Le monde est cassé mais Dieu est bon

Le 22 février dernier, Janet et Fred Winston-Young, victimes des attentats terroristes du 22 mars 2016 à Bruxelles, ont partagé leur témoignage avec les étudiantes du club Fontenelle — un centre de jeunes dont la formation chrétienne est confiée à la prélature de l’Opus Dei — et quelques voisins du centre. Eléonore, étudiante en droit, et Teresa, en architecture, ont interviewé ce couple belgo-américain.

Si le procès des attentats de Bruxelles (35 morts et 340 blessés) a fait couler beaucoup d’encre, il a aussi fait couler beaucoup de larmes. Mais Janet et Fred, qui étaient à 4m du kamikaze de Zaventem quand celui-ci a fait exploser la bombe, transforment l’encre et les larmes en baume d’espérance. « On a vécu des choses terribles, mais aussi des choses remarquables », explique Janet quand on lui demande sur la genèse du livre paru en 2021 : Paris-Bruxelles, au cœur des attentats, et dont ils ont dédicacé un bon nombre à la fin de la soirée.

Le plus inattendu arrive, alors qu’ils attendaient leur tour pour faire le check-in. Un énorme flash et un bruit assourdissant – littéralement, car ils sont devenus malentendants – les séparent : « plaqué par terre, je constate le carnage à côté de moi. Et je me dis it’s here, ce n’est pas le JT, ni un jeu vidéo, ni un film…je suis au cœur d’un attentat », raconte Fred. L’angoisse le paralyse mais il arrive à crier en haute voix : God, help us !. Car oui, Dieu, dans la vie de Janet et Fred a une place prééminente : « nous n’aurions pas pu vivre toutes ces épreuves sans l’aide de Dieu et de la foi ».

Chaque détail de leur récit est accompagné de sa présence, de sa force, de sa providence, de son amour : « le monde est cassé mais Dieu est bon ». Poignant quand ça vient des lèvres de ceux qui ont vu l’horreur autour d’eux : une famille de 4 enfants d’un coup orphelins de mère, un jeune homme dont les vêtements le brûlent et est en état de choc, une jeune femme à la hanche explosée… À eux deux, ils viennent en aide à ceux qui les entourent. Janet, plutôt mauviette à ses dires, trouve le courage qui ne peut pas venir d’elle. Fred, coach professionnel de basket, a les bons réflexes des 1e secours. Et il l’avoue : « en sortant de l’édifice, je pensais prendre la voiture et quitter les lieux au plus vite, mais… changement de plan : pas question de laisser les gens comme ça. Je devais rester jusqu’à ce que les secours arrivent »…1h30 après !

Dans l’after Zaventem, un autre flash les sépare à nouveau. Ce couple de sportifs qui fonctionne en équipe depuis 37 ans, sent qu’ils sont en train de déconnecter l’un de l’autre. Les blessures visibles, les invisibles, le traumatisme, les questionnements, les opérations qu’ils ne comptent plus… « C’était comme si on était sur différentes planètes. On était tellement occupés avec soi-même, qu’on n’arrivait pas à s’occuper de l’autre. À communiquer. » Ils tiennent bon. Ils se retrouvent. « Se dire qu’on a traversé toute cette vie avec quelqu’un : c’est un privilège. Abandonner trop vite c’est trop triste. Ça vaut la peine. Ça vaut la peine de tenir bon et de compter sur Dieu », partage Janet.

Un autre procès, intérieur celui-ci, débute dans leur cœur. Au début de ce chemin ils ne peuvent pas de s’empêcher de considérer, sans le prononcer, que « les terroristes sont des monstres ». Pendant longtemps c’est l’incapacité de penser à eux. Ils n’arrivent même pas à retenir leurs noms. Et puis, après quelques années, la question à bout portant d’une amie à Janet : « s’il se tenait devant toi, qu’est-ce que tu lui dirais ? ». Silence. Et puis « Dieu t’aime. Parce que c’est vrai. Et parce que ce n’est pas moi, c’est Dieu qui aime chaque personne. Moi je n’arrivais pas à faire réalité cette phrase de l’Evangile : ‘aimer vos ennemis’. Heureusement elle est suivie de ‘priez pour ceux qui vous font souffrir’. Parce que ça oui. Je ne suis pas au point d’aimer les terroristes, mais j’ai commencé à prier pour eux. Ça je peux le faire. J’ai commencé à prier pour Salah Abdeslam et pour Mohamed Abrini : que leur vie change, que Dieu aide leurs familles… Paradoxalement j’ai commencé à sentir que cela me changeait moi. C’est comme si Dieu nous demandait de prier pour nos ennemis pour pouvoir œuvrer en nous et changer notre cœur. Autrement il devient amer, dur et on ne se remet pas de nos blessures ». Comme l’affirme une autre victime des attentats, Sebastien Bellin : « le pardon est la dernière étape de la guérison ».

La vie continue. Et « il faut continuer à éplucher les pommes de terre ». Clin d’œil pour l’audience d’étudiantes qui tente de vivre le message de saint Josémaria : rencontrer Dieu dans la vie ordinaire. Et comme ce saint, Janet et Fred invitent le public à retrouver l’extraordinaire de l’ordinaire : « le fait de se rendre compte de combien formidable c’est l’extra d’avoir Dieu dans notre vie ».

Club Fontenelle - Avenue Brand Whitlock 38 - 1200 Bruxelles.