JOIE (LA)

1. La joie, vertu chrétienne. 2. Elle est fondée sur la filiation divine. 3. C’est un facteur important pour la vie en commun. 4. La joie, trait caractéristique de l’esprit de l’Opus Dei. 5. La tristesse, ennemie de la joie.

1. La joie, vertu chrétienne.
2. Elle est fondée sur la filiation divine.

3. C’est un facteur important pour la vie en commun.

4. La joie, trait caractéristique de l’esprit de l’Opus Dei.

5. La tristesse, ennemie de la joie.

    Selon le Dictionnaire de l'Académie royale espagnole, la joie est « une émotion vive et agréable, que ce soit pour un motif heureux ou plein d'espoir, ou que ce soit parfois sans cause spécifique, qui, généralement, se manifeste par des signes extérieurs ». Psychologiquement, on la considère comme une passion, un sentiment, dans lequel ce qui pénètre notre intimité (que ce soit une chose, une personne, un événement) est perçu comme un cadeau qui nous apparaît avec clarté et luminosité (cf. Lersch, 1974, p. 203). D'un point de vue spirituel, la joie est un fruit de l'Esprit Saint (cf. Ga 5, 22) et en ce sens, Saint Thomas d'Aquin dira, que « c'est une vertu indissociable de la charité, mais comme un de ses actes ou effets »(S.Th., II-II, q. 28, a. 4).

    On distingue généralement deux types de joie. Une externe, liée au tempérament, à la santé et au bon déroulement des choses, et une plus profonde, spirituelle, davantage liée à la personnalité, et qui croît au rythme de la maturation de toute vie spirituelle. C'est ainsi que saint Josémaria l'a aussi compris : « Ta joie ne doit pas être une joie que nous pourrions dire physiologique, d’animal bien portant, mais une joie surnaturelle qui procède de l’abandon de tout et de toi-même dans les bras aimants de Dieu, notre Père » (Chemin 659).

    Dans cette perspective, on voit clairement que la joie est un concept fondamental dans la spiritualité et en particulier dans le message de l'Opus Dei. Il fait partie du profil du chrétien que dessine saint Josémaria : « Je voudrais que tu sois toujours content parce que la joie est partie intégrante de ton chemin » (Chemin 665). Son enseignement sur cette vertu est très large, comme le prouve, disons-le à titre d'exemple, l'existence dans Sillon (comme aussi dans une autre de ses œuvres) d'un chapitre avec quarante-quatre points consacrés au sujet.

    1. La joie, vertu chrétienne

    La joie est une vertu qui a un relief particulier chez le chrétien. Même si, plus qu'une vertu, elle est une conséquence du fait de vivre les autres vertus : la joie perfectionne l'acte vertueux, car on accorde plus d'attention et de zèle aux actes qui sont accomplis avec joie, comme l'affirme saint Thomas d'Aquin (cf. Commentaire sur l’Ethique à Nicomaque, Livre 1, Leçon 13).

    L'annonce de la naissance du Fils de Dieu aux bergers s'est faite avec ces paroles de joie : « Je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple… » (Lc 2, 10). L'Évangile - qui signifie bonne nouvelle - nous enseigne comment le vrai bonheur, qui dure au-delà des contradictions, de la douleur et de la mort, est celui de ceux qui ont rencontré Dieu et ont su le suivre dans un don généreux d’eux-mêmes : c'est la joie du vieux Siméon quand il tient l'enfant Jésus dans ses bras (cf. Lc 2, 29-30), c'est l'immense joie des Mages quand ils ont retrouvé l'étoile qu'ils avaient perdue sur le chemin de Bethléem (cf. Mt 2, 10), ou la joie forte des Apôtres lors de leur rencontre avec le Christ ressuscité (cf. Jn 20, 20), etc.

