La semaine de l'Unité des chrétiens : du 18 au 25 janvier 2015

La liturgie nous propose de vivre la « Semaine de prière pour l'unité des chrétiens ». Cette année, partout dans le monde, les fidèles des différentes confessions sont invités à méditer le récit évangélique de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine.

Unité et sainteté vont de pair dans l'Église

Comme chaque année, la liturgie nous propose de vivre la « Semaine de prière pour l'unité des chrétiens ». Elle est née, dans l'Église catholique, de l'initiative d'un prêtre lyonnais, l'abbé Couturier, au cours des années 1930. Cette coutume exprime la conscience que « la réconciliation de tous les chrétiens, dans l'unité d'une seule et unique Église du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines»[1]. Elle est avant tout l'œuvre de Dieu.

Cette année, du 18 au 25 janvier, partout dans le monde, les fidèles des différentes confessions sont invités à méditer le récit dans l'évangile de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine. Pourquoi ce texte ? Sans doute parce qu'à l'époque en Palestine, l'histoire, les malheurs du temps et les préjugés avaient nourri chez des voisins unis jadis par la même foi, une hostilité tenace entre Juifs et Samaritains. Une référence, donc, pour nous aider à comprendre que la diversité, parfois déroutante, peut être source de richesse… si toutefois on accepte, comme cette femme venue puiser de l'eau, de dialoguer avec le Seigneur. À des siècles de distance, ne nous sollicite-t-il pas d'ailleurs, nous aussi, au travers des circonstances habituelles de notre existence ?

Jésus et la Samaritaine. Fresque par Theophane le Crétois. Monastère de Stavronikita. Mont Athos. 16ème siècle

Donne-moi à boire [2] : une faveur que lui, le Fils de Dieu, implore… d'une pauvre créature humaine… parce qu'il a toujours l'initiative dans la rencontre avec l'Humanité et que, plus encore que d'eau pour se désaltérer, il a soif de notre salut. Alors, l'échange se noue grâce à sa pédagogie à la fois incisive et délicate, mais aussi sur la base de l'esprit de solidarité et d'ouverture de la Samaritaine ; et il progresse, au fil de la sincérité et de l'intérêt croissant de celle-ci pour les réalités surnaturelles. Finalement, elle lui donne sa foi et se convertit.

Ce récit nous enseigne par analogie que le dialogue œcuménique ne vaut que s'il facilite une rencontre commune dans la plénitude la vérité chrétienne. Au terme de son entretien en effet, Jésus révèle sa condition divine : Je le suis, moi (le Christ)qui te parle [3]. Elle acquiesce, elle adhère. Sa vie en est transformée. Et la voilà qui se met à témoigner auprès de ses coreligionnaires ! Elle se fait lien d'unité. Elle deviendra celle que les premiers chrétiens appelèrent Photine, fille de la lumière.

Tirons deux applications de cette comparaison :

a) l'union des chrétiens ne peut se fonder sur un « compromis » entre différentes positions théologiques. Face aux divergences dans l'exposé de la Révélation, le risque est grand, pour parvenir au consensus, d'en venir à diluer le contenu de la foi, ou de se contenter de servir des buts purement humains concernant la justice, la paix, le respect de la Création… Or « il n'y a rien de plus étranger à l'œcuménisme que ce faux irénisme qui cause du dommage à la pureté de la doctrine catholique et obscurcit son sens authentique et incontestable »[4]. L'Église, en effet, n'est pas simplement une communauté de consensus. Elle vit une unité qui lui vient d'en Haut, d'un Esprit d'amour. C'est pourquoi le dialogue œcuménique ne peut avancer qu'au rythme d'une foi mature qui opère par la charité [5].

b) œuvrer efficacement pour l'unité réclame le renouvellement du cœur. Qu'est-ce à dire ?

- d'une part, entrer pleinement dans la pensée, dans l'intention du Christ priant au Cénacle pour l'unité : Que tous soient un [6]! Le Christ n'est pas divisé. Il a institué une unique Église. C'est dans l'Église catholique qu'elle se trouve en tant que société constituée et organisée dans ce monde…. Certes, « de nombreux éléments de sanctification et de vérité » subsistent et agissent au-delà de ses frontières visibles : « ils appartiennent à l'Église du Christ et appellent l'unité catholique »[7]. Prions donc avec foi : « Fais-nous ressentir jusqu'à la douleur l'infidélité de notre désunion. Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en nous d'indifférence, de méfiance et même d'hostilité mutuelles.

- d'autre part, nous faire nous-mêmes les artisans de l'effort œcuménique : nous proposer à cette occasion de devenir « plus chrétiens », c'est à dire :

* 100% orthodoxes par notre souci d'approfondir le sens de la liturgie et de ses signes– images, icônes, vêtements, lumières, encens, gestes - : ils touchent à différents aspects de la vie sacramentelle. Ce sont des signes de convergence [8].

* 100% protestants par notre souci d'approfondir la Sainte Écriture : l'union des chrétiens se fera d'autant mieux « qu'ils s'efforceront de vivre plus purement selon l'Évangile[9] : prenons chaque jour le temps d'en lire une page pour qu'il nous découvre le panorama lumineux de la marche par la foi.

* 100% catholiques : dépassons la routine de nos particularismes, mettons davantage en relief ce qui unit que ce qui sépare, déboutons les malentendus avec un cœur universel !

Bref, ce n'est qu'en étant 300% chrétiens que nous ferons « bouger les lignes » car seuls les moyens surnaturels peuvent faire tomber les barrières désormais séculaires entre les frères des diverses dénominations chrétiennes, pourtant marqués du même baptême et vivant de la foi au Christ. « En effet, c'est du renouveau de l'âme, du renoncement à soi-même et d'une libre effusion de charité que partent et mûrissent les désirs de l'unité. Il nous faut par conséquentdemander à l'Esprit Saint la grâce d'une abnégation sincère, celle de l'humilité et de la douceur dans le service, d'une fraternelle générosité à l'égard des autres »[10].

Cette semaine, qui s'achève le 25 par la commémoration de la conversion de saint Paul, figure l'itinéraire de l'œcuménisme spirituel, âme de tout œcuménisme, où convergent dans un même élan, la conversion du cœur, la sainteté de vie, les prières privées et publiques pour l'unité des chrétiens [11].

Abbé Patrick Pégourier


[1] Décret sur l'œcuménisme, Conc. Vatican II, n° 24.

[2] Jn 4, 7.

[3] Jn 4, 26.

[4] Décret o.p. n° 11.

[5] Ga 5, 6.

[6] Jn 17, 26.

[7] Conc. Vatican II, Const. sur l'Église I, 8.

[8] Cf. Jean-Paul II, Enc. Ut unum sint, 45.

[9] Ut unum sint, 20.

[10] Décret o.p. n° 7.

[11] Cf. Décret o.p. n° 8.