Pour les pensionnaires d'Ehpad comme pour les personnes contaminées astreintes « à quatorzaine », cette réclusion sanitaire équivaut à un emprisonnement. Pour les personnes seules, fragiles, handicapées, dépendantes..., l'isolement forcé peut s'avérer dramatique. Pour la plupart, l'enfermement requis par les autorités constitue une entrave et certains, astucieusement, cherchent une échappatoire : profiter, par exemple, du chien de l'immeuble pour une promenade prolongée..., au risque de l'épuiser !
Pour des parents de jeunes enfants, le confinement risque de virer à l'« enfer domestique » : si leur progéniture n'a plus que le balcon comme seul horizon, ils se doivent d'être à la fois nounous, enseignants, surveillants, animateurs de loisirs, créateurs de détente et de bonne humeur..., une responsabilité « multi- casquettes » à laquelle ils n'étaient pas nécessairement préparés.
La crise du coronavirus n'est pas seulement sanitaire. Elle est aussi, bien souvent, morale. Par sa gravité, elle sonde les raisons de vivre. Comment mieux l'assumer ? En s'inspirant de l'appel, qui circule sur les réseaux sociaux, à se laver les mains tout en développant sa vie de prière : en liant ces gestes concrets à une prière méditée ; autrement dit, en unissant les moyens surnaturels à des moyens humains adéquats.
De nombreux experts voient, derrière l'épidémie planétaire, se profiler une crise économique majeure qui demandera aux acteurs du marché de changer de modèle de comportement ; de référents dans l'oikonomia, l'administration de la « maison commune ». C'est un immense défi. Mais, selon la métaphore du verre à moitié vide et à moitié plein, ne vaut-il pas mieux l'envisager comme une chance ? Le relever réclame, en tout cas, un redimensionnement personnel, source de solidarité collective. Et comme la famille est la cellule de base de la société, cette époque de confinement prescrit d'abord de réapprendre à « faire famille » : c'est à dire concrètement de passer d'une vie repliée dans la résignation à une communion de vie heureuse. Comment y parvenir ? En redécouvrant les vertus communes, « les petites vertus du foyer » (Mgr Chevrot), qui adoucissent la « douleur de vivre ». Eu égard aux circonstances actuelles, trois d'entre elles méritent d'être soulignées :
- la discrétion est indispensable dans une conjoncture qui génère angoisse et tensions, qui conduit à la promiscuité : c'est l'art de discerner ce qu'il faut dire, ainsi que la manière de le dire ; c'est, « avec le moins de mots possible, donner le plus de sens possible » (Jankélévitch). Elle contribue puissamment à la « paix des ménages ».
- la ponctualité aux rendez-vous communs (repas, prière...) permet à chacun de gérer son temps et d'organiser son activité dans la sérénité. En revanche, les retards et les attentes injustifiées perturbent la convivialité et la « chargent » d'électricité.
- la gratitude, notamment vis-à-vis de ceux dont on s'habitue facilement à recevoir de l'attention et des services. Avec raison, nous exprimons tous les soirs notre reconnaissance à l'égard des personnels hospitaliers qui veillent sur notre santé. En est-il de même pour nos proches, qui veillent sur nous sans discontinuer ?
Ces petites vertus rendent supportable et agréable la vie de tous les jours, particulièrement dans les périodes perturbées. Telles « le grillon du foyer » qui stridule gentiment dans la cheminée, elles sont le porte-bonheur d'une maisonnée et une source d'harmonie des rapports sociaux.
Abbé Patrick Pégourier