Méditation : Dimanche de la 30ème semaine du Temps Ordinaire (cycle C)

Les thèmes proposés pour la méditation sont : L’humilité, demeure de la charité ; connaître notre faiblesse ; au service de Dieu.


L’ÉVANGILE de la messe d’aujourd’hui rapporte une parabole de Jésus qui oppose deux attitudes possibles devant Dieu. Deux hommes montèrent au Temple pour prier : l’un était pharisien, l’autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même :
« Ô Dieu, je te rends grâce car je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ni même comme ce publicain » (Lc 18, 10-11). Ce personnage est la caricature de l’homme religieux qui « remplit ses obligations » envers Dieu — à ses yeux, du moins — et qui croit que la perfection consiste à observer les préceptes. Il ne se sent ni pécheur ni redevable envers le Seigneur, ce qui le rend incapable d’expérimenter la miséricorde divine et d’être miséricordieux envers les autres, qu’il juge du haut de sa prétendue supériorité morale.

« Le publicain, lui, se tenait à distance ; il n’osait même pas lever les yeux vers le ciel, mais se frappait la poitrine en disant : “Ô Dieu, prends pitié du pécheur que je suis” » (Lc 18, 13). Les publicains occupaient alors l’un des derniers rangs dans l’échelle sociale. Ils étaient méprisés par les pharisiens, comme celui de la parabole, et par une grande partie du peuple. Cela donne plus de force encore à la conclusion de Jésus : « Je vous le dis : celui-ci redescendit chez lui justifié, et non pas l’autre. Car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18, 14).

L’humilité est essentielle dans la vie chrétienne. Comme l’enseignait saint Augustin, cette vertu « est la demeure de la charité »[1]. Et le saint d’Hippone ajoutait : « Si vous me demandez ce qui est le plus essentiel dans la religion et dans la discipline de Jésus-Christ, je vous répondrai : la première chose, c’est l’humilité ; la deuxième, l’humilité ; la troisième, l’humilité. »[2] Sans elle, les fruits spirituels ou apostoliques de notre vie chrétienne ne sont qu’illusions.
Le grand Cervantès l’avait bien compris : « L’humilité est la base et le fondement de toutes les vertus ; sans elle, aucune ne l’est véritablement », écrit-il dans une de ses Nouvelles exemplaires. Et il poursuit en décrivant ses effets : « Elle aplanit les obstacles, surmonte les difficultés, et conduit toujours à des fins glorieuses ; des ennemis, elle fait des amis ; elle tempère la colère des irrités et réduit l’arrogance des orgueilleux ; elle est mère de la modestie et sœur de la tempérance ; enfin, avec elle, les vices ne peuvent triompher, car dans sa douceur et sa mansuétude s’émoussent et se brisent les flèches du péché. »[3]


LORSQU’IL VOIT approcher la fin probable de sa vie, saint Paul, écrit à Timothée : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi » (2 Tm 4, 7). Dans ces mots, il n’y a rien de la vanité du pharisien de la parabole. Depuis le moment de sa conversion, Paul s’est reconnu pécheur et a compris la centralité de la grâce et de la charité dans la vie chrétienne.
C’est pourquoi, alors qu’il s’apprête à achever son chemin ici-bas, il reconnaît avec gratitude l’action de Dieu : « Le Seigneur m’a assisté et m’a fortifié, afin que, par moi, la proclamation de l’Évangile soit pleinement accomplie et que tous les païens l’entendent (…). Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise et me sauvera pour son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles » (2 Tm 4, 17-18).

La vertu de l’humilité ouvre en nous un espace pour que le Seigneur puisse agir, comme il l’a fait avec saint Paul. Ce n’est qu’en nous reconnaissant pécheurs, tels que nous sommes, que nous pouvons faire l’expérience de la miséricorde de Dieu et nous remplir d’espérance.
Saint Josémaria l’exprimait ainsi : « Tu imagines que tes péchés sont si nombreux que le Seigneur ne pourra pas t’écouter ? Il n’en est rien, car le Seigneur est plein de miséricorde. Si, en dépit de cette merveilleuse vérité, tu ressens le poids de ta misère, dis comme le publicain : Seigneur, me voici ; à toi de voir ! » »[4]

