L’œcuménisme est d’abord une question de prière et de charité

Jutta Burggraf, théologienne décédée en novembre 2010, pensait que l’œcuménisme n’est pas seulement une affaire concernant la doctrine théologique ou la collaboration pastorale. C’est tout d’abord une question de prière et de charité.

Jutta Burgraff

Jutta Burggraf, théologienne, pensait que l’œcuménisme n’est pas seulement une affaire concernant la doctrine théologique ou la collaboration pastorale. C’est tout d’abord une question de prière et de charité.

Jutta Burggraf, décédée en novembre 2010, professeur de théologie systématique et d’œcuménisme à la Faculté de Théologie de l’université de Navarre, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ce sujet : « Se connaître et se comprendre. Une introduction à l’œcuménisme », Madrid 2003 et « Qu’est-ce que l’œcuménisme ? Comment le vivre ? » Madrid 2006. Voici un entretien de janvier 2010.

Pourquoi faut-il consacrer une semaine à prier pour l’unité ?

Durant l’octave pour l’unité, les chrétiens catholiques, orthodoxes et protestants du monde entier sont invités à prier ensemble pour leur unité. « Priez sans cesse » exprime fort bien le sens de cette convocation.

Célébrée du 18 au 25 janvier, jour où l’Église commémore la conversion de saint Paul, elle nous rappelle que nous ne pouvons pas nous rapprocher des autres sans une profonde conversion intérieure, sans chercher à vivre personnellement en intimité avec le Christ. C’est en Lui que nous serons un jour réunis.

"L’unité tant attendue ne sera pas le produit de nos forces, mais “un don venu d’en haut”. L’Esprit Saint en est le vrai protagoniste qui nous conduit sur les voies de son choix vers la maturité chrétienne

C’est dans notre prière que nous trouvons Dieu avant tout et aussi les autres. Lorsque je prie pour quelqu’un, je le vois d’un autre œil. Je n’ai plus sur lui un regard méfiant ou un esprit de contrôle, mais je le regarde avec les yeux de Dieu. Aussi, suis-je en mesure de percevoir ce qu’il y a de bon chez chacun, dans tout raisonnement. Je mets de côté mes préjugés et je commence à me sentir près de l’autre.

Prier signifie purifier son cœur afin que l’autre puisse vraiment y avoir une place. Si j’ai des préjugés ou des soupçons, je malmènerai l’autre dans mon cœur. Il nous faut créer en nous un espace pour autrui, offrir aux autres un lieu accueillant où ils pourront se sentir respectés et compris.

Si nous y parvenons, notre dialogue sera plus authentique. Parfois nous pensons pouvoir dissimuler facilement nos sentiments et nos pensées négatives en gardant les apparences et nous sommes tout étonnés de voir que les autres n’ont pas confiance en nous. La raison est toute simple : les autres perçoivent très nettement ce que nous avons au fond du cœur, s’ils y sont acceptés ou rejetés, et ils agissent en conséquence. Il est donc important de commencer par nous-mêmes dans toute recherche de l’unité.

On insiste beaucoup sur l’« oecuménisme spirituel »

Quando prego per qualcuno, lo vedo con altri occhi e non più con sospetto o con distacco, ma con gli occhi di Dio. Solo così posso scoprire il bene in ogni persona, in ogni accadimento, e lasciando da parte i miei pregiudizi, posso avere simpatia per gli altri.

C’est logique car l’œcuménisme n’est pas tout d’abord une question de doctrine théologique ni de collaboration pastorale, mais de prière et de charité. De même que le manque d’amour génère des désunions, la « sainteté de vie » peut être perçue comme « l’âme » ou le moteur de tout le mouvement œcuménique.

C’est significatif que Jean-Paul II ait invité à plusieurs reprises les personnes et les associations à une purification de la mémoire. Nous savons bien que la mémoire n’est pas seulement une faculté qui concerne le passé. Au contraire, elle a une profonde influence sur le présent. Ce dont nous nous souvenons touche fréquemment nos relations avec autrui. Si la mémoire conserve une blessure du passé, celle-ci peut conduire quelqu’un à se replier sur lui-même, à éprouver des difficultés à vivre sereinement parmi les autres, à l’empêcher d’avoir des amis, à lui rendre pénible tout contact.

À ce propos nous devons considérer l’exemple de Benoît XVI. Lors de sa conférence à Ratisbonne, par exemple, il fut victime d’une campagne orchestrée par quelques adversaires de l’Église mais il n’inculpa personne. Qui plus est, il alla au-delà des règles de la simple justice et demanda pardon aux musulmans qui auraient pu se sentir blessés par ses propos.

Nous pouvons ainsi assurer que quelqu’un qui tâche de transmettre l’amour de Dieu aux autres, contribue davantage à l’unité de l’Église que quelqu’un qui s’investit dans le plus érudit des dialogues théologiques mais avec un cœur froid.

Le pape qui montre sans cesse quel est son engagement œcuménique, trouve-t-il chez les catholiques en général ce même souci pressant?

Benoît XVI a dit, dès le début de son pontificat, qu’il est prêt à« travailler sans se ménager à la reconstruction de l’unité pleine et visible de tous ceux qui suivent le Christ ».

Lectio magistralis di Benedetto XVI su fede e ragione a Ratisbona (12-9-2006)

Il fait un profond travail oecuménique, non seulement par sa parole, mais surtout par ses gestes fraternels. Aussi, par exemple, a-t-il envoyé une grosse somme d’argent au patriarcat de Moscou pour la reconstruction de la cathédrale de la Trinité à Saint-Pétersbourg.

Et, malgré les difficultés qui existent actuellement entre les anglicans et les catholiques pour des problèmes à caractère théologique et éthique, il a signé, en novembre 2009, avec le primat de la Communion anglicane, une déclaration fort encourageante.

Les catholiques sont de plus en plus familiarisés avec le défi que suppose l’unité de tous les chrétiens. Ils comprennent mieux que jadis ce que dit le Cardinal Walter Kasper: “ L’œcuménisme n’est pas un choix prioritaire mais un devoir sacré ». De ce fait il y eut en septembre 2007 beaucoup de participants à l’ «Assemblée œcuménique européenne » qui se tint à Sibiu-Hermannstadt (en Roumanie) et, à côté des dialogues officiels, il y eut de grands échanges au sein des nouveaux mouvements investis dans ce travail œcuménique, par exemple à Stuttgart en 2004 et en 2007.

Tout le monde voit, et le pape insiste beaucoup sur ce fait, que le dialogue a des niveaux, des « cercles », différents. Il doit d’abord se faire « chez soi », parmi les catholiques qui doivent se connaître pour bien se comprendre. Nous ne devons pas nous montrer indifférents, peu accueillants vis-à-vis de ceux qui font partie d’autres communautés catholiques. Il y a une grande variété dans notre Église.

Cardinale Kasper

De même, les catholiques sont bien conscients que le dialogue transcende l’œcuménisme. Il s’adresse aussi à ceux qui font partie d’autres religions et au monde sécularisé. Une tâche immense nous attend que nous ne saurions affronter si nous n’étions pas unis : unis à Dieu, unis entre catholiques et unis à tous les chrétiens.