RETRAITE SPIRITUELLE

1. La retraite spirituelle dans la Tradition de l’Eglise. 2. Les retraites spirituelles dans la vie et dans la pratique de saint Josémaria.

  1. La retraite spirituelle dans la Tradition de l’Eglise.
  2. Les retraites spirituelles dans la vie et dans la pratique de saint Josémaria.

Le terme « retraite » exprime le fait de se mettre à l'écart, afin de prêter plus d'attention à une réalité déterminée. La retraite, en tant que recueillement pour réfléchir sur des questions spécifiques, est une activité indissociable de la nature humaine. Si, en plus, son motif est religieux, pour traiter avec Dieu des réalités spirituelles et du progrès vers la sainteté, on parle de « retraite spirituelle ». Ce moyen a occupé une place importante dans la vie de saint Josémaria, en rapport avec sa pratique selon la tradition spirituelle chrétienne.

1. La retraite spirituelle dans la Tradition de l'Église

L'Écriture montre combien un profond colloque de l'âme avec Dieu est nécessaire ; et comment la solitude du désert, l'isolement, est un moyen propice à la rencontre avec le Seigneur : c'est là que Moïse parle avec Dieu qui lui révèle son Nom (cf. Ex, 3) ; Élie, au début de sa mission, se cache « près du torrent de Kérith » (1 Rois 17, 3) ; le Baptiste se prépare aussi en demeurant dans la solitude (cf. Lc 1, 80) ; Jésus lui-même prie dans le désert avant sa vie publique (cf. Lc 4, 1 sq.) ; Paul se retirera en Arabie (cf. Ga 1, 17).

La vie de l'Église, depuis le temps des Pères, témoigne de cette pratique. Ses noms et la systématisation de son caractère ont varié au cours du temps : au XIIe siècle, Guillaume de Saint-Thierry parlait de spiritualia exercitia, expression comparable – pour fortifier l'esprit – à exercitia corporalia, pour fortifier le corps. Les saints l'ont enrichie, chacun avec leur propre contribution. Saint Bonaventure, dans son Soliloquium, nous invite à méditer sur la vanité du monde, les fins dernières, la gloire... ; dans d'autres ouvrages, il recommande de contempler la Passion du Christ et encourage à changer de vie, à fuir le péché, etc. Jusqu'à la fin du XVe siècle, divers auteurs – G. Zutphen, P. de Ailly et J. Gerson, pour n'en citer que quelques-uns – offrent leur propre point de vue. Au XVIe siècle, Jiménez de Cisneros, avec son "Ejercitatorio" de la vie spirituelle, et plus tard Saint Ignace de Loyola, avec ses Exercices spirituels, marquent une étape supplémentaire dans cette pratique chrétienne. Au XXe siècle, elle a été encouragée par les papes ; Pie XII la recommande tout en défendant la liberté dans la manière ou la méthode pour la pratiquer : « Quant aux diverses manières dont ces exercices pieux sont habituellement pratiqués, que tous aient présent à l'esprit que dans l'Église terrestre, tout comme dans la céleste, il y a de nombreuses demeures (cf. Jn 14, 2), et que l'ascétique ne peut être le monopole de personne. Il n'y a qu'un seul Esprit, qui pourtant « souffle où Il veut » (Jn 3, 8), et qui, par divers dons et par diverses voies dirige les âmes éclairées par Lui vers la sainteté » (Encyclique Mediator Dei, n° 223).

Cet esprit de liberté est également présent chez saint Josémaria en ce qui a trait à la terminologie pour se référer à la retraite. Il avait l'habitude d'utiliser l'expression “curso de retiro”, littéralement "cours de retraite", parce que le concept de "cours" entraîne l'idée d'une matière – de spiritualité dans le cas qui nous occupe – qui suppose une exposition organique, unitaire et pleinement développée, de façon à ce qu'elle suscite une réponse vive à l'amour de Dieu. De plus, pour maintenir l'élan spirituel d'une retraite (ou cours de retraite - NdT), saint Josémaria faisait personnellement – et l’inculquait ainsi – ce qu'il appelait, en raison de sa périodicité, la "retraite mensuelle" (ou "récollection" dans la sémantique française - NdT). Elle consistait à consacrer quelques heures, un jour par mois, à méditer sur les différentes réalités de la vie chrétienne ; de cette façon, il essayait de maintenir brûlant le désir de s'identifier avec le Christ. Il attachait une grande importance à cette récollection mensuelle et s'assurait que les thèmes de méditation incluent, successivement, les principaux aspects de la vie chrétienne à la suite du Christ.

