L’Opus Dei, une catéchèse et rien d’autre

Dans une interview accordée à la presse catalane, mgr Xavier Echevarria assure que « nous sommes tous en mesure et tenus de vivre une vie d’intimité avec Dieu puisque nous sommes tous fils de Dieu et que Dieu attend l’amour de tous ses enfants »

Dans quel esprit vivez-vous la célébration des 25 ans de la prélature personnelle de l’Opus Dei ?

Sans changer notre rythme de travail habituel, nous tâchons, tous et chacun de nous, de rendre grâces à Dieu pour tous les biens reçus. C’est dans ce sens que j’ai prévu que dans la prélature de l’Opus Dei, cette année, et jusqu’au 28 novembre prochain, soit une année mariale d’action de grâces. Ceci dit, cet anniversaire est une occasion de plus de renouveler notre attachement personnel à suivre de plus près le Christ, en communion avec le pape et tous les évêques diocésains.

Humainement parlant, peut-on dire que l’Opus Dei est déjà majeur ? 

Si l’on considère le service que la prélature est appelée à rendre à l’Église et aux âmes tout au long des siècles, nous pouvons dire qu’elle n’est encore qu’à ses tout débuts, non pas pour ce qui est de sa mission — rappeler à tous les chrétiens leur vocation à la sainteté grâce à la vie ordinaire—, mais pour ce qui touche à la largeur et à la profondeur de la tâche d’évangélisation qui lui est confiée, étant donné que nous n’assumons encore qu’un petit travail par rapport aux attentes de tant de monde dans l’Église : il y a, par exemple, un très grand nombre d’évêques qui voudraient que nous commencions à travailler dans leur diocèse.

Par ailleurs, en tant que fidèles de la prélature nous avons tous, tous les jours, la grâce de Dieu aidant, à relever le défi de réaliser ce message en notre vie. À ce niveau qui est à mon avis le plus important, l’Opus Dei ne pourra jamais être considéré majeur puisqu’il est totalement dépendant de l’aide de Dieu, tout comme un petit enfant l’est de ses parents.

Qu’est-ce que l’érection en prélature personnelle a représenté pour l’Opus Dei ?

L’érection de l’Opus Dei en prélature personnelle par le pape Jean-Paul II, qui avait auparavant consulté des milliers d’évêques et soigneusement étudié le cas, représenta la pleine reconnaissance officielle du charisme fondationnel. Comme cela est bien connu, le 2 octobre 1928, saint Josémaria vit que Dieu lui demandait de promouvoir, partout dans le monde, l’appel universel à la sainteté et la prise de conscience effective et totale de la part des laïcs de leur mission dans l’Église et dans le monde, essentiellement à travers la sanctification de leur travail et des circonstances ordinaires de leur vie. Le travail issu de cette semence, inspirée par Dieu, et qui se répandit petit à petit de par le monde, ne trouva pas la voie adéquate dans le droit de l’Église avant que le Concile Vatican II ne prévoie les prélatures personnelles pour des objectifs apostoliques déterminés. Cette figure juridique convient parfaitement à la mission — pleinement séculière et de niveau international — de l’Opus Dei où convergent organiquement des fidèles laïcs — qui font toujours partie de leur diocèse respectif — et des prêtres séculiers, incardinés dans la prélature. Par ailleurs, elle souligne leur pleine communion avec les évêques diocésains et elle éclaire leur insertion dans les différents diocèses. Ce fut donc le jour tant attendu par le fondateur, pour lequel il pria et se mortifia beaucoup, au point d’offrir à Dieu le sacrifice de ne pas voir, de son vivant, la réalisation de cette pleine reconnaissance ecclésiale issue de l’autorité suprême de l’Église.

Pour le reste, les fidèles de l’Opus Dei, qui tâchent de vivre fidèlement leur engagement chrétien, d’égal à égal avec les autres, vivent en particulière union de prière, d’intentions et d’affections avec tous les charismes de l’Église qui enrichissent toujours le Peuple de Dieu : des réalités anciennes ou nouvelles, comme le sont les mouvements ecclésiaux.

