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Après avoir franchi les Pyrénées, il fit un court séjour à Pamplune puis il s’installa à Burgos. De là, dans l’étroitesse et les privations, dans un pays dévasté, il fit un intense apostolat.

Après avoir franchi les Pyrénées, il fit un court séjour à Pamplune puis il s’installa à Burgos. De là, dans l’étroitesse et les privations, dans un pays dévasté, il fit un intense apostolat.

Saint Josémaria, dans les décombres de l’académie DYA

En ce temps de guerre, la zone dite « nationale » de l’Espagne avait établi sa capitale provisoire à Burgos. S’y trouvaient le gouvernement, les fonctionnaires, et bien des gens en attente de rentrer chez eux, ainsi que nombre d’ecclésiastiques. Au-delà des considérations politiques, la ferveur religieuse s’y était rallumée, peut-être par réaction contre les persécutions.

Le fondateur s’établit à Burgos, après la traversée des Pyrénées, et prit une chambre dans une modeste auberge, l’hôtel Sabadell. À partir de cette base, il s’adonna à un apostolat très intense. Il fallait retrouver les personnes connues avant la guerre et poursuivre leur formation. L’abbé Escriva n’hésita pas à entreprendre tous les voyages nécessaires, malgré sa carence totale d’argent et le manque de confort causé par les destructions dues à la guerre. Beaucoup venaient le voir à l’occasion d’une permission. Le Père leur faisait miroiter des horizons amples et lumineux, et les jeunes désiraient ardemment ces entretiens réconfortants. « J’avais l’habitude de me promener le long des berges de l’Arlanzon, tout en leur parlant, en écoutant leurs confidences, en essayant de les orienter par un conseil opportun, capable de les raffermir ou de les ouvrir à de nouveaux horizons de vie intérieure ; et je ne cessais, avec l’aide de Dieu, de les encourager, de les stimuler, de les enflammer dans leur conduite chrétienne. Certains jours, nos promenades nous menaient jusqu’au monastère de Las Huelgas ; d’autres fois, nous faisions un détour par la cathédrale.

J’aimais monter à l’une des tours et leur faire contempler de près l’arête du toit, véritable dentelle de pierre, fruit d’un labeur patient, coûteux. Au cours de ces conversations, je leur faisais remarquer que d’en bas l’on n’apercevait pas cette merveille ; et, pour mieux matérialiser ce que je leur avais si souvent expliqué, je faisais ce commentaire : voilà le travail de Dieu, l’œuvre de Dieu ! achever son travail personnel à la perfection, avec la beauté et la splendeur de ces délicates dentelles de pierre. »

Apôtre d’apôtres

Le Père rêvait à la grande expansion de l’Opus Dei, rêvait d’un service fécond de l’Église. Il pensait déjà à préparer ces jeunes pour les envoyer à d’autres pays. « Nous faisions, toi et moi, notre prière à la tombée du soir. On entendait tout près le murmure de l’eau. Et, dans la quiétude de la ville castillane, nous percevions aussi des voix qui parlaient en cent langues et nous criaient avec angoisse qu’elles ne connaissent pas encore le Christ. Tu as baisé le Crucifix sans réserve, et tu lui as demandé d’être apôtre d’apôtres. »

Il entreprit de voyager pour aller parler de l’Opus Dei à de nombreux évêques. Tous lui prodiguèrent estime et encouragements. Il réunissait des objets liturgiques et tout ce qui pourrait servir pour recommencer à Madrid dès que ce serait possible. Il recherchait surtout des livres, les demandant comme l’on demande une aumône à tous ceux qui pouvaient lui en donner : ces jeunes devaient se former très bien pour porter le Christ aux domaines du savoir et de la culture.

Thèse, voyages et correspondance

Et comme toujours, il prêchait d’exemple. Comme il avait perdu à Madrid les dossiers de sa thèse doctorale à cause de la guerre, il entreprit de nouvelles recherches au monastère de Las Huelgas, qui présentait un cas particulier de juridiction en droit canonique.

Il s’adonna à une correspondance très abondante pour maintenir le contact avec tous ceux qu’il avait connus, en particulier avec ses fils spirituels. C’étaient des lettres brèves, stimulantes, paternelles. Mais, jusqu’à quand cette attente allait-elle durer ? Il l’agrémentait de mortifications et de pénitences très dures, de jeûnes et de la décision d’abandonner tout souci financier entre les mains du Seigneur. Les maigres ressources qu’ils pouvaient réunir à eux tous ne suffisaient même pas à leur survie.

De nouveau à Madrid

La nouvelle arriva enfin : l’on pouvait renter à Madrid. Une sainte impatience conduisit l’abbé Escriva à rejoindre la capitale avec le premier convoi militaire qui entrait dans la ville. Il était le premier prêtre à y revenir, le 28 mars 1939. La résidence d’étudiants qu’il avait ouverte au prix de tant de sacrifices était entièrement détruite. Ému, il ramassa dans les décombres un tableau avec la phrase que Jésus avait qualifiée, dans l’Évangile, de commandement nouveau et qu’il avait donné comme signe de reconnaissance de ses disciples : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… »

Recommencer. Un espoir et un esprit de sacrifice hors du commun le conduisirent à ouvrir une nouvelle résidence. Il s’y installa avec sa famille. Sa mère et sa sœur s’occupaient des tâches domestiques. C’est à elle qu’est dû, en bonne partie, l’aspect familial, de foyer, de tous les centres de l’Opus Dei.

Au moins de juin, l’abbé Escriva prêcha une retraite spirituelle à des étudiants, près de Valence. Il donna ainsi un élan au travail de l’Œuvre dans cette ville. Et c’est à Valence que Chemin fut édité, au mois de septembre. De nombreuses personnes arrivaient ,désireuses de se donner à Dieu dans l’Opus Dei en s’engageant complètement, avec une vocation chrétienne dans leur milieu familial ou dans le célibat apostolique. L’expansion en province se poursuivit. Les événements en Europe empêchèrent de penser à aller dans d’autres pays. En 1940, un nouveau centre s’ouvrit à Madrid, permettant la formation des nouveaux venus.