Saint Martin, le juste de cape et d’épée

À l'occasion de la fête de Saint Martin, le 11 novembre, cet article développe l'impact gigantesque d'un seul geste de charité et nous donne de nombreux détails historiques passionnants.

Un seul geste de charité a marqué la renommée universelle de Saint Martin.

dans un geste chevaleresque il partage sa cape avec le pauvre ; quelques heures plus tard le Christ le remerciera dans une vision

Sa biographie, écrite peu après sa mort par l’un de ses disciples, précise les détails : affecté à Amiens, dans la Gaule du nord, le sous-officier de 18 ans, encore païen, est touché de compassion à la vue d’un mendiant dans un soir d’hiver glacial ; dans un geste chevaleresque il partage sa cape avec le pauvre ; quelques heures plus tard le Christ le remerciera dans une vision (Sulpice Sévère, Vie de Saint Martin, chap. 3).

Après la mort du saint, devenu moine, fondateur et évêque zélé, sa cape militaire aurait été conservée comme relique ; lorsque Alcuin devint abbé à Saint-Martin de Tours, il l’offre à Charlemagne ; l’empereur l’installe dans un édicule cultuelle, qui, en référence à cette cape (chape), recevra le nom de « chapelle » et qualifiera la capitale comme Aix-la-Chapelle.

La ville d’Amiens garde un savoureux souvenir de l’épisode. Un oratoire fut érigé dans le lieu de partage de la cape, près du mur d’enceinte ; là, au début du 11e siècle, fut bâtie l’abbaye Saint-Martin-les-Jumeaux ; une inscription, contenant un distique en ancien français, commémorait le don charitable, daté en l’an 337. Quand l’abbaye en ruine fut remplacée par l’actuel Palais de Justice, les architectes confièrent à Justin-C. Sanson (1880) un haut-relief commémoratif, en ajoutant une reproduction du texte médiéval.

La Saint-Martin fut choisie, à juste titre, pour signer l’armistice à la fin de la première Guerre ; dès lors, chaque année une commémoration des combattants défunts rassemble les citoyens dans chaque village le 11 novembre. Les soldats ont offert leur vie par amour de leurs compatriotes.

La Saint-Martin fut choisie, à juste titre, pour signer l’armistice à la fin de la première Guerre

Un halo de charité entoure ces mémoires. Saint Paul déclare que « l’amour du Christ surpasse toute connaissance » (Ephésiens 3, 19). L’Eglise, en glosant l’Evangile (Luc 17, 33) souligne que « l’homme ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (Gaudium et Spes §24). Après le concile, Paul VI prônera « la civilisation de l’amour », la « sagesse de l’amour fraternel » qui transfigurera l’humanité selon le Christ (Homélie, 25/12/1975) ; « la civilisation de solidarité mondiale » (id., enc. Le développement des peuples, 1967 §73).

« Jésus nous invite à construire ensemble la civilisation de l’amour chaque jour » (Pape François)

Ses successeurs y insisteront : l’Évangile promeut « une civilisation animée par l’amour » (Benoît XVI, enc. La charité dans la vérité §13), capable de contrecarrer la culture de la mort. « Jésus nous invite à construire ensemble la civilisation de l’amour chaque jour » (pape François, tweet, 18 juillet 2018), ce qui ne peut grandir que dans l’amitié. Jean-Paul II avait déjà parlé de « l’amour social » (enc. Le Rédempteur de l’homme §15) : « une force capable de susciter de nouvelles voies pour affronter les problèmes du monde d’aujourd’hui et pour renouveler profondément de l’intérieur les structures, les organisations sociales, les normes juridiques » (pape François, enc. Fratelli Tutti §183). Une tâche passionnante du chrétien dans le monde.

Martin, confesseur de la foi et thaumaturge, « vicaire des apôtres », est chanté par la liturgie dans un foisonnement de textes, d’origine très ancienne ; on trouve des dizaines de formulaires de messes, d’hymnes, d’antiennes, de lectures, de partitions, comme la monumentale séquence Sacerdotem Christi : « Que la Pannonie, mère d’un tel fils ; que l’Italie, nourrice d’un si grand homme, se réjouissent ; que chaque tiers de la Gaule rivalise en un combat sacré pour savoir duquel il doit être le chef, mais que tous se réjouissent également de l’avoir pour père » (Notker le Bègue, abbé de Saint-Gall, vers 880).


Photo : Amiens, parvis du palais de justice, bas-relief de La Charité de saint Martin par Justin-Chrysostome Sanson, prise le 13 décembre 2018, Travail personnel, Auteur : Ybroc

Abbé Fernandez