La fête des saints pères

Un père mérite d’être fêté par la famille. L’Église fait partie du foyer de Nazareth. « Ô bienheureux Joseph, montre-toi aussi un père pour nous, et conduis-nous sur le chemin de la vie » .

Si les « Pères de l’Église » ont soutenu notre foi, les pères (tout-court) sont aussi appelés à la consolider dans la sanctification de leur état : baptisés, mariés sous la bénédiction du Christ, dotés enfin du don de la fécondité, ils sont l’objet de la confiance de Dieu. Chaque fils, malgré sa vulnérabilité, est un trésor du ciel. Le Créateur les destine à devenir l’image vivante du Sauveur. « L’Église d’aujourd’hui a besoin de pères ; le monde a besoin de pères » (pape François, lettre Avec un cœur de père, 8/12/2020 §7). La fête civile des pères, instaurée en France depuis les années 1950, invite à regarder le père humain par excellence, « la charnière qui unit l’Ancienne et la Nouvelle Alliance » (pape François, ibidem §1). Un personnage choisi comme instrument actif pour veiller sur les mystères de l’incarnation et de la croissance humaine du Christ, en vue de la rédemption. Dans l’enluminure gothique du Psautier d’Ingeburge (autour de 1200, Musée Condé, Chantilly), Joseph présente l’Enfant à Marie, dans le noble détachement du serviteur.

La mosaïque byzantine a su montrer la solidité du patriarche, qui transporte l’Enfant au retour de l’Égypte. Dans le narthex de l’ancien monastère du Saint-Sauveur hors-les-murs (Kariyé, Istanbul, vers 1320), on voit Jésus, sur les épaules du charpentier et accroché à sa chevelure, regardant sa Mère. « Sa paternité était d'autant plus profonde qu'elle était plus chaste. Car le Seigneur est né de de sa piété » (saint Augustin, sermon de Noël, 51, 20). La paternité est sacrifiée, tel un enfantement (Galates 4, 19).

Dans une époque troublée dans l’Eglise, quand un schisme déchirait les consciences, l’évêque de Cambrai, Pierre d’Ailly, proposa les louanges du Patriarche ; sans doute avec le souvenir marial de Saint Bernard, il publia Les douze gloires de Saint Joseph (1416, en latin), en glosant sobrement les passages évangéliques. Par la suite, dans son diocèse, jusqu’en Anvers, les artistes peignirent les premiers retables consacrés intégralement à la vie du saint.

De son côté, le chancelier de Paris, Jean Gerson, vers 1400, composait la touchante antienne Ô bienheureux Joseph, pour l’office de la cathédrale de Paris, qui rappelle les soins paternels de l’époux de Marie à l’égard de Jésus : voir, porter, veiller sur lui. Peu après (1417), Gerson se dressait comme le chantre héroïque du saint : son poème épique Josephina, récemment traduit (Les Belles Lettres, 2019), déploie en trois mille hexamètres latins le drame d’une paternité fidèle, courageuse et réussie. « D’Ailly est l’initiative féconde, Gerson le développement spirituel » (D. Le Tourneau, Tout savoir sur Saint Joseph, Artège, 2020). La présentation de Joseph améliore l’image de la paternité dès la fin du moyen âge.

La maturité humaine de Jésus s’est épanouie dans la forge de Joseph : celui qui est « l’ombre du Père éternel » accueille et fait grandir ; montre la tendresse, l’endurance, la loi de liberté. « Il a enseigné beaucoup de choses au Fils de Dieu, en Lui donnant ce qu'il avait de meilleur, avec une abnégation joyeuse » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §55-56). Quand Jésus est prêt, Joseph disparaît. Indispensable au début, il passe en coulisse pour que le Messie brille de tous ses feux.

Un père mérite d’être fêté par la famille. L’Église fait partie du foyer de Nazareth. « Ô bienheureux Joseph, montre-toi aussi un père pour nous, et conduis-nous sur le chemin de la vie » (pape François, ibid. § 7).

Abbé Fernandez