Qu’est-ce que l’Opus Dei ?

« N’est-ce pas une dérision de suspecter une organisation qui met toute sa puissance au service de l’amour ? »

Qu’est-ce que l’Opus Dei ? Quel est son but ? Quels sont ses moyens ? Que faut-il en penser ? Autant de questions qui sont posées chaque jour à ceux qui touchent de près ou de loin l’œuvre de Mgr Escriva de Balaguer.

Je n’ai pas la prétention d’y répondre totalement. Je n’appartiens pas à l’Opus Dei, et je ne me suis livré à aucune enquête systématique sur ses activités. Mon témoignage est strictement personnel, c’est-à-dire dicté uniquement par mes contacts directs avec des membres de l’Opus Dei.

Le but proclamé de l’Opus Dei est la sanctification de la vie quotidienne et des activités dites profanes. Il s’agit d’abolir le mur qui sépare, chez trop de chrétiens, la foi et la pratique religieuse du comportement extérieur de l’individu dans la cité des hommes. Dans ce sens l’Opus Dei répond au vœu de l’apôtre : instaurare omnia in Christo, tout instaurer dans le Christ. Chaque chose restant à sa place et la charité rayonnant à travers tout. Un médecin chrétien, par exemple, doit posséder, à côté et au-delà de la compétence professionnelle la plus poussée, cette qualité suprême d’attention, d’accueil et de dévouement que seul peut donner l’amour divin du prochain.

Cet idéal — inaccessible dans sa pureté absolue à cause de l’imperfection des hommes — je l’ai senti présent, agissant et approché dans tous mes rapports avec les membres ou les groupes de l’Opus Dei. Partout j’ai trouvé la même constance dans l’action appuyée sur la même fidélité à la prière, le même don de soi sans retour sur soi — privilège sacré des hommes de foi qui puisent dans le ciel la force, le courage d’affronter jusqu’au bout la dure course d’obstacles qu’est l’existence terrestre.

L’Opus Dei n’est ni une société secrète, ni une secte. Ses membres, ses institutions ne cachent par leur appartenance. Tout s’y passe à ciel et à cœur ouverts.

Et l’on n’y constate aucun sectarisme, avec tout ce que ce mot comporte d’étroitesse, d’exclusivisme, d’orgueil collectif et de méfiance à l’égard de tout ce qui est étranger à la secte : tout au contraire, on y trouve une ferveur sans fanatisme et une ouverture lucide et chaleureuse au vrai et au bien sous toutes leurs formes. J’ai quelque expérience des sectes : je m’y sens oppressé jusqu’à l’asphyxie : à l’Opus Dei, je respire librement…

Le cardinal Luciani, devenu par la suite Jean-Paul 1er, avait sans doute fait la même expérience lorsqu’un mois avant d’être élu pape, il écrivait : « L’extension, le nombre et la qualité des membres de l’Opus Dei ont fait penser à je ne sais quelles ambitions de pouvoir, ou je ne sais quelle obéissance aveugle et grégaire. La vérité est autre : il n’y a que le désir de faire des saints, mais dans la joie, avec un esprit de service et une grande liberté. »

Quant à la puissance de l’Opus Dei et aux moyens temporels, je répondrai que la force est un bien en soi, autant pour les individus que pour les collectivités. Seul est condamnable le mauvais usage qu’on en fait. L’œuvre la plus pure — celle que commande la charité — exige, pour être efficace, des moyens d’agir. Dieu est tout-puissant, mais sauf miracle il agit par l’intermédiaire des causes seconde, il délègue ses pouvoirs aux hommes. Et plus ces derniers sont puissants, plus ils peuvent faire de bien — ou de mal —. Pour secourir un pauvre ou un malade, il faut être moins pauvre ou mieux portant que lui, pour instruire un ignorant, il faut être plus savant, etc. Et toutes ces supériorités sont des forces. Il ne s’agit donc pas d’évaluer la puissance de l’Opus Dei, mais de savoir dans quel sens elle s’exerce : celui de l’amour de Dieu et du prochain, ou celui de la domination de l’homme sur l’homme. Tout ce que j’ai observé me confirme dans l’idée que ses membres sont inspirés par l’humble volonté de servir et non par l’appétit orgueilleux de dominer.

Je dirais même plus. À proprement parler, les moyens matériels auxquels je faisais allusion — et qui sont toujours utilisés à des fins immédiatement apostoliques — n’appartiennent pas à l’Opus Dei. Ils ne peuvent appartenir à une association qui, en tant que telle, ne possède pas de biens temporels. Ces moyens sont des initiatives personnelles de citoyens courants, membres ou non de l’Opus Dei — dans de nombreux cas, des personnes non catholiques et même non chrétiennes collaborent — qui investissent leur argent et leur travail (pour les chrétiens leur prière aussi) dans un esprit de service des autres évident.

Et puis, dans ce monde où tant de pouvoirs officiels ou occultes sèment la haine et la guerre — qu’on songe à la lutte des classes, aux rivalités entre les partis politiques et les nations, aux associations terroristes, etc. — n’est-ce pas une dérision de suspecter une organisation qui met toute sa puissance au service de l’amour ?

L’Opus Dei : l’œuvre de Dieu. Une œuvre qui passe par les hommes et dont, malgré les inévitables imperfections de la créature, les gens de l’Opus Dei sont les ouvriers fidèles et diligents.

La Nouvelle République du centre-ouest , quotidien du Berry-Poitou-Val de Loire, 1980