Nous ne pouvons rien sans la grâce de Dieu. Mais, avec son aide, si nous nous fions à son amour pour nous, nous sommes capables de parvenir à la sainteté. Ce n’est pas la perfection de nos œuvres, mais la confiance qui peut nous conduire au ciel : « Ne te trouble pas de te voir tel que tu es : fait d’argile. Ne t’en soucie pas. Car toi et moi sommes fils de Dieu (…), choisis par un appel divin de toute éternité : “Il nous a choisis, dans le Christ, avant la création du monde, pour que nous soyons saints en sa présence” (Ep 1, 4). Nous qui sommes spécialement de Dieu, qui sommes des instruments malgré notre pauvre misère personnelle, nous serons efficaces si nous ne perdons pas l’humilité, si nous ne perdons pas la connaissance de notre fragilité. »[5]


TOUT AU LONG de sa vie, Jésus nous donne l’exemple de l’humilité : étant Dieu, il a voulu se faire semblable en tout aux hommes, sauf le péché, et a vécu trente années comme le simple fils de l’artisan d’un village sans importance en Galilée. « Tel doit être aussi l’aspiration de chacun d’entre vous, mes enfants, écrivait saint Josémaria : passer inaperçus, imiter le Christ […], imiter Marie qui, étant Mère de Dieu, aime s’appeler son esclave : Ecce ancilla Domini (Lc 1, 38). Le Seigneur nous veut humbles ; cette humilité n’entrave en rien vos visées professionnelles dans le travail ordinaire ni, bien entendu, dans vos aspirations spirituelles. Il faut y parvenir, mais sans vous chercher vous-mêmes, avec droiture d’intention. Nous ne vivons pas pour la terre ni pour notre honneur, mais pour l’honneur de Dieu, pour la gloire de Dieu, pour le service de Dieu : cela seul nous fait agir. »[6]

Pour être humbles comme Jésus, il faut servir : vivre pour autrui, se soucier des problèmes des autres comme des nôtres. Ainsi, notre cœur s’élargit par l’humilité pour faire davantage de place au Christ, qui veut vivre en nous (cf. Ga 2, 20), et au prochain ; c’est comme cela que nous étendrons son règne d’amour et de paix sur toute la terre.

« Mon bon Jésus, puisque je dois être apôtre, il est nécessaire que tu me rendes très humble. Le soleil enveloppe de lumière tout ce qu’il touche : Seigneur, remplis-moi de ta clarté, divinise-moi ; que je m’identifie à ton adorable Volonté, pour me transformer en l’instrument que tu désires… Donne-moi ta folie d’humiliation : celle qui t’a conduit à naître dans la pauvreté, à faire un travail sans éclat, à mourir dans l’infamie, cloué sur un morceau de bois, à t’anéantir dans le tabernacle. — Que je me connaisse : que je me connaisse et que je te connaisse. Ainsi jamais je ne perdrai de vue mon néant. »[7]

Léon XIV souligne que, dans l’Évangile, l’humilité est source de liberté (cf. Lc 14, 11), car elle nous libère du regard constant sur nous-mêmes et nous fait tourner nos yeux vers Dieu : « Ceux qui s’exaltent, en général, semblent n’avoir rien trouvé de plus intéressant qu’eux-mêmes, mais au fond, ils sont très peu sûrs d’eux-mêmes. Ceux en revanche qui ont compris qu’ils sont précieux aux yeux de Dieu, ceux qui sentent profondément qu’ils sont fils ou filles de Dieu, possèdent de plus grandes choses dont ils peuvent se glorifier et une dignité qui brille d’elle-même. »[8]

Demandons à notre Mère du ciel de nous obtenir du Seigneur cette profonde humilité.


[1] Saint Augustin, La Sainte virginité, no 51.

[2] Saint Augustin, Lettre 118.

[3] Miguel de Cervantes, Nouvelles exemplaires III.

[4] Saint Josémaria, Amis de Dieu, no 253.

[5] Saint Josémaria, Lettre 2, no 20.

[6] Saint Josémaria, Lettre 1, no 20-21.

[7] Saint Josémaria, Sillon, no 273.

[8] Léon XIV, Angélus, 31 août 2025.