Colloque sur science et foi à Dongelberg

Ce samedi 1er octobre, environ cent-vingt personnes se sont retrouvées au Centre de séminaires de Dongelberg (Brabant wallon) pour un colloque sur Georges Lemaître, à l’occasion du cinquantième anniversaire du décès de l'auteur de la théorie du Big Bang.

Voir ici la galerie de photos du colloque

Le professeur Dominique Lambert (Université de Namur) a retracé les grands jalons du parcours scientifique et humain de Georges Lemaître (1894-1966), de même que les traits de sa personnalité : humilité, amour de la vérité, ténacité.

Par une série de circonstances, Georges Lemaître devient, peu après la Première guerre mondiale, un des rares spécialistes d'Einstein et de la théorie de la relativité sur le continent européen. La thèse de doctorat qu'il réalise au MIT (1924) lui donne aussi l'occasion de collecter toute une série de données d'observatoires à un moment où l'on vient de découvrir une méthode pour mesurer des distances et des vitesses dans l'univers.

Intervention du professeur Lambert

C'est avec ce double bagage de la relativité générale et de l'astronomie que Georges Lemaître avance l'explication de la fuite des galaxies lointaines, se basant sur l'équation d'Einstein : l'univers a une histoire, idée qui répugne à Einstein car ne correspondant pas à sa conception philosophique du monde. La deuxième grande intuition de Lemaître est celle de l'hypothèse de l'atome primitif, en d'autres termes la cosmologie dite du Big Bang.

Le public lors de la conférence du professeur Lambert

Lemaître est également le premier à penser à un rayonnement fossile, hypothèse qui trouvera sa vérification expérimentale grâce à des observations réalisées en 1965. Penzias et Wilson recevront ainsi le prix Nobel de physique en 1978 pour cette vérification expérimentale du fond cosmologique du rayonnement dont le cadre conceptuel n'a d'autre paternité que celle de Georges Lemaître.

En conclusion, l'on peut affirmer que tous les éléments actuels de la cosmologie contemporaine ont déjà été pressentis et développés par Georges Lemaître dès l'année 1931 : l'expansion de l'univers, l'accélération de l'expansion de l'univers, la singularité initiale et le rayonnement fossile.

Le seconde communication du colloque, développé par l'abbé Philippe Dalleur, docteur en Sciences appliquées et professeur de Philosophie des Sciences (Rome), portait sur les rapports entre la science et la foi, illustrés d’une façon toute particulière dans la vie de Georges Lemaître, à la fois prêtre et scientifique d'une envergure exceptionnelle.

Intervention du professeur Dalleur

L'orateur a choisi d'évoquer deux grandes conceptions de ce rapport entre la science et la foi — celles des saint Thomas d'Aquin et de Pascal — et de les mettre en parallèle avec l'itinéraire et la pensée de Georges Lemaître. Ainsi, la distinction thomiste de la causalité efficiente de la causalité ontologique est un bagage décisif assimilé par Georges Lemaître. En effet, ce dernier a toujours évité toute confusion entre une explication physique du commencement naturel de l'univers et le concept de création, faisant appel à une cause surnaturelle.

En suivant en cela le raisonnement et l'apport de saint Thomas d'Aquin, Lemaître rejette la possibilité d'un univers matériel infini. L'orateur nous a également exposé la conception pascalienne du rapport entre la science et la foi. Ce dernier introduit la notion de discordisme : selon Pascal, l'approche rationaliste ou scientifique du monde ne permet pas de conclure à l'existence de Dieu, ce qui rejoint aussi une certaine approche discordiste de Lemaître. Le thème du « Dieu caché » de Pascal lui est d'ailleurs familier. Mais là où Pascal se révèle un pessimiste, Georges Lemaître s'avère optimiste dans les capacités de l'homme à connaître le monde par sa science naturelle. Dieu cependant reste voilé ou caché à la personne — scientifique ou non — fermée à la foi. La connaissance naturelle de la transcendance de Dieu est d’ordre métaphysique, non-scientifique.

S'il fallait résumer l'attitude de Georges Lemaître sur le rapport entre la science et la foi, on pourrait la résumer de la manière suivante : il a fait preuve d'un discordisme exagéré mais qui s'explique par l'incompréhension et les difficultés qu'il a rencontrées ; il a un optimisme cognitif anti-pascalien ; il montre un grand respect de l'autonomie des sciences ; il est très ouvert aux dialogues de tous types ; il est profondément pieux ; il a davantage vécu le rapport de la science et de la foi dans sa vie pratique de tous les jours que comme une question théorique à débattre.