2. Retraites spirituelles dans la vie et la pratique de saint Josémaria

Pendant toute sa vie, saint Josémaria eut l’habitude de se retirer spirituellement, parfois une journée, comme nous venons de l'indiquer ; d'autres fois plusieurs jours, chaque année. Au début, en raison de l'abondance du travail pastoral, il lui était difficile de trouver le temps nécessaire et cela le faisait souffrir ; il écrit en juin 1932 : « J'ai besoin de solitude. Je me languis d'une longue retraite, pour traiter avec Dieu, loin de tout. S'Il le veut, Il me donnera cette occasion. Là devraient se mettre en place tant de choses qui bouillonnent en moi ; et Jésus, sûrement, y préciserait des détails importants pour son Œuvre » (Notes intimes, n. 746 : AVP, I, p. 464). De fait, il s'efforçait toujours de trouver du temps et de consacrer ces heures ou ces jours à une prière et à un examen intense. Ce n'est pas par hasard que Dieu lui a montré sa Volonté, l'appelant à faire l'Opus Dei, précisément dans le silence de la prière, lors d'une retraite. Il s'en souviendra avec reconnaissance des années plus tard : « Et le 2 octobre 1928 arriva. Je faisais quelques jours de retraite (…), et c'est alors que l'Opus Dei vint au monde » (Méditation, 14-II-1964 : AVP I, p. 296).

Dans les retraites qu'il dirigea, très nombreuses, il centrait sa prédication sur les vérités centrales de la Révélation : il les approfondissait et offrait à ceux qui l'écoutaient la nouveauté toujours vivante, joyeuse et actuelle du Mystère du Christ, pour pousser à la conversion et renouveler dans leurs âmes l'amour de Dieu et une vie chrétienne vibrante. Et ceci, que ses auditeurs fussent membres de communautés religieuses – il a dirigé pour eux de nombreuses retraites –, prêtres ou laïcs qui, en grand nombre, ont suivi ses retraites.

Les circonstances des participants – selon qu'ils étaient religieux, prêtres ou laïcs – étaient un repère essentiel pour saint Josémaria. Il tâchait de mettre les uns et les autres – selon les circonstances propres à chacun – devant les exigences précises de la Parole divine, à partir de la Sainte Écriture. C'était sa façon habituelle de procéder : « Si mon témoignage personnel peut être de quelque intérêt, je peux dire que j'ai toujours conçu mon travail de prêtre et de pasteur d'âmes comme une tâche visant à situer chacun en face de toutes les exigences de sa vie, en l'aidant à découvrir ce que Dieu lui demande concrètement » (QCP 99). Ceci est attesté non seulement par les personnes qui l'ont écouté, mais aussi par les schémas de prédication que l’on conserve (cf. CECH, pp. 133-137).

Le cœur de la retraite était le Mystère du Christ, depuis son Incarnation jusqu’à sa Résurrection et son Ascension glorieuse, suivie de l'envoi du Paraclet. À partir de ce noyau, il considérait la richesse des vertus que le chrétien devait incorporer dans sa vie, selon la vocation concrète reçue du Seigneur ; et toujours celle de la joyeuse réalité surnaturelle de la filiation divine, fondement de la vie chrétienne et de l’esprit de l'Opus Dei. Il n’omettait jamais les méditations sur les « fins dernières », l'eschatologie, très centrée d'ailleurs sur le Christ et l'Esprit. L'approche christologique et encourageante des retraites qu'il prêchait, poussait à une vie optimiste, en relation avec la suite joyeuse et réjouissante de Jésus, dans le cloître ou au milieu du monde ; elle en a même conduit certains à « l'accuser de prêcher "des exercices de vie" au lieu des "exercices de mort" traditionnels » (cf. AVP, II, p. 675). Ceux qui parlaient ainsi faisaient référence à la manière dont certains prédicateurs mettaient l'accent sur la méditation de l'au-delà afin de susciter « un sursaut dans l'âme, pour ensuite la conduire docilement à la conversion, convaincus que plus la terreur de la mort et de l'enfer serait ravivée, plus il serait facile d'obtenir l'amendement » (AVP, II, p. 677).