    La joie n'est pas dans les plaisirs externes : « La société technologique a réussi à multiplier les occasions de plaisir, mais a beaucoup de mal à engendrer la joie. Parce que la joie a une autre origine : elle est spirituelle. L'argent, le confort, l'hygiène, la sécurité matérielle sont souvent présents ; cependant, l'ennui, le chagrin, la tristesse font malheureusement partie de la vie de beaucoup » (Paul VI, Gaudete in Domino, 1).

    Le Christ promet aux Apôtres de leur faire partager sa joie : « Je vous donnerai une joie que personne ne pourra vous enlever » (Jn 16, 22). Cette joie, cependant, n'est qu'un début, un aperçu de cette autre à laquelle nous avons été appelés par Dieu comme couronnement de la vie terrestre. Comme l'enseigne saint Thomas, « la joie de cette vie ne peut être pleine. Elle ne le sera que dans la Patrie lorsque nous posséderons de manière achevée le bien parfait : ‘entre dans la joie de ton Seigneur’ (Mt 25, 21) » (Super Ev. S. Ioann. Lect. 15, 1, 2) . C'est aussi l'enseignement de saint Josémaria : « Même si elle a un motif surnaturel, la joie des pauvres humains laisse toujours un arrière-goût d’amertume. — Que croyais-tu ? — Ici-bas, la douleur est le sel de notre vie » (Chemin 203).

    La joie n'est donc pas due au fait que tout aille bien, mais au fait qu'elle soit fondée sur la confiance en Dieu, qui nous aide à surmonter les difficultés. « La joie est un bien qui appartient au chrétien. Elle ne disparaît que devant l'offense à Dieu : car le péché vient de l'égoïsme, et l'égoïsme engendre la tristesse et, même alors, cette joie demeure enfouie sous les braises de l'âme, car nous savons que Dieu et sa Mère n'oublient jamais les hommes. Si nous nous repentons, si jaillit de notre cœur un acte de douleur, si nous nous purifions par le saint sacrement de la Pénitence, Dieu s'avance à notre rencontre et nous pardonne. Alors, il n'y a plus de tristesse » (Quand le Christ Passe 178).

    2. Elle est fondée sur la filiation divine.

    La joie est le fruit du Saint-Esprit qui conduit à un approfondissement de la filiation divine. Pour cette raison, les personnes les plus heureuses, également dans cette vie, ont été et sont les saints, c'est-à-dire les chrétiens qui ont vécu pleinement leur foi. La reconnaissance de notre dépendance filiale à Dieu est « une source de sagesse et de liberté, de joie et de confiance » (CEC, n. 301). Plus on avance sur le chemin vers Dieu, plus la joie sera grande et tangible.

    Saint Josémaria a toujours enseigné que la joie naît de la filiation divine et se nourrit de l'accomplissement de la Volonté de Dieu : « joie pour les cœurs qui cherchent Dieu ! » (1 Chroniques 16, 10 ; cf. C 666). La joie est la conséquence de la filiation divine, de savoir que nous sommes aimés de Dieu notre Père qui nous accueille, nous aide et nous pardonne (cf. Forge 332). Cet ancrage sûr dans la filiation divine le poussait à dire : « Pourquoi les enfants de Dieu seraient-ils donc tristes ? La tristesse est la scorie de l’égoïsme ; si nous voulons vivre pour le Seigneur, la joie ne nous manquera pas, tout en découvrant nos erreurs et nos misères. La joie envahit notre vie de prière, jusqu’à ce que nous n’ayons pas d’autre solution que de nous mettre à chanter » (Amis de Dieu 92). Ou, en d'autres termes : « Si nous nous voyons comme ce que nous sommes, des enfants bien-aimés de notre Père des Cieux, comment ne serions-nous pas toujours joyeux ? — Médite cela » (Forge 266).

