De la rosée sur la roseraie

Tel un bouquet que l'enfant offre à sa mère, riche de compliments variés, les litanies de Lorette couronnent la louange du chapelet.

La dévotion du rosaire, bien ancrée dans la piété, n’a pas besoin d’apologie. Le parcours sur les mystères du salut, qui nous greffent à l’unique Mystère du Christ, égrène une séquence bien rythmée : Notre Père, Ave, Gloria. Les intentions présentées au Très-Haut étoffent la récitation. Aux paroles identiques, chacun apporte sa mélodie intime. Cette tapisserie des dizaines, depuis cinq siècles, se pare d’un épilogue grandiose : les litanies de Lorette.

Les litanies sont des étincelles de la charité ; non pas un feu d’artifice décoratif, mais un bouquet filial, une ivresse spirituelle selon la foi.
Les symboles des litanies, relief polychrome anonyme, Bar-le-Duc, 16e siècle

Dans le rosaire, le fidèle progresse dans un cheminement intérieur, où il atteint « un contact vivant avec le mystère du Christ et de sa Mère très sainte » (Jean-Paul II, Le Rosaire de la Vierge Marie §37) ; reconnaissant, il souhaite couronner sa louange. Les litanies sont des étincelles de la charité ; non pas un feu d’artifice décoratif, mais un bouquet filial, une ivresse spirituelle selon la foi.

Ces formules sont encadrées par des invocations trinitaires et christologiques, car elles vont s’adresser à « la première des créatures, l’enfant préférée de Dieu, la plus aimée et la plus proche de lui » (J. H. Newman, Le mois de mai §2). À chaque pas, résolument, on réclame son intercession : « priez pour nous » sans arrêt. Tournée en même temps vers Dieu et vers l’humanité que Dieu aime, son cœur se dilate à la mesure de l’immensité divine.

Inspiré des traditions orientales et latines, un recueil s’est formé à Lorette (Italie) au 16e siècle. Ambitieux mais toujours insuffisants, chaque éloge souligne une qualité de l’âme ou de l’agir de la Mère de Dieu. Le catalogue dresse un portrait vigoureux.

Les papes ont recommandé vivement cette dévotion, qui honore le Christ et consolide l’Église.

Les litanies s’étendent comme des nuances sur les qualités et la mission de Notre Dame ; ou selon les besoins du Peuple pèlerin. Les papes ont recommandé vivement cette dévotion, qui honore le Christ et consolide l’Église. Elles ont été diffusées par les prédicateurs et les catéchistes en Bavière et au Palatinat, comme un rempart de la foi ; ensuite elles ont parcouru le globe comme une traînée de poudre.

Plusieurs séries de compliments s’enchaînent, qui déploient les nuances de la sainteté, de la maternité, de la virginité, du soutien et de la royauté de Notre Dame ; une séquence intermédiaire déploie des images d’inspiration biblique et patristique. À partir du cœur du chrétien, les litanies mariales ont pris corps : statues, icônes, gravures, mosaïques ont servi de support aux invocations de Lorette. Les musiciens les ont harmonisées à l’envi : depuis les Victoria ou les Palestrina, les compositeurs ont rivalisé d’inspiration : Monteverdi, Mozart, Liszt, Franck, sans parler des maîtres français comme Gounod, Saint-Saëns, Massenet...

Palpitants d’amour, les premiers compliments plantent le décor : Sainte… Sainte… Sainte… La Toute Sainte mérite bien ce trisagium aux gloires de son nom, de sa maternité et de sa virginité. Ce triptyque esquisse le profil de Marie de Nazareth, image vivante de la Trinité Bienheureuse.

La grandeur d’une mère se mesure à ses fruits. Mère des vivants par excellence. Marie, accueillant le « Saint de Dieu », devient Mère du Christ, de l’Église et de toutes les formes de miséricorde et d’espérance. L’amour, qui remplit son âme, rejaillit sur son corps : très pure et chaste, toujours vierge. Le rayonnement d’une Mère sans corruption, aimable et admirable, reflète celui de son Fils, « le plus beau parmi les enfants des hommes ». Puisant sans cesse à la source divine, elle donne sans mesure : Mère du bon conseil, du Créateur et du Sauveur.

La virginité chrétienne, à l’exemple du Christ, suscite la fidélité féconde, sans contaminations d’égoïsme. L’amour plénier se déverse sur ses enfants, les remplissant de vérité et de force : Vierge débordante de qualités : très prudente, digne de vénération et de louange ; et encore prodigue en services : puissante, clémente, fidèle.

Lorsque le raisonnement défaille face à l’amour divin, « la liturgie, plutôt que d'expliquer, elle chante; elle frappe l'imagination afin que chacun mette toute son ardeur à louer » (saint Josémaria, Quand le Christ passe §178).

Le parfum de la fleur, la silhouette d’un vase, la solidité des tours, font saisir la place de Notre Dame dans l’histoire du salut. 

Les images, tournant comme un kaléidoscope fascinant, dressent un portrait dynamique de Marie : tantôt réservoir, tantôt source. La nature et l’art l’illustrent : lumière, matériaux précieux, objets domestiques et de culte… Le parfum de la fleur, la silhouette d’un vase, la solidité des tours, font saisir la place de Notre Dame dans l’histoire du salut.

Avocate victorieuse, sa prédilection se tourne vers ceux qui peinent dans le pèlerinage de la foi : elle apporte santé, refuge, réconfort, consolation et renforts.

La première « Servante du Seigneur » est placée à la droite du Roi des rois, tandis que son peuple bénéficie de ses largesses : depuis les aînés, comme les anges, les patriarches, les prophètes ; jusqu’aux héros, tels que les apôtres, les martyrs, les confesseurs ; enfin l’ensemble des fidèles : les vierges, tous les saints, les familles. La Reine comblée de dignité inspire nos pas : conçue sans péché, élevée aux cieux, elle est à l’écoute de notre rosaire et de nos litanies.

Dans les armoiries du pape François, Notre Dame est symbolisée par l’étoile du matin, comme présage de victoire contre le mal

Il y a deux ans, au milieu de la pandémie, le pape voulut ajouter trois fleurs à ce bouquet de fraîcheur. Une réponse éclairante à des défis sévères : la survie, le travail, la vie familiale, la célébration des sacrements. Dans les armoiries du pape François, Notre Dame est symbolisée par l’étoile du matin, comme présage de victoire contre le mal. Un « parfum de vie » (2 Corinthiens 2, 16), que les enfants aspirent dans le giron de leur Mère. Si l’on compare le rosaire à un jardin fleuri, les litanies y apportent un supplément de rosée.

Abbé Fernandez