Quelle a été l’évolution de la prélature en ces 25 années ? Quels ont été les événements les plus importants ?

Cette configuration juridique définitive a beaucoup aidé à ce que l’on comprenne la mission de l’Opus Dei au service de l’Église universelle et sa pleine insertion dans les églises locales. Durant ces 25 années, il y a eu aussi de grandes occasions de se réjouir. La canonisation du fondateur n’a pas été des moindres. Je dois évoquer aussi le décès de son premier successeur, mgr Alvaro del Portillo, dont la cause de béatification est déjà ouverte. La prélature a aussi étendu son apostolat en de nouveaux pays des cinq continents.

« toute occupation honnête, bien menée, faite par amour, peut et doit être le lieu d’une rencontre avec Dieu »

Dans quelle mesure le décès de son fondateur a-t-il affecté la prélature ?

Dieu avait accordé à notre fondateur un cœur de père, plein d’humanité. Son décès provoqua, au départ, une profonde affliction. Mais, par la suite, grâce à l’aide de mgr Alvaro del Portillo, qui nous a tous invités à garder en nos âmes une blessure ouverte qui nous permettrait de veiller fidèlement sur le trésor reçu, nous avons compris que la famille de l’Opus Dei avait désormais sa tête et son cœur au Ciel.

Pour le reste, saint Josémaria, de son vivant, avait toujours tâché de ne pas être indispensable. Il s’est occupé de « sculpter » — c’est ainsi qu’il s’exprimait — l’esprit de l’Opus Dei. Nous, qui avons reçu cet esprit, devons être fidèles à ce message et le faire fructifier au jour le jour. Je rends profondément grâces à Dieu de m’avoir accordé la chance de vivre tant d’années près d’un saint comme saint Josémaria Escriva de Balaguer. Je compte totalement sur la force de son intercession et je pense qu’il nous regarde toujours, qu’il nous aide de son affection paternelle et maternelle, tout en nous disant, comme il le faisait fréquemment : « Davantage, davantage, davantage ! » Nous pouvons toujours aimer davantage, travailler davantage pour Dieu et pour le prochain, afin que, avec nos erreurs, nous nous attachions à être chaque jour plus près de Dieu que nous ne l’étions au début.

Quel est le secret pour que, surtout en Europe, l’Opus Dei puisse toujours attirer les jeunes dans le sillage d’une suite radicale du Christ, aussi bien dans la vie matrimoniale que dans le célibat apostolique ou le sacerdoce ?

C’est le secret de l’Église qui n’est rien d’autre que l’attrait toujours actuel de Notre Seigneur Jésus-Christ. L’obligation de présenter, avec notre exemple et notre parole, le visage et le message adorables du Christ, sans le camoufler, tout en ayant l’impression de naviguer à contre-courant repose sur tous les chrétiens. L’expérience nous dit que Jésus-Christ est toujours une personne qui entraine les autres.

Par ailleurs, pour reprendre les termes dont se servait fréquemment saint Josémaria, l’Opus Dei est une grande catéchèse et rien d’autre. Il offre, à ses fidèles et aux personnes qui fréquentent ses apostolats, des moyens de formation chrétienne et un accompagnement spirituel personnalisé. Et ce sont eux qui tout naturellement, dans leur vie, leur amitié, leur conversation personnelle, font connaître la doctrine de l’Évangile à leur famille, leurs amis, leurs collègues, leurs voisins…

25 ans après, quels sont les défis les plus urgents que la prélature doit relever aujourd’hui ?

Le principal défi est celui de la sainteté personnelle de chacun de ses membres et l’étendue de cette aspiration à la sainteté au plus grand nombre, grâce à un travail d’évangélisation. Cette tâche, qui est et sera toujours d’actualité, est de nos jours particulièrement urgente, comme notre saint-père Benoît XVI ne cesse de le rappeler à tous les hommes de foi.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit, de nombreux évêques demandent à la prélature de commencer son activité apostolique dans leur diocèse. Il y a juste un an, l’Opus Dei ouvrait son premier centre à Moscou. En ce moment, nous prions et œuvrons pour que le travail stable de la prélature commence en Roumanie et en Indonésie.