    La joie appartient à l'essence de la sainteté. Nous sommes heureux parce que « nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru » (1 Jn 4, 16). « La tristesse [est] pour ceux qui ne se considèrent pas comme des enfants de Dieu » (Sillon 54). Ainsi, saint Josémaria associait la joie à la sainteté. Par conséquent, ce n'est pas un obstacle à la vraie joie que les circonstances dans lesquelles se déroule l'existence d'une personne soient difficiles ou douloureuses. La joie est compatible avec l'existence des difficultés, de la douleur et de la mort : « C'est la différence entre nous et ceux qui ne connaissent pas Dieu : pour eux, dans l'adversité, ils se plaignent et murmurent ; pour nous les circonstances adverses ne nous séparent pas de la vertu ni de la vraie foi. Au contraire, elles se renforcent dans la douleur » (Saint Cyprien De mortalitate, 13). Il en est ainsi parce que la sainteté consiste à s'identifier au Christ et que nous trouvons le Christ sur la Croix. Pour cette raison, saint Josémaria préchait « une joie dont les racines sont en forme de Croix » (Forge 28). La conséquence est que « personne n'est heureux sur terre tant qu'il ne se décide pas à ne pas l'être. Ainsi va le chemin : douleur, en langage chrétien veut dire Croix ; Volonté de Dieu, Amour, le bonheur pour ici-bas et, ensuite, pour l'éternité » (Sillon 52).

    3. C'est un facteur important pour la vie en commun

    La joie est le fruit d'un cœur bon, car comme l'écrit Hermas : « Tout homme heureux fait le bien. Par contre, l'homme triste se comporte mal en tout temps » (Le pasteur d'Hermas, « Préceptes », 10, 3 : in RUIZ BUENO, 1974, p. 994). Par conséquent, la joie se manifeste comme un effet de la charité.

    Pour cette raison, la vocation chrétienne, fondée sur la filiation divine, fait des hommes des « semeurs de paix et de joie ». C'était une expression très chère à saint Josémaria, par laquelle il voulait exprimer que lorsque la sainteté est sincèrement recherchée, la paix du cœur est aussi atteinte et, avec la paix, la joie, qui finit par déborder chez les autres : « Si nous vivons de la sorte, nous réaliserons une œuvre de paix dans le monde ; nous saurons rendre aimable aux autres le service du Seigneur, parce que Dieu aime celui qui donne avec joie (cf 2 Co, 9,7). Le chrétien est un homme parmi d’autres dans la société ; mais de son cœur s’écoulera la joie propre à celui qui se propose d’accomplir la Volonté du Père avec l’aide constante de la grâce » (Amis de Dieu 93).

    Le chrétien proclame son témoignage avec joie et bonne humeur, profitant des occasions offertes par son activité normale au milieu du monde pour porter le message du Christ à ses proches, de manière amicale et attrayante, selon le Conseil de l'apôtre : « Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut » (Col 4,6). Saint Josémaria l'exprimait en d'autres termes : « Se donner sincèrement aux autres est d’une telle efficacité que Dieu accorde en retour une humilité pleine de joie » (Forge 91).

    Lorsque la joie fait défaut, les bonnes relations au sein de la famille ou des groupes sociaux sont entravées. L'expérience enseigne que toute joie vécue en marge de Dieu ou contre Dieu « ne satisfait pas, mais introduit plutôt l'homme de plus en plus dans le tourbillon dans lequel, à la fin, il ne peut plus être vraiment heureux » (RATZINGER, 1991, p . 481).

