Elle conseille aux jeunes mariés de ne jamais arrêter de construire leur couple pour qu’il devienne de plus en plus solide et beau, au jour le jour, toute l’année durant
Parlez-nous un peu de vous, de votre famille, de votre tâche, du travail de votre mari
Michael, avocat est associé de Jones Day, cabinet de droit international, dont le siège est à Boston. Je m’occupe ainsi chez moi de nos huit enfants, de Madeline, 14 ans, John, 11 ans, Theresa, 9 ans, Joséphine, 8 ans, Anthony, 6 ans, James et Thomas, 4 ans et d’Anne, qui a onze mois.
Avant de vous marier aviez-vous envisagé cette grande famille ?
J’ai rencontré Mike à l’ Université de Harvard et nous nous sommes fiancés six mois après.
Il m’a demandé en mariage à la fin de ses études, moi j’avais encore un an pour les terminer. Ce furent donc des fiançailles très courtes, nous étions très jeunes, ce n’était pas fréquent parmi les étudiants de Harvard. J’ai 10 frères et sœurs qui m’ont toujours entourée de leur affection. Mike a aussi grandi dans une famille très unie, ses parents et ses sœurs nous sont très proches. Nous étions ainsi prêts au départ à accueillir les enfants que le bon Dieu voudrait bien nous envoyer, sans en calculer le nombre. Nos enfants sont donc le projet de Dieu auquel nous nous étions préparés.
En effet, avant notre mariage, nous parlions souvent de la famille que nous allions former, dans une grande confiance en Dieu. Notre projet était intact le jour de notre mariage. Et Dieu ne tarda pas à nous bénir avec ces enfants. Madeline est arrivée avant notre premier anniversaire de mariage, j’étais enceinte de mon deuxième alors qu’elle n’avait que neuf mois. Ceci dit, notre petit Philip est mort-né au bout de 32 semaines. Nous en avons beaucoup souffert. Cette souffrance qui ne fit que raffermir notre couple, nous fit comprendre que chaque enfant est un cadeau spécial de Dieu et que personne n’est assuré d’avoir les enfants qu’il souhaiterait. Les enfants, ce sont des miracles que Dieu fait en son temps. Après avoir perdu Phillip, nous tenions toujours à avoir une grande famille et nous avons appris à attendre, au cas par cas, chaque enfant très particulièrement, à être reconnaissants pour le miracle qu’est chacun d’eux, excepté lorsque Dieu nous envoya nos jumeaux. Là, il fallut penser à deux êtres en même temps.
Quel est le rôle des parents dans cette grande famille ?
Les parents sont essentiellement appelés à faire que leurs enfants deviennent des adultes responsables, à aimer chaque enfant de façon inconditionnelle et à l’aider à développer tout son potentiel. Leur rôle consiste à leur apprendre ce qui est bien et ce qui est mal, à les guider, en somme, sur leur chemin vers le Ciel.
Aux États-Unis, et sans doute ailleurs aussi, la famille est victime d’un style de vie qui l’empêche de réfléchir. Nous sommes tout le temps pris ailleurs au détriment du dîner en famille, d’une soirée avec les enfants, de repas assis autour d’une table. Or c’est cela qui consolide la famille.
Il leur faut aussi aimer et respecter la liberté de leurs enfants, admettre qu’ils puissent commettre des erreurs, tout en leur apprenant ce qui est bien ou mal. Cet apprentissage crée un espace où grandissent leurs vertus et où, en dernière analyse, ils apprennent à être heureux.
Par leur exemple, les parents sauront créer de bonnes habitudes chez leurs enfants. Aussi, sont-ils tenus de forger leurs propres qualités humaines. Nous tâchons donc de leur montrer que « ce qui compte ce sont les œuvres et non les beaux discours », comme l’assurait saint Josémaria. C’est une maxime que nous avons affichée, parmi d’autres, sur notre tableau des tâches à faire.
Avec vos huit enfants, vous êtes au-dessus de la moyenne d’une famille nombreuse aujourd’hui. Avez-vous du mal à vous en sortir ? Comment organisez-vous votre foyer ?
Être parent, d’un seul ou de plusieurs enfants, est toujours difficile. Ce n’est pas évident d’avoir tellement d’enfants, cette difficulté est plutôt un défi à relever. Plus on en a, plus le défi est grand. Ceci dit, on ne doit pas négliger tous les bienfaits : plus d’enfants, veut aussi dire plus de monde qui collabore au fonctionnement de la maison.
Je suis bien placée pour connaître les ficelles à tirer, l’ayant appris chez moi, de mes parents qui géraient onze enfants. L’esprit de service est essentiel dans la famille. Chacun sait qu’il a un rôle important à jouer à la maison, auprès des autres. Le « tableau des tâches » permet à tous de retrouver sa place.
