Deux saints qui se ressemblent étonnamment

Quelles similitudes deux saints d'origines culturelles différentes peuvent-ils avoir ? L'auteur détaille les points communs entre saint Josémaria et John Henry Newman, canonisé ce dimanche 13 octobre.

Saint John Henry Newman et saint Josémaria Escriva

Dans un article récent pour Aleteia, je souligne des similitudes entre les deux saints qui peuvent sembler très différents aux lecteurs : John Henry Newman (1801-1890) et Josémaria Escriva (1902-1975). Si tous les saints se ressemblent en ce sens qu'ils aiment Dieu et qu’ils sont "des messagers de l'Évangile, des experts en humanité", selon les paroles de Jean-Paul II. Newman et Escriva, venant d'horizons culturels différents, ont plus en commun que ce que les saints partagent habituellement, et que les similitudes décrites dans cet article.

Les deux saints avaient une connaissance élevée des Écritures, qu'ils avaient lues attentivement et méditées fréquemment.

Les deux saints avaient une grande connaissance des Écritures, qu'ils avaient lues attentivement et méditées fréquemment, et les considéraient à la lumière de la Tradition de l'Église et en particulier des écrits des Pères de l'Église. Les deux hommes approchèrent les Écritures avec une foi inébranlable et une humilité qui les conduisit à une lecture sapientielle alors que beaucoup de leurs contemporains déchiffraient les mêmes textes avec une herméneutique historico-critique, et considéraient la Bible simplement comme un livre de plus. La prédication de Newman et Escriva était basée sur les Écritures. Une prédication remplie de citations bibliques, avec une interprétation fondée sur la tradition, cela s’entend. Ces citations n'étaient pas une simple concaténation de textes mais le fruit d'une profonde compréhension de la signification des Écritures. Pour ces saints, ainsi que pour d'autres comme saint Augustin, toutes les Écritures nous parlent du Christ comme Parole vivante et révélation définitive du Père.

Deux saints réalistes

Newman et Escriva étaient dogmatiques, un terme qui a généralement des connotations négatives aujourd'hui, mais le sens du dogmatique signifie simplement qu'ils croyaient et détenaient des vérités objectives en matière de religion et de révélation. Dans sa biographie spirituelle, Apologia pro vita sua (1864), Newman écrit : « Je suis tombé sous l'influence d'un Credo défini, et j'ai reçu dans mon intellect les impressions du dogme qui, par la miséricorde de Dieu, n'ont jamais été effacées ou masquées. »

Escriva comprenait aussi le dogme comme une vérité sacrée, soit enseignée directement par Jésus-Christ ou ses Apôtres, soit comme une vérité sacrée dérivée de ses enseignements à travers le magistère authentique de l'Église, à laquelle il faut adhérer pleinement avec esprit et volonté. Dans les temps de confusion doctrinale, les deux ont tenu bon dans la défense du dogme.

Dans les temps de confusion doctrinale, les deux ont tenu bon dans la défense du dogme.

Nos deux saints étaient réalistes, le premier à cause de son origine anglaise et de son étude d'Aristote, et le second à cause de sa façon d’être, d’un remarquable bon sens, et de son étude attentive de saint Thomas d'Aquin. Tous deux avaient une connaissance profonde de l'homme et de l'histoire basée sur la compréhension humaine de la réalité à travers les sens et les différents actes de la faculté de l'intellect, à savoir l'appréhension et le jugement. Les êtres humains connaissent la nature des êtres par leurs actes et les perfections de leurs facultés. Cette approche repose sur leur compréhension claire du principe de causalité (matérielle, formelle, efficiente et finale) dont l'ignorance est la source des erreurs philosophiques du matérialisme, de l'idéalisme, de l'agnosticisme et de l'athéisme. Newman, grâce à la philosophie aristotélicienne, a été capable de surmonter les erreurs de Hume et d'autres penseurs de la modernité. Escriva fit la même chose mais s'appuya sur la terre ferme de saint Thomas d’Aquin, qui à son tour avait tiré tant de sagesse d'Aristote.

Une saine "mentalité laïque"

Beaucoup de saints ont le désir d'une vie presque purement spirituelle qui les conduit au couvent ou au monastère. D'autres se consacrent à des œuvres sociales pour venir immédiatement en aide aux autres. Newman et Escriva, sans ignorer la dimension spirituelle et sociale de la vie, ou les besoins des autres, adoptèrent ce qu'Escriva appellerait une saine "mentalité laïque". Dans sa célèbre homélie intitulée « Aimer le monde passionnément », Escriva a dit : « Là où sont vos frères et sœurs, là où sont vos aspirations, votre travail, vos amours, là se trouve le lieu de votre rencontre quotidienne avec le Christ. C'est au milieu des choses les plus matérielles de la terre que nous devons nous sanctifier, en servant Dieu et tous les hommes. » Il enseignait que les hommes et les femmes devraient sanctifier ce monde dans lequel ils vivent en pratiquant les vertus dans leur travail quotidien.

Il n'est donc pas surprenant que Newman et Escriva aient donné une direction spirituelle à de nombreux professionnels, hommes et femmes.

Il n'est donc pas surprenant que Newman et Escriva aient donné une direction spirituelle à de nombreux professionnels, hommes et femmes, les aidant à exercer une saine influence chrétienne dans la société par leur travail, parfois dans des lieux de grande importance sociale.

C'est ce dont le Christ nous parlait et que ces saints prenaient tellement à cœur, à savoir : mettre la lumière sur le lampadaire.

Deux hommes qui savaient aimer

Nous ne pouvons manquer d'ajouter à cette brève comparaison de ces deux grands saints des XIXe et XXe siècles ce qui a été correctement affirmé ailleurs. Ces hommes étaient d'une grande humanité. C'étaient des gens qui savaient aimer et qui manifestaient leur amour d'une certaine manière : d'abord ils écoutaient et seulement plus tard ils donnaient des conseils, priaient pour ceux qui venaient chercher de l'aide, correspondaient avec ceux qui les cherchaient et offraient des mortifications pour eux.

L'Écriture, la doctrine, la sécularité, l'humanité - tout cela - rend ces deux saints étonnamment semblables.

Lorsqu'il fut élevé à la charge de cardinal, Newman choisit comme devise des mots tirés d'une lettre de saint François de Sales -cor ad cor loquitur- (le cœur parle au cœur). C'était une sorte de résumé de cet amour, à l'image du Christ qui est présent dans toute amitié authentiquement chrétienne. Escriva, pour sa part, aimait le mot "amitié", et il était vraiment l'ami de beaucoup de gens. Il avait souvent médité sur l'invitation à l'amitié que le Christ avait faite à ses disciples, et pour Escriva en tant que prêtre, cette amitié s'était réalisée par sa paternité spirituelle.

L'Écriture, la doctrine, la sécularité, l'humanité - tout cela - rend ces deux saints étonnamment semblables comme s'ils étaient des figures faites du même moule. Newman et Escriva sont de grands saints qui continuent -et continueront- à nous rapprocher de Dieu et de tous les hommes.

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Juan R. Vélez, prêtre de la Prélature de l’Opus Dei, est l’auteur de Cardenal Newman, un santo para nuestro tiempo (Editions Logos, 2019).