Son point d'appui a toujours été l'Amour de Dieu manifesté dans le Christ, à partir duquel il encourageait la réponse généreuse de ses auditeurs. C'est à cette fin que contribuait, en plus de son caractère vif et spontané, sa propre vie intérieure qui, d'une certaine manière, se mettait à nu à travers ses paroles vibrantes et enflammées d'amour divin ; c'est ce dont l'auteur de ces lignes a été personnellement témoin, comme beaucoup d'autres dont on a recueilli les témoignages.

Ángel Suquía, futur cardinal archevêque de Madrid, a assisté à une retraite prêchée par saint Josémaria à Vitoria en 1939. Il a raconté que le prédicateur était « un homme surnaturel en tout », un « homme de foi », qui avait prêché des exercices imprégnés de « l'amour du Christ qui transpirait de toutes ses phrases » (AVP, II, p. 677). En 1939 également, eut lieu une retraite qu'il dirigea à Alacuás (Valence) pour des prêtres. Son impact se reflète dans la lettre que le recteur du Collège Royal de Corpus Christi a adressée à l'archevêque de Valence : « Je suis heureux d'exprimer le ressenti unanime et très élevé que nous avons du zèle apostolique de l'homme en question , de sa solide formation et de la clarté d'exposition de la doctrine qu'il a soumise à notre considération, nous remplissant de satisfaction quant à ce qu'un prêtre séculier puisse réunir des qualités aussi exceptionnelles, pour prêcher des exercices avec profit et efficacité, que celles dont a fait preuve, de l'avis unanime, M. Escrivá en les leur donnant » (AGP, série L.1.1, leg. 1, carp. 2, exp. 4).

Saint Josémaria en fondait le fruit surnaturel sur une prière et une mortification abondante, qu'il faisait personnellement et qu'il quémandait auprès de connaissances et amis. Dans une lettre datée du 7 juin 1939 à don Santos Moro, évêque d'Avila, il écrit : « J'ai déjà commencé la première série d'exercices et, pour celle-ci et celles qui me restent, j'ai besoin que notre Jésus m'aide très spécialement…, et je viens trouver Monseigneur l'Evêque, car je sais qu'il le Lui dira. Que [Dieu] veuille le récompenser ! » (AGP, série A.3.4, 256-3, 390607-1). Mgr Santos Moro, dans sa déclaration pour le procès de béatification, écrivit : « Je veux aussi souligner comment don Josémaria fondait toujours son travail sur des voies et des moyens surnaturels. (…) Il me suppliait d'intercéder auprès du Seigneur (…) d'offrir des prières pour les exercices spirituels qu'il conduisait pour des prêtres ou des religieux, des étudiants ou des professionnels » (AGP, série A.5, leg. 228, carp. 1, exp. 17).

Thèmes connexes : Prière ; Recueillement.

Bibliographie : AVP, I, pp. 290-292, 463-474 y II, 409-416 ; CECH, pp. 133-137 ; Félix CARMONA MORENO, O.S.A. Apuntes de Ejercicios Espirituales con san Josemaría Escrivá, San Lorenzo de El Escorial, Ediciones Escurialenses, 20042 ; José Antonio LOARTE, “La predicación de san Josemaría. Descripción de una fuente documental”, SetD, 1 (2007), pp. 221-231 ; Francisco VIVES UNZUÉ, “Retiros espirituales”, en GER, XX, pp. 176-178.

José Antonio GARCÍA-PRIETO SEGURA