèmes sanitaires. Dans le pauvre, le malade, le moribond, Mère Térésa voit et essaye de consoler le Christ. Sa charité répond à l’esprit sur lequel repose les considérations de Jean Paul II dans sa lettre Novo Millenio Ineunte : « Pour cela, nous devons faire en sorte que, dans toutes les communautés chrétiennes, les pauvres se sentent « chez eux ». Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la bonne nouvelle du Royaume? Sans cette forme d'évangélisation, accomplie au moyen de la charité et du témoignage de la pauvreté chrétienne, l'annonce de l'Évangile, qui demeure la première des charités, risque d'être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société actuelle de la communication nous expose quotidiennement. La charité des œuvres donne une force incomparable à la charité des mots. »

Dit autrement, le message de Mère Térésa – comme c’est la cas pour tout les saints – a une origine, un développement et une fin sans équivoques et profondément théologaux : ce message nait du Christ, s’alimente du Christ, tend vers le Christ. L’union avec Jésus Christ : voilà quel est le but de cette recherche inlassable et insatiable que l’on reconnaît dans la trajectoire existentielle de tous les saints. Chez Mère Térésa, cela apparaît clairement dans les moments où le Seigneur veut la faire passer par l’expérience de la nuit obscure. En 1956, elle confiait à l’archevêque de Calcutta : « Je veux être apôtre de la joie ».

Mais, par une mystérieuse disposition de la providence, elle devra mener à bien cet apostolat dans l’agonie d’une absence de Dieu qui lui était insupportable, comme elle l’écrivait en mars 1956 : « Certaines fois l’agonie de l’absence de Dieu est si grande, et le vif désir de voir l’Absent est si profond, que la seule prière que je sois capable de réciter est : « Sacré cœur de Jésus, j’ai confiance en toi. Je rassasierai ta soif d’âmes ». Quatre ans plus tard, l’épreuve la tourmentait encore, mais elle continuait de suivre le Christ avec obstination, avec confiance, sûre de ce qu’elle obtiendrait une réponse : « J’ai commencé à aimer l’obscurité. Mais maintenant je crois qu’elle n’est qu’une partie, une petite partie, de l’obscurité et de la douleur que Jésus a connues sur terre ». Avec le Christ, les ténèbres se convertissent en lumière, l’aridité en feu dévorant.

C’est également dans cet effort incessant de recherche de l’union que l’on trouve l’explication de la fécondité spirituelle des saints. L’engagement ultime des filles et des fils de Mère Térésa de Calcutta n’est pas le témoignage de la pauvreté, ni l’assistance au malade et aux moribonds des milieux les plus misérables, mais bien la recherche de l’union avec le Christ, qui attend ses disciples, les console et les bénit dans la pauvreté et la charité.

Mgr Flavio Capucci, La Razón, Espagne