Benoît XVI en mars

L'abbé Patrick Pégourier nous présente les propos du pape qui ont particulièrement marqué le mois écoulé : l'itinéraire chrétien, ou comment l'homme se rapproche de Dieu.

Bonne fête de Pâque ! Le Carême, déjà, est derrière nous. Mais, de la richesse de l’enseignement du Saint Père, nous avons tiré des leçons qui sont en mesure de nous faire partager de plus près la vie de Jésus ressuscité. Et notamment celles qui concernent notre itinéraire de chrétien, qu’il a abordé sous une double perspective.

1. Une perspective anthropologique qui retrace les moments principaux du chemin de l’homme dans son rapport à Dieu [1]: Il est notre Père qui, par amour, nous a créés libres et nous a dotés de conscience, qui souffre si nous nous perdons et qui fait la fête si nous revenons. C'est pourquoi, la relation avec lui nous construit à travers une histoire, de façon analogue à ce qui arrive à tout enfant avec ses parents : au début, il dépend d'eux ; puis, il revendique son autonomie ; et finalement - si le développement est positif -, il arrive à un rapport mûr, fondé sur la reconnaissance et sur l'amour authentique. Ce chemin se déroule en plusieurs phases : tout d’abord,l'enfance : une religion animée par le besoin, la dépendance. Mais, peu à peu, l'homme grandit et s'émancipe, veut s'affranchir de cette soumission et devenir libre, adulte, capable d'agir tout seul et de faire ses choix de façon autonome, en pensant aussi pouvoir se passer de Dieu. Cette phase, justement, est délicate. Elle peut conduire à l'athéisme, mais cela aussi, souvent, cache l'exigence de découvrir le vrai visage de Dieu. Heureusement pour nous, Dieu ne manque jamais d'être fidèle, et, même si nous nous éloignons et que nous nous perdons, il continue à nous suivre par son amour, en pardonnant nos erreurs et en parlant intérieurement à notre conscience pour nous rappeler vers lui. La parabole de « l’enfant prodigue » est une illustration de sa pédagogie d’amour. Les deux fils se comportent de façon opposée : le cadet s'en va et tombe de plus en plus bas, alors que l'aîné reste à la maison, mais il a lui aussi une relation immature avec le Père. En effet, lorsque son frère revient, l'aîné n'est pas heureux - comme le Père l'est au contraire -, et même, il se fâche et ne veut pas rentrer chez lui. Les deux fils représentent deux modes immatures de relation avec Dieu : la révolte et une obéissance infantile. Ces deux formes se surmontent grâce à l'expérience de la miséricorde. Ce n'est qu'en faisant l'expérience du pardon, en nous reconnaissant aimés d'un amour gratuit, plus grand que notre misère, mais aussi que notre justice, que nous entrons finalement dans une relation vraiment filiale et libre avec Dieu.

Le pape en tire une conclusion qui éclaire toute l’Histoire de l’Humanité : ce texte évangélique a le pouvoir de nous parler de Dieu, de nous faire connaître son visage, mieux encore, son cœur. Après que Jésus nous a parlé du Père miséricordieux, les choses ne sont plus comme auparavant. Maintenant, nous connaissons Dieu. Á titre d’application, nous pourrions noter :

-          le message confié à sœur Faustine [2], ainsi que la petite voie de l'abandon total à l'amour miséricordieux de Dieu de la « petite Thérèse » ;

-          le recours au ministère du pardon sacramentel afin de nous laisser guérir par l'amour miséricordieux de Dieu qui va jusqu'à oublier volontairement le péché pour nous pardonner [3].

2. Une perspective ascétique, tirée de la scène de la Transfiguration [4] qui donne des repères pour notre cheminement de chrétien vers le ciel :

-          les trois disciples qui assistent à la scène sont écrasés de sommeil : c'est l'attitude de qui, tout en étant spectateur des prodiges divins, ne les comprend pas. Seule la lutte contre la torpeur qui les assaille permet à Pierre, Jacques et Jean de « voir » la gloire de Jésus.

-          la prise en considération de la Parole de Dieu : tandis que Moïse et Elie quittent le Maître, Pierre parle et, pendant qu'il parle, une nuée les couvre de son ombre, lui et les autres disciples. C'est une nuée qui, tout en couvrant, révèle la gloire de Dieu, comme cela s'est passé pour le peuple pérégrinant au désert. Les yeux ne peuvent plus voir, mais les oreilles peuvent entendre la voix qui sort de la nuée : « Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le ».

-          le partage avec le Christ d’une joie toute spirituelle : « Maître, il est heureux que nous soyons ici ! C'est l'expression extatique de Pierre, qui ressemble souvent à notre désir face aux consolations du Seigneur. Mais la Transfiguration nous rappelle que les joies semées par Dieu dans la vie ne sont pas des points d'arrivée, mais des lumières qu'Il nous donne dans notre pèlerinage terrestre, afin que « Jésus seul » soit notre Loi et que sa Parole soit le critère qui guide notre existence.

En définitive, cette scène trouve un fort écho dans l’Année sacerdotale qui nous appelle tous à laisser retentir en nous et dans nos cœurs la Parole du Christ, de sorte de vraiment la connaître et l'aimer au point qu'elle nous donne vie et informe notre pensée. Ainsi le Seigneur sera-t-il notre présent comme notre avenir, pour transformer notre existence et l’orienter [5].

 

[1]              Angelus du 14.III, 4e dimanche de Carême, sur Luc 15, 11-32.

[2]              Cf. la grande Neuvaine à la miséricorde divine.

[3]              Angelus du 21.III, 5e dimanche de Carême, sur la « femme adultère ».

[4]              Angelus du 28.II, 2e dimanche de Carême, surLuc 9, 28-36.

[5]              Cf. Homélie de la Messe chrismale, 9 avril 2009.