Nous avons un grand tableau blanc à la cuisine avec les horaires de chacun et les tâches qui lui reviennent. Nous nous nous amusons à le consulter, il est sympathique. L’été, les enfants font la cuisine à tour de rôle. Les aînés s’occupent des plus jeunes. Ils y tiennent et moi aussi. J’ai ainsi des soirées pour moi.
Avoir peu ou de nombreux enfants est un challenge. En effet, c’est toujours un projet en construction. J’avoue que, de temps en temps, on est un peu déçu quand on constate la différence entre ce qu’ils sont et ce que nous aimerions qu’ils soient. Aussi, faut-il être patient et sacrifié lorsqu’on organise la maison. Il n’y a que dans le film « la mélodie du bonheur » où tout marche à la baguette. On a intérêt à toujours garder sa bonne humeur surtout aux moments les plus déconcertants.
Nous avons choisi d’aimer quelqu’un et nous sommes tenus de renouveler ce choix avec de petits actes de service au quotidien.
Quant à moi, je tiens d’une bonne amie ce conseil à donner aux mamans : « prenez toujours les devants ». Se réveiller avant tout le monde, prendre son café, prier, planifier la journée. Je pense que cette « gymnastique matinale » permet de s’y retrouver, de voir clair. Ce n’est pas facile de se lever avant les enfants, mais cet effort contribue à rendre la journée plus facile.
Le pape François demande actuellement de beaucoup prier pour la famille et le couple.
Quel est, à votre avis, le plus grand défi que la famille doit relever aujourd’hui ?
Aux États-Unis, et sans doute ailleurs aussi, la famille est victime d’un style de vie qui l’empêche de réfléchir. Nous sommes tout le temps pris ailleurs au détriment du dîner en famille, d’une soirée avec les enfants, de repas assis autour d’une table. Or c’est cela qui consolide la famille. C’est un grand défi pour la famille aujourd’hui.
Se retrouver tous à table, demande de concilier les horaires des uns et des autres, c’est un effort à faire pour arriver à passer de bons moments ensemble, pour leur apprendre à bien se tenir, etc.
Il nous arrive de jouer pendant le dîner à au jeu des « Hauts et des Bas ». Un par un, chacun parle des points forts ou faibles de sa journée. Les petits y participent aussi. Anne, notre petite dernière, est ravie de nous voir ensemble et sa joie est contagieuse.
Comment vous y prenez-vous pour l’éveil à la foi, la prière, l’acquisition d’habitudes chrétiennes, etc.?
Nous tâchons d’intégrer notre vie de piété à notre train-train quotidien. Nous apprenons à nos enfants à offrir tous les matins leur journée à Dieu, à bénir le repas, à prier avant de se coucher.
Nous allons les dimanches à la messe en famille et tâchons de participer à l’Adoration Eucharistique, tous les mois, à la paroisse. Dès que possible, mes enfants viennent avec moi à la messe en semaine. Nous fêtons leurs saints. Nous les encourageons à lire la vie des saints, de nos saints préférés. Avec tant de fêtes et d’anniversaires, nous festoyons sans arrêt.
En Avent et en Carême, quelques coutumes familiales aident chacun à préparer son cœur durant ces périodes liturgiques. Et nous avons une liste des personnes de notre famille pour lesquelles il faut prier : un parent malade, une maman enceinte, etc. Ces petites habitudes de prière nous permettent de placer leur foi dans un contexte précis. Nous visons ainsi à ce que cela devienne naturel, dans la vie de tous les jours et non seulement une affaire du dimanche, coupée du reste de notre quotidien.
Et un conseil aux jeunes couples ?
N’arrêtez jamais d’œuvrer tous les jours, durant toute l’année, à ce que votre couple soit de plus en plus solide et meilleur. Le mariage demande un don total et aussi du temps et des efforts, souvent importants, n’en doutez pas, pour découvrir la meilleure façon de se donner généreusement à son conjoint. Cela peut changer à mesure que les enfants grandissent, mais ce devrait être un souci quotidien, à mon avis.
Après dix ans de mariage, Mike et moi, nous sommes inscrits à des cours sur le mariage. C’est ainsi que nous avons rencontré des parents engagés dans la construction d’un couple solide, et que l’un d’entre eux nous a parlé de la VDA, la « volonté d’aimer » l’autre tous les jours dans de petites choses. Ceci illustre ce que je veux dire quand je parle de « d’œuvrer pour notre couple au quotidien ». En effet l’amour dépend de notre volonté et de notre intelligence. Nous avons choisi d’aimer quelqu’un et nous sommes tenus de renouveler ce choix tous les jours avec de petits actes de service.
Une VDA ? Le mari sort la poubelle, si besoin. Son épouse fera une VDA en réparant la pomme de la douche sans le demander à son mari. C’est très drôle d’évoquer nos VDA ensemble ou de demander gentiment « s’il te plaît, VDA, pourrais-tu m’apporter un verre d’eau froide ? »