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Que Jésus vous garde, mes filles et mes fils très chers !
1. Comme me l’a suggéré récemment l’une de vos sœurs, je pensais réfléchir avec vous dans cette brève lettre à quelques aspects de la joie, en méditant surtout des mots de saint Josémaria.
La joie découle, en général, de la possession et de l’expérience du bien et, en fonction du genre de bien, il existe divers degrés d’intensité et de permanence de la joie. Quand la joie n’est pas la conséquence d’une expérience isolée du bien, mais de l’ensemble de l’existence personnelle, on l’appelle normalement le bonheur. En tout cas, la joie et le bonheur les plus profonds s’enracinent avant tout dans l’amour.
Ce sont des temps difficiles que les nôtres dans le monde et dans l’Église (et l’Œuvre est une petite partie de l’Église). En réalité, d’une façon ou d’une autre, toutes les époques ont eu leurs lumières et leurs ombres. C’est pourquoi il est particulièrement nécessaire de cultiver une attitude joyeuse. Toujours et en toute circonstance, nous pouvons et devons être contents, car c’est ce que désire le Seigneur : « Que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11). Il l’a dit aux apôtres et, à travers eux, à nous tous qui viendrions après eux ; aussi la joie est-elle « la condition propre à la vie des enfants de Dieu »[1].
À l’opposé, « la tristesse est un vice causé par l’amour désordonné de soi, qui n’est pas un vice spécial, mais la racine des vices en général »[2]. Cette affirmation de saint Thomas peut surprendre si nous pensons, par exemple, à la souffrance devant la perte d’un être cher. Or, cette situation ne devrait pas nécessairement entraîner la tristesse ainsi comprise, mais la douleur, qui n’est pas la même chose. De fait, c’est une expérience commune que toute douleur ou tout renoncement ne cause pas la tristesse, en particulier quand on les assume avec amour et par amour. C’est ainsi que les sacrifices, parfois bien lourds, d’une mère pour ses enfants peuvent causer la douleur, mais sans causer la tristesse. « Ce qui est nécessaire pour atteindre le bonheur, ce n’est pas une vie facile, mais un cœur plein d’amour»[3]. Tous ceux qui avons vu et entendu notre Père, à Villa Tevere, durant les sept ou huit dernières années de sa vie, nous l’avons vu vraiment content, heureux, bien qu’il souffrît beaucoup ces années-là, physiquement, mais surtout à cause des graves difficultés que traversait alors l’Église.
La joie dans la foi
2. La joie naturelle élevée par la grâce se manifeste particulièrement dans l’union aux plans de Dieu. Les anges annoncent aux bergers de Bethléem la « grande joie » (Lc 2, 10) de la naissance de Jésus ; les Mages revoient l’étoile avec « une immense joie » (Mt 2, 10). Les apôtres, enfin, se remplirent de joie à la vue de Jésus ressuscité (cf. Jn 20, 20).
La joie chrétienne n’est pas la simple joie « de l’animal bien portant »[4], mais le fruit de l’Esprit Saint dans l’âme (cf. Gal 5, 22) ; elle tend par elle-même à perdurer, parce qu’elle est fondée sur lui, comme nous y exhorte saint Paul : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je vous le redis, réjouissez-vous » (Ph 4, 4).
Cette joie dans le Seigneur est la joie de la foi dans son amour paternel : « La joie est la conséquence logique de la filiation divine, de la certitude de nous savoir aimés d’un amour de prédilection par Dieu notre Père, qui nous accueille, nous aide et nous pardonne. — Souviens-t-en une bonne fois : même si, un jour, à nos yeux tout s’écroule, en fait rien ne s’écroule, parce que Dieu ne perd pas de bataille[5] ».
Néanmoins, devant certaines difficultés ou souffrances, notre faiblesse personnelle peut faire décliner cette joie, spécialement à cause de l’éventuelle faiblesse de la foi actuelle dans l’amour tout-puissant de Dieu pour nous. « Un enfant de Dieu, un chrétien qui vit de foi, peut souffrir et pleurer : il peut avoir des raisons de se plaindre, mais d’être triste, jamais »[6]. Pour cette raison aussi, pour entretenir, ou récupérer, la joie, il convient d’actualiser notre foi en l’amour de Dieu, qui nous permet d’affirmer avec saint Jean : « Nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru » (1 Jn 4, 16).
La foi tend à s’exprimer de différentes façons — en paroles ou sans elles — dans la prière ; et avec la prière vient la joie, parce que « lorsque le chrétien vit de foi — d’une foi qui ne soit pas purement verbale, mais réelle et liée à la prière personnelle — l’assurance que procure l’amour divin se manifeste par la joie et la liberté intérieure[7] ».
Joyeux dans l’espérance
3. La foi en l’amour que Dieu nous porte s’accompagne d’une grande espérance. C’est ainsi que nous pouvons comprendre l’affirmation de l’épître aux Hébreux : « La foi est le fondement des choses qu’on espère » (He 11, 1). L’espérance a pour objet propre un bien futur et possible. Et le bien que la foi nous fait espérer est, fondamentalement, la pleine félicité et la joie dans l’union définitive avec Dieu dans la gloire. Comme nous dit saint Paul, c’est « l’espérance en ce qui nous est réservé au ciel » (Col 1,5). Cette certitude nous donne l’assurance que les moyens ne nous manqueront pas pour parvenir à ce but si nous les accueillons librement, pour commencer et recommencer aussi souvent que nécessaire.
