Quand avez-vous rencontré l’Opus Dei ?
Vers 1980, j’étais au creux de la vague et j’ai trouvé un bulletin d’information sur le bureau de Luz, ma femme. « Lis-le, me dit-elle, cela te fera du bien ». J’ai été impressionné par les miracles qu’obtenait Josémaria qui n’était à l’époque que serviteur de Dieu et qui est devenu depuis le saint de notre temps. Moi, qui pensais que les saints étaient un produit du Moyen-Âge, j’ai eu, en 2002, la joie d’assister à sa canonisation.
Le message de la sanctification du travail professionnel t’a donc attiré ?
En effet… c’est bien mystérieux. Nous pouvons faire notre Ciel appliqués à des choses aussi enfantines que celles de notre quotidien. Je croyais qu’il fallait des faits prodigieux pour avoir un peu de mérite. Or il suffit de bien faire les choses. Jésus voit tout. Si je m’applique à bien faire, c’est méritoire, tout comme l’est ma charité lorsque j’aide les malades ou que je rends visite à des personnes âgées.
Et tu vis tout cela en faisant de la musique ?
Bien sûr ! Quand on m’applaudit ou qu’on me félicite après mes interventions, j’offre cela à Dieu, rien ne me revient. Si je joue c’est parce que Dieu le veut ainsi. Je n’avais jamais pensé avoir du succès. Dieu qui voit tout, qui est dans un éternel présent, a prévu tout cela.
Cela te surprend-il ?
C’est étonnant que ce que j’ai fait dans ma jeunesse ait pu avoir du poids chez d’autres musiciens connus. Je les retrouve et ils me disent qu’ils resquillaient pour être au bal au premier rang. Ils se souviennent même de ma tenue. Moi je n’étais pas conscient de faire quoique ce soit de transcendant. Tout cela peut arriver partout ailleurs, peut toucher les choses les moins importantes. Notre bon ou notre mauvais exemple peut laisser une trace chez les autres. Pour ces jeunes je fus quelqu’un d’important. Je ne dis pas un modèle, mais presque. Et avec nos Chats Sauvages nous avons eu beaucoup d’influence.
Dieu te permet d’en savourer la douceur
Dieu me comble. Il m’arrive de lui demander souvent : pourquoi me combles-tu ? Je ne le mérite pas, je ne suis pas à la hauteur. Parfois j’ai peur d’être aussi comblé personnellement, au travail, dans ma famille, dans ma musique… J’ai traversé de très mauvais moments. Je sens que je suis comme Job qui a eu tous les ennuis du monde et qui s’en est bien sorti.
Vois-tu aujourd’hui la musique autrement ?
Comme tous les jeunes, je cherchais le succès, la popularité, la renommée, l’argent facile. Désormais, je jouis de la musique. Ce qui m’a été donné est une évolution naturelle et non pas le fruit de ma recherche. Retrouver les Chats Sauvages quarante ans après ça n’a pas été facile. Nous étions trois à Buenos Aires et deux à Rosario. Il fallait se retrouver. Ciro (Fogliatta) et moi, nous sommes allés à Rosario. Nous répétions vendredi et samedi et nous rentrions le dimanche. Litto (Nebbia) nous a rejoints. Ce manège a duré quelques mois.
Quels sont les rapports de Dieu avec ta guitare ?
J’essaie d’être en présence de Dieu lorsque je joue. Je tâche de tout lui offrir. Je demande aussi à mon ange gardien de m’aider pour que tout marche, que la guitare ne me lâche pas, qu’il n’y ait pas de bruit. Et ce, non pas pour moi, mais pour les autres. Sans son aide tout deviendrait plus difficile. Je sens qu’il m’entoure. Je pense souvent que je vais au-delà de ce dont je suis capable. C’est Lui qui me fait placer les doigts là où il faut (rires).
Pappo a eu la même expérience lorsqu’il a joué au Madison Square Garden avec BB King
Je l’ai connu lorsqu’il jouait dans Les Chats et nous avons déjeuné ensemble quelque temps avant sa mort.
Vous avez subi de grosses pressions des compagnies de discographie qui vous poussaient à faire un autre type de musique et vous vous êtes révoltés contre le système ?
Nous avions des convictions très fermes. Si nous avions capitulé nous aurions eu plus de ventes, mais le rock argentin ne serait pas ce qu’il est. Notre fermeté a permis, qu’à la longue, nous puissions chanter du rock en notre langue. C’est dur de naviguer à contre-courant. À l’époque on nous a traités de « vulgaires » ou de « grossiers personnages ». Tous les autres groupes chantaient en anglais mais nous, nous tenions à nous exprimer en notre langue.
Comment vivez-vous votre foi dans le milieu de la musique ?
Il y a des bouddhistes, d’autres croient en la réincarnation. Certains avouent avoir été des enfants de chœur et tout laissé tomber… Quant à moi, ce fut à l’envers. J’étais à « l’ouest » et c’est lorsque j’ai connu l’Œuvre que je me suis approché de Dieu. Ce fut une grâce. Je lui demande qu’il fasse voir aux autres ce qu’il me fit voir. Saint Josémaria disait qu’il faut aimer les gens, même s’ils ne pensent pas comme nous. C’est bien là l’enjeu pour un chrétien.