« La prélature de l’Opus Dei ne cherche aucune gloire humaine ; elle aspire à servir, sans le moindre secret, mais discrètement, comme du bon levain »

Les fidèles de l’Opus Dei ainsi que tous les chrétiens, essentiellement les laïcs, doivent relever le défi de bâtir, avec les hommes et les femmes de bonne volonté, une culture cohérente avec la dignité de la personne humaine.

Peut-on parler du charisme de l’Opus Dei ? La « sainteté par le travail » est-elle toujours le pilier de sa spiritualité ?

En effet, il en sera toujours ainsi. D’une part, tout travail honnête, toute occupation honnête bien menée, achevée par amour, peut et doit être le lieu d’une rencontre avec Dieu, d’un service aux autres, d’une amélioration personnelle. Dieu nous interpelle non seulement lorsque nous prions, mais tout au long de la journée. Il ne sied pas de parler de travaux ou d’occupations de bas niveau, de sots métiers, parce que toutes les occupations professionnelles peuvent être une occasion de rencontrer Dieu. Cette idée ne se vit pas uniquement au travail : pour les personnes mariées, par exemple, la réalisation aimante de leurs devoirs d’époux et familiaux est aussi un vrai chemin de sainteté, comme l’exercice de la prêtrise l’est aussi pour les prêtres, et pour tous les citoyens l’accomplissement loyal de leurs devoirs civiques justes.

D’autre part, Dieu appelle tout le monde à la sainteté, pas seulement quelques-uns, mais tout le monde. Nous sommes tous en mesure et tenus de vivre une vie d’intimité avec Dieu puisque nous sommes tous fils de Dieu et que Dieu attend l’amour de tous ses enfants.

Intimement unis à ce message central, il y a la cohérence de vie, l’amour de la liberté personnelle et le souci d’être des semeurs de paix et de joie au sein de la société, sans dresser de barrières devant qui que ce soit.

En tant que prélat de l’Opus Dei, comment faites-vous face à la responsabilité d’être à la tête de l’un des charismes les plus vivants et porteurs de l’Église actuelle ?

Excusez-moi, mais les termes de votre question me gênent un peu. Dans l’Église actuelle, comme cela s’est toujours produit, il y a une grande richesse spirituelle, de nombreuses preuves de l’assistance et de l’inspiration continue du Saint-Esprit. L’Opus Dei est une de plus de cette vitalité pérenne de l’Église et cependant nous ne tenons absolument pas à être « les premiers de la classe ». Personnellement, je puis vous assurer que je connais très bien la disproportion de mes forces pour la tâche confiée et que je tâche de m’appuyer sur la prière des fidèles de la prélature, des coopérateurs et de tant de personnes qui prient pour notre travail. Ceci dit, la prélature de l’Opus Dei n’aspire à aucune gloire humaine. Elle tient à servir, sans le moindre secret, mais discrètement, comme du bon levain.

L’intercession de la Sainte Vierge Marie, à laquelle vous avez décidé de confier cet anniversaire, s’est faite sentir au cours de ces 25 années…

En effet. Et pas seulement pendant 25 ans, mais tout au long de l’histoire de l’Œuvre. Face à n’importe quelle nécessité, nous avons toujours eu recours à la Sainte Vierge Marie. Saint Josémaria l’a fait depuis les premiers pressentiments de ce que Dieu lui demandait. Et entre autres, il a entrepris des pèlerinages marials de par le monde. Il est venu à Montserrat, tout spécialement à Notre Dame de la Merci, à Barcelone. Ses visites à cette basilique ont un lien étroit avec le chemin juridique de l’Opus Dei qui a connu son heureux aboutissement il y a 25 ans. L’aide de la Sainte Vierge est et sera toujours extrêmement nécessaire. Durant cette année mariale que nous célébrons dans l’Œuvre, j’ai encouragé tous les fidèles de la prélature à vivre avec plus d’attachement la pratique dévote du saint rosaire et à la diffuser parmi leurs collègues, leurs amis et les membres de leur famille. Il s’agit d’une prière tout à fait actuelle. 

 

   

    Samuel Gutiérrez // Catalunya Cristiana