Et s’il se présente, d’une façon ou d’une autre, une volonté de Dieu devant laquelle nous nous sentons inaptes et impuissants, nous pouvons encore avoir « la certitude de l’impossible »[8], comme notre Père au début de l’Œuvre, quand il manquait totalement de moyens et vivait dans une atmosphère sociale profondément contraire à la vie chrétienne.
4. Nous avons, nous pouvons toujours avoir, « une espérance qui ne déçoit pas », non pas parce que nous nous appuyons sur nous-mêmes ni sur quoi que ce soit de ce monde, mais « parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5).
Par moments, des difficultés de tout genre peuvent nous faire penser, par exemple, que l’apostolat n’est pas efficace, que nous ne voyons pas les fruits de notre effort ni de notre prière. Mais nous savons bien — et il est bon pour nous d’actualiser fréquemment cette conviction de notre foi — que notre travail n’est pas vain dans le Seigneur (cf. 1 Co 15, 58). Comme l’assurait aussi notre Père: « Rien ne se perd ».
L’espérance et la joie sont des dons de Dieu, que saint Paul demande pour tous : « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance par la puissance de l’Esprit Saint » (Rm 15, 13).
La joie du cœur amoureux
5. L’amour de Dieu et des autres est uni, avec la joie, à la foi et aussi à l’espérance. « Qui aime possède la joie de l’espérance, l’espérance de parvenir à rencontrer le grand amour qu’est le Seigneur »[9].
Les manifestations de l’amour sont diverses, mais elles se retrouvent sur l’essentiel : désirer le bien de la personne aimée (et, dans la mesure du possible, le lui procurer) et ressentir la joie qui découle de la connaissance de ce bien enfin présent.
En ce qui concerne l’amour du Seigneur, est-ce qu’il implique de désirer pour Dieu un bien qu’il n’aurait pas ? Nous savons qu’en nous créant libres il a voulu courir le risque de notre liberté[10]. Nous pouvons ne pas donner au Seigneur quelque chose qu’il désire : notre amour. D’une certaine manière, la joie de l’amour de Dieu n’est pas seulement l’aspect de l’amour qui consiste en le bien qu’il suppose pour nous, mais aussi la joie de pouvoir lui donner notre amour.
L’amour, comme source de joie, se manifeste spécialement dans le don de soi aux autres, lorsque nous nous efforçons d’être, malgré nos défauts, « des semeurs de paix et de joie »[11]. Ainsi, en plus, nous nous réjouissons de voir la joie des autres et, comme notre Père, nous pourrons leur dire en toute vérité : « Ma joie est votre joie »[12].
6. « Le véritable amour suppose que l’on sorte de soi-même et que l’on se donne. L’amour authentique entraîne la joie : une joie dont les racines sont en forme de Croix »[13]. Surtout, la Croix assumée par amour de Dieu est source de bonheur. C’est ce que nous enseigne le Seigneur : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés » (Mt 5, 11-12). En réalité, toutes les béatitudes décrivent les racines de la joie : « Les béatitudes te conduisent à la joie, toujours ; elles sont la voie pour atteindre la joie »[14].
Bien des raisons peuvent nous mener à perdre la joie, en particulier, l’expérience de notre faiblesse, la conscience de nos péchés. Mais la foi en l’amour de Dieu et l’espérance certaine qui accompagne cette foi sont le fondement sûr, comme l’affirme saint Josémaria, de « la profonde joie du repentir »[15]. Alors aussi, malgré nos limites et nos défauts, avec l’aide du Seigneur, et notre affection, « nous pouvons rendre aimable et facile le chemin des autres »[16].
Nous invoquons la Très Sainte Vierge, Mère de Dieu et notre Mère, comme Causa nostrae laetitiae. Qu’elle nous aide à être toujours contents et à être des semeurs de paix et de joie dans toutes les circonstances de notre vie. Nous le lui demandons spécialement en cette année jubilaire, très unis aux souffrances du pape François.
Votre Père vous bénit très affectueusement
Fernando

Rome, le 10 mars 2025
[1] Lettre 13, no 99. Les textes sans mention d’auteur sont de saint Josémaria.
[2] S. Thomas, Somme théologique, II-II, q. 28, a. 4, ad. 1. « La tristesse est la scorie de l’égoïsme » (Amis de Dieu, no 92).
[3] Sillon,no 795.
[4] Cf. Chemin, no 659.
[5] Forge, no 332.
[6] « Les richesses de la foi », publié dans le journal ABC, le 2 octobre 1969.
[7] Ibid.
[8] Lettre 29, no 60.
[9] François, Audience, 15 mars 2017.
[10] Cf. Amis de Dieu, no 35.
[11] Sillon, no 59.
[12] Lettre 14, no 1.
[13] Forge, no 28.
[14] François, Audience, 20 janvier 2020.
[15] Lettre 14 février 1974, no 7.
[16] Sillon,no 63.