LITURGIE DES HEURES

« Ta prière doit être liturgique. — Ah si tu pouvais prendre goût à réciter les psaumes et les prières du missel, plutôt que des prières privées ou particulières ! » (C 86). Ce texte, de nature programmatique, est une réponse à l'expérience personnelle de saint Josémaria Escrivá, née de sa méditation assidue des formules du Missel et des prières de la Liturgie des Heures. Il n'est donc pas surprenant que dans les années 30, il ait écrit : « Je ne vais plus annoter de psaume, car il faudrait le faire pour tous, puisqu'en tous il n'y a que des merveilles, que l'âme voit quand on sert Dieu » (Notes intimes, no 681, 3 avril 1932, dimanche des Rameaux).

Cette façon de prier qui trouve son origine dans la prière de l'Église, prenait corps tant dans le calme d'une église ou d'un oratoire que dans l'accomplissement de ses tâches ordinaires "au beau milieu de la rue". Ainsi, dans une lettre écrite en 1934, commentant un voyage en train, et adressée aux membres de l'Œuvre, il dit : « ce matin, j'ai prié le bréviaire avec plus de solennité que dans le chœur d'une cathédrale : j'ai invité tous les anges gardiens qui étaient autour de moi à chanter avec moi les louanges du Seigneur » (AGP, série A.3.4, 253-2, 340917-2). Ce désir de saint Josémaria était bien vivant dans son âme, comme le montrent ses paroles, sans doute autobiographiques, au point 747 de Forge : « Voici comment un prêtre désirait s’appliquer à l’oraison, tandis qu’il récitait l’Office divin : “Je suivrai la coutume qui consiste à dire en commençant : “je veux prier comme les saints prient”, puis j’inviterai mon ange gardien à chanter, avec moi, les louanges du Seigneur.” Essaye d’emprunter ce chemin dans ta prière vocale, et aussi pour que la présence de Dieu grandisse en toi pendant ton travail » (F 747). Sa prière de l'Office divin, en plus d'être faite avec amour de Dieu et accompagnée par d'autres voix, s'étendait aux différents moments de la journée : elle nourrissait sa vie contemplative, au milieu des tâches quotidiennes.

Ces textes, et d'autres parallèles, révèlent une caractéristique très ecclésiale de la vie intérieure de saint Josémaria : la liturgie comme aliment premier et fondamental de la piété de son âme, comme l'avait exprimé saint Pie X au début du XXe siècle. Un souvenir de Mgr Alvaro Del Portillo nous donne un portrait très vivant de la place centrale de la Liturgie des Heures dans le quotidien de saint Josémaria : « À cet égard, je me souviens de ce qui s'est passé vers 1942 ou 1943. Notre Fondateur était malade et, bien qu'il ait une très forte fièvre, il voulait réciter l'Office divin. Je lui ai dit que dans ces conditions, il n'avait aucune obligation de le faire, mais il m'a répondu : "Écoute, tu ne peux pas pas dire cela parce que tu n'es pas encore prêtre, et je ne veux pas agir sans un avis autorisé. Par conséquent, fais-moi la faveur de téléphoner à Don José María Lahiguera, qui est mon confesseur ; explique-lui la situation, et je ferai ce qu'il ordonne" (...). Des années plus tard, à cause du diabète, il perdit une grande partie de sa vue, à tel point qu'il pouvait à peine lire : la diplopie lui faisait voir des lettres doubles et floues. Il a alors demandé à Don Javier Echevarría et à moi-même de prier à haute voix l'Office divin, afin qu'il puisse se joindre à notre prière » (cf. Del Portillo, 1993, pp. 156-157).

Conscient de l'immense valeur que revêt la Liturgie des heures pour la vie de piété des fidèles, il a pensé, à la fin des années 1930, à rédiger un "dévotionnaire liturgique" qui comprendrait, entre autres, une sélection de psaumes et un schéma des heures de Laudes et de Vêpres. Ce livre, dans ses premières notes, s'est appelé Complément au Missel, puis Dévotions liturgiques ou Dévotionnaire liturgique (cf. Camino Edicion Critico Historica § 5. 2). Au début de l'année 1939, saint Josémaria se prépara à passer une semaine à Vitoria, pour travailler avec les excellentes sources liturgiques de la bibliothèque du séminaire de cette ville. D'après le témoignage de certaines lettres, nous savons que son intention était de faire publier le livre en même temps que Chemin : « hier, il [saint Josémaria] m'a dit qu'il allait donner à la reproduction des parties d’intérêt pour le deuxième livre, Dévotionnaire liturgique, et selon son commentaire, il sortira en même temps que le premier » (Lettre de Francisco Botella à Pedro Casciaro, Burgos, 24-I-1939 : Camino Edicion Critico Historica, p. 64).

Le projet de dévotionnaire était pratiquement achevé lorsque, à la fin de l'année 1940, il fut abandonné face aux besoins plus pressants du moment. Néanmoins, vers 1943, il reprit le matériel, comme nous l'apprennent certains témoins : « en avril 1944, [saint Josémaria] nous parla d'une autre publication possible, qui pourrait s'intituler Dévotions Liturgiques, un petit livre qui rassemblerait des psaumes du Bréviaire pour aider à prier sur les textes liturgiques ; il laissa entendre qu'il pourrait être prêt pour l'année suivante » (Ponz Piedrafita, 2000, p. 108).

Finalement, le livre n'a jamais été publié, bien que les Archives Générales de la Prélature (AGP) à Rome contiennent un dossier avec les matériaux rassemblés où l’on peut voir que ce travail a été interrompu à un stade très avancé. Ce dossier contient une introduction manuscrite de l'auteur, très complète et pratiquement achevée, et des matériaux qui montrent comment il était prévu de proposer, en bilingue, l'Ordinaire de la Messe, une sélection de prières du Missel, le schéma des Laudes et des Vêpres, et un ensemble de psaumes, de dévotions eucharistiques et d'hymnes. Dans son édition critique de Chemin, Pedro Rodríguez signale, comme raison possible de sa non-publication, l'intérêt de saint Josémaria à bien faire comprendre que l'Opus Dei n'a pas sa propre liturgie, mais simplement celle de l'Église (cf. Camino Edicion Critico Historica § 5. 2).


Thèmes connexes : Eucharistie ; Liturgie : Vue d'ensemble ; Liturgie et vie spirituelle ; Sacrements : Vue d'ensemble.

Bibliographie :Francisco Ponz Piedrafita Mi encuentro con el Fundador del Opus Dei. Madrid 1939-1944, Pamplona, EUNSA, 2000 ; Álvaro del Portillo Entretien sur le Fondateur de l’Opus Dei, Paris, Éditions Le Laurier, 1993.

José Luis Gutíerrez