Novembre : mois d’espérance et de joie

Traditionnellement consacré aux défunts, le mois de novembre nous unit par la prière aux âmes du purgatoire, fortifiant notre espérance dans la force -silencieuse- de la grâce.

Amertume, révolte et découragement : autant de sentiments que pourrait susciter en nous une actualité maussade: crises à répétition qui secouent la planète, précarité croissante de la situation des chrétiens d'Orient, spectacle d'une jeunesse bien souvent sans repères ni ressort, massacres et turpitudes…

« Voici quelques années, une personne qui ne manquait pas de cœur, mais qui n'avait pas la foi, me montrait une mappemonde et me disait: « Vous avez là l'échec du Christ! Depuis tant de siècles qu'Il essaie de mettre sa doctrine dans l'âme des hommes, voyez les résultats: il n'y a pas de chrétiens ».

Il ne manque pas de gens pour penser ainsi, de nos jours encore. Mais le Christ n'a pas échoué : sa parole et sa vie fécondent constamment le monde. L'œuvre du Christ, la tâche que son Père Lui a confiée, sont en train de se réaliser : sa force traverse l'histoire, elle y apporte la vraie vie (…).Mais pour cette tâche qu'Il accomplit dans le monde, Dieu a voulu que nous soyons ses coopérateurs, Il a voulu courir le risque résultant de notre liberté »1. D'une phrase, saint Josémaria résumait le drame de notre humanité : Il y a peu de gens qui prient, et ceux qui prient, prient peu.

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Forts en Dieu

Mois de novembre, mois des défunts, mois de la communion des saints, rendez-vous annuel pour élever au ciel une clameur de prière, pour vouloir être un levain qui agit silencieusement, sans violence, par une force intrinsèque. Mais pour être levain, il faut se débarrasser de la triple concupiscence dont parlait saint Jean [2] (la chair, les yeux, l'orgueil de la vie). Bien des gens ne veulent pas être du levain car, pour être efficace, il doit disparaître dans la masse, passer inaperçu, sans applaudissements, sans égards humains. Pour être du levain, une grande vie intérieure, beaucoup d'esprit de sacrifice sont nécessaires[3].

Nos bonnes amies, les âmes du Purgatoire

Dans cette optique, la liturgie nous invite à nous unir aux âmes qui se sont endormies dans le Christ, sans toutefois le posséder encore. Elles ne vivent plus parmi nous mais, en Lui, nous nous tenons mutuellement comme un tout [4] : avec elles, nous communions à la même charité et, selon la foi constante de l'Église, par l'échange de biens spirituels. Aussi les fidèles sont-ils encouragés, en ces jours particulièrement, à offrir des suffrages à leur intention, afin de réduire le temps de leur purification. En retour, à notre demande, elles nous obtiennent un bien d'une qualité inestimable : la force de vouloir ce que Dieu veut, même si cela doit nous coûter. Comment ne le pourraient-elles pas, elles qui, dans la douleur, repoussent les étroitesses de leur cœur, et apprennent à aimer Dieu pour lui-même, selon sa propre mesure et non la leur ? Comment ne le voudraient-elles pas, elles qui ne vibrent que pour la Béatitude, et dont l'épreuve stimule l'abnégation ?

Notre âme peut acquérir la dimension du ciel, disait saint Bernard. Pour elles, plus qu'une possibilité, c'est une certitude car le ciel se fait chaque jour plus grand au bout de leur chemin ; et le ciel, c'est vivre au diapason divin, c'est partager enfin le Bel Amour : aimer de manière généreuse, gratuite et désintéressée. Tel est le fruit savoureux de leur intercession.

Chantez au Seigneur un chant nouveau[5], et vous serez ferment, levain qui fait monter la pâte humaine : toute âme qui s'élève, élève le monde[6]. L'enjeu de notre lutte n'est donc pas tant de réussir à nous lever le matin, à mener une vie claire ou à aimer les autres avec leurs défauts ; il est surtout de nous détacher de nous-mêmes, et de nous lier à Dieu par une prière qui soit vie : qui ne se réduise pas à des moments déterminés mais jaillisse spontanément du milieu de nos activités, et rebondisse sur les avatars de notre existence ; une prière qui soit passion : ardeur de chercher le visage du Seigneur et, ainsi, d'alimenter un échange, de nourrir une conversation ; une prière généreuse qui nous préserve de la rouille du péché et soit un écoulement du Paradis [7].

C'est là la clé du cœur de Dieu. Les locataires du Purgatoire sont disposées à nous faire partager leur joie laborieuse pour que nous, immédiatement après notre mort, nous puissions prendre possession du ciel sans pause ni soupir :

Priez, même si c'est à contrecœur. Qui prie beaucoup se sauve, Qui prie peu est en danger, Qui ne prie pas se damne. C'est la volonté qui compte. C'est elle qui est récompensée, non le sentiment[8].

Abbé Patrick Pégourier


[1] Saint Josémaria Escriva, Quand le Christ passe, 113.

[2] 1 Jn 2, 16.

[3] Saint JosémariaEscriva, méditation, 27.III.62.

[4] Conc. Vatican II, Const. dogm. Lumen Gentium, 49 et cf. Ep 4, 16.

[5] Ps 97.

[6] Vénérable Élisabeth Leseur.

[7] Saint curé d'Ars, Pensées choisies.

[8] Saint Pio de Pietrelcina (Padre Pio), Paroles de lumière.