L’apothéose de l’Amour

L'Esprit Saint déploie la force de son amour et enflamme le cœur de la Vierge Marie et des Apôtres. De même que la Sainte Vierge a formé et porté la chair du Verbe, elle porte spirituellement le corps de l’Église et contribue à sa maturité. C'est pourquoi elle est fêtée sous l'invocation de Mère de l'Église, le lendemain de la Pentecôte.

La Bibliothèque Médicis de Florence contient, dans un évangéliaire syrien du 6e siècle (f. 14), l’une des plus anciennes représentations de la Pentecôte, selon les Actes des Apôtres (1, 14 ; 2, 1-3) : en forme de colombe, le Saint-Esprit plonge vers la première communauté chrétienne, resserrée autour de la Mère de Dieu, devenue Mère des membres du Christ. En 2018 le pape François associa cette mémoire au lundi de Pentecôte ; la prière initiale souhaite que « nous brûlions de l’amour qui habitait la Vierge Marie, Mère de l’Église, et méritions d’être associés plus étroitement avec elle à l’œuvre de la rédemption » (Missel Romain).

La tradition iconographique, en Orient et en Occident, a pérennisé ce modèle. A Paris, le Psautier d’Ingeburge (vers 1215, au Musée Condé de Chantilly, f. 32), commandé par le roi Philippe le Bel après la réconciliation avec son épouse, présente Marie couronnée, recevant les « langues de feu ».

Inlassable dans le défi du salut, l’Esprit Saint ne chôme pas. Déjà présent dans l’œuvre d’amour de la création, il a fréquemment « parlé par les prophètes » (Hébreux 1, 1) en leur donnant la sagesse du salut ; il a aussi guidé les justes dans leur parcours de foi, de louange ou de repentir. Dans la plénitude des temps, il a sanctifié l’âme de la future Mère de Dieu, élue parmi les femmes. À l’Annonciation, il a formé le Corps saint de Jésus et rempli son Cœur Rédempteur ; il s’est manifesté sur les eaux du Jourdain et dans la nuée du Thabor ; il a consacré le sacrifice du Fils et en a répandu le fruit dans son Église en se donnant à elle. Au Cénacle, après l’Ascension, Notre Dame concentrait la prière confiante des premiers disciples. La Mère du Christ, déjà donnée pour mère à l’apôtre Jean, s’apprêtait à accueillir les enfants de la Nouvelle Alliance.

La Vierge Marie, comme Arche de la Nouvelle Alliance, a formé et porté la chair du Verbe. Par la suite elle porte spirituellement le corps de l’Église et contribue à sa maturité. En parallèle avec la diffusion de l’esprit prophétique de Moïse aux soixante-dix anciens d’Israël, la Bible de Saint Louis (Paris, 1235, t. 1, f. 68 : © Moleiro, 2002), souligne le lien entre l’Incarnation et la Pentecôte. « Par l’incarnation du Christ, la grâce du Saint-Esprit a été répandue sur les peuples. Ainsi est arrivé sur tous ce don de la vertu céleste qui autrefois reposa sur Moïse et les prophètes ». L’illustration, de façon originale, met en regard l’Enfant Jésus, dans le bras de Marie, en train de bénir les apôtres en leur envoyant la Colombe céleste.

Par ailleurs, la Pentecôte est rapprochée, de façon émouvante, avec l’amour fraternel. Trahi par ses frères, le patriarche Joseph est élevé à la plus haute dignité ; devenu le bras droit de Pharaon, il veille à la survie du peuple au milieu d’une sévère disette ; généreux, il ouvre ses portes aux étrangers affamés. Parmi eux, ses frères se dont déplacés en Egypte pour acheter du blé au cours de la deuxième année de famine. Joseph, les ayant reconnus, fait venir le cadet, Benjamin, dont il gardait un tendre souvenir. Alors que Joseph dévoile son identité devant la famille, il embrasse, ému, son petit frère (Genèse 45, 14) « Le baiser que Joseph donna à son frère cadet, signifie que Jésus-Christ envoya le Saint-Esprit Consolateur à ses disciples le jour de la Pentecôte dans des langues de feu » (idem, t. 1, f. 25).

Abbé Fernandez

Photographie de l'image d'accueil : Simone Cantarini