Au cœur du texte, la sympathique figure du petit âne de Jérusalem offre à l'auteur le motif d'une méditation simple et concrète sur la « mission de service » propre au chrétien.
« Le Christ doit avant tout régner en notre âme. Mais que pourrions-nous Lui répondre s'Il nous demandait: et toi, comment me laisses-tu régner en toi ? [ …]
Si la condition, pour que Jésus règne en ton âme et en la mienne, était qu'Il trouve en nous une demeure digne, nous aurions de quoi nous désespérer. Mais sois sans crainte, fille de Sion: voici venir ton roi, monté sur le petit d'une ânesse (Jn 12,15). Voyez de quel pauvre animal Jésus se contente pour trône. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais personnellement cela ne m'humilie pas de me reconnaître âne aux yeux du Seigneur: j'étais une brute devant toi. Et moi, qui restais devant toi, tu m'as saisi par ma main droite (Ps 72,23-24), tu me conduis par le licol.
Rappelez-vous les traits caractéristiques de l'âne, non de ceux du vieil âne, têtu et rancunier qui se venge d'une ruade traîtresse, mais de ceux de l'âne jeune, aux oreilles dressées comme des antennes, austère dans sa nourriture, obstiné dans le travail, au trot allègre et décidé. Certes, il existe des centaines d'animaux plus beaux, plus habiles et plus cruels, mais c'est lui qu'a choisi le Christ pour se présenter en roi au peuple qui l'acclamait. Car Jésus n'a que faire de l'astuce calculatrice, de la cruauté des coeurs froids, de la beauté qui brille mais qui n'est qu'apparence. Notre Seigneur aime la joie d'un coeur jeune, la démarche simple, la voix bien posée, le regard limpide, l'oreille attentive à sa parole affectueuse. C'est ainsi qu'Il règne dans l'âme.
Si nous laissons le Christ régner en notre âme nous ne dominerons pas les hommes, mais nous les servirons. Service. Comme j'aime ce mot! Servir mon Roi et, pour Lui, tous ceux que son sang a rachetés! Si les chrétiens savaient servir! Confions au Seigneur notre décision d'apprendre à accomplir cette mission de service, car ce n'est qu'ainsi que nous pourrons connaître le Christ et L'aimer. Le faire connaître et Le faire aimer.
Comment Le ferons-nous connaître? D'abord par l'exemple. Rendons-Lui témoignage en nous soumettant volontairement à Lui dans toutes nos activités, car Il est Seigneur de toute notre vie, car Il est la raison unique, la raison dernière de notre existence. Ensuite, après avoir témoigné par notre exemple, nous serons en mesure de parler de sa doctrine afin de la transmettre. Le Christ n'a pas agi autrement. Coepit facere et docere, Il a d'abord enseigné par ses oeuvres, puis par sa prédication divine.
Pour servir les autres par amour du Christ, nous devons être très humains. Si notre vie n'est pas humainement valable, Dieu ne bâtira rien en elle, car d'ordinaire Il ne construit pas sur le désordre, sur l'égoïsme et sur la prétention. Nous devons comprendre tous les hommes, vivre en harmonie avec tous, les excuser tous, et pardonner à tous. Bien sur, nous ne dirons pas que l'offense à Dieu n'est pas une offense; nous n'appellerons pas juste ce qui est injuste, ni bien ce qui est mal. Nous ne répondrons pas au mal par un autre mal, mais par une doctrine claire et par des actions droites, noyant ainsi le mal dans une abondance de bien. Alors, le Christ régnera dans notre âme et dans celles de ceux qui nous entourent.
Certains essaient d'instaurer la paix dans le monde en oubliant de mettre l'amour de Dieu dans leur propre coeur et de servir les créatures par amour de Dieu. Comment une mission de paix peut-elle être réalisée de la sorte ? La paix du Christ est celle du royaume du Christ; et le royaume de Notre Seigneur doit se fonder sur le désir de sainteté, sur l'humble disposition à recevoir la grâce, sur une noble action de justice et sur un débordement divin d'amour. »