    4. La joie, caractéristique de l’esprit de l’Opus Dei

    « J'avais vingt-six ans, de la bonne humeur et la grâce de Dieu m'accompagnait » (Entretiens 32). C'est ainsi que s'exprimait saint Josémaria en se remémorant l'immense horizon ouvert sous ses yeux le 2 octobre 1928. À un autre moment, il affirmait : « Par tempérament, j'ai généralement su avoir un sourire sur mes lèvres et dans le regard »(Camino, edicion critico historica, p. 792). Et peu de temps avant de mourir, il avouait, dans une conversation informelle : « Être saint, c'est être heureux, ici sur terre également. Et peut-être me demanderez-vous : Père, et vous, avez-vous toujours été heureux ? Moi, sans mentir, je me suis souvenu il y a quelques jours (...) que je n'ai jamais eu une joie totale ; toujours, quand vient une joie, une de celles qui satisfait le cœur, le Seigneur me fait ressentir l'amertume d'être sur terre, comme une étincelle d'Amour... Et pourtant, je ne me suis jamais senti malheureux, je ne me souviens pas d'avoir jamais été malheureux. Je me rends compte que je suis un grand pécheur, un pécheur qui aime Jésus-Christ de toute son âme. Mais donc malheureux, jamais ; jamais une joie complète non plus. »" (cité dans BERNAL, 1976 p. 158).

    Un fait constant, que ceux qui l'ont connu soulignent, était sa joie et sa sympathie écrasantes : « Je me souviens de lui - souligne une Sœur de la Charité - toujours joyeux. Si je devais mettre en évidence une de ses qualités, je pense que je m'en tiendrais là : la jovialité, la joie qui émanait de sa personne (...) Il nous rendait la vie heureuse avec sa façon d'être. Nous l'attendions avec impatience, en cette période d'insécurité, où une proche persécution s’annonçait très probable (...). Je ne l'ai jamais vu rattrapé par un esprit de défaitisme... » (cité dans SASTRE, 1989, p. 129). Et c'était son enseignement constant : « Soyez toujours joyeux. Aussi au moment de la mort. Joie de vivre et joie de mourir. Avec la grâce de Dieu, nous n'avons pas peur de la vie, et nous n'avons pas peur de la mort (…). Notre joie (…) a un fondement surnaturel, qui est plus fort que la maladie et la contradiction. Ce n'est pas une joie de grelots ou de bal populaire. C'est quelque chose de plus intime. Quelque chose qui nous rend sereins, contents - heureux pour de vrai - même si, en même temps, le visage est sévère et sérieux » (Instruction Mai 1935/14-IX-1950, n. 69 : AGP, série A. 3, 90 -1-1).

    Saint Josémaria a toujours prêché la sainteté avec bonne humeur. Une bonne humeur qui n'est pas une question de tempérament, mais de vie intérieure. Les vertus chrétiennes sont des vertus joyeuses. C'est pourquoi il prévenait : « Il vient de loin, ce zèle diabolique des ennemis du Christ, qui ne se lassent pas de murmurer que les personnes qui se sont données à Dieu sont du côté des tristes mines. Et, malheureusement, parmi ceux qui se veulent "bons", certains leur font écho, avec leurs "vertus tristes". — Nous te rendons grâces, Seigneur, parce que tu as voulu compter sur nos vies, joyeuses, heureusement, pour effacer cette fausse caricature(…) » (Sillon 58). A propos des saints « masqués » sainte Thérèse demandait à Dieu : « Des dévotions insensées et des saints aux visages insipides, délivre-nous Seigneur ».

    5. La tristesse, ennemi de la joie

    On appelle le manque de joie, tristesse : c’est une sensation désagréable, une douleur ou une affliction, causée par un mal présent et non voulu. Il est caractéristique de la tristesse de se sentir abattu par le mal présent, ce qui dénote un manque de foi et d'espoir.

    Selon leur cause, il y a trois types de tristesse. Il y a une « bonne » tristesse, celle qui est causée, par exemple, par le péché,- le sien ou celui de quelqu'un d'autre -. Jésus-Christ lui-même en a souffert au jardin de Gethsémani : « Mon âme est triste à en mourir » (Mt 26, 38). Ensuite il y a une tristesse que l'on pourrait aussi qualifier de « physiologique », qui peut être la conséquence d'une maladie ou d'un épuisement. Et finalement il existe une « mauvaise » tristesse, causée par le manque de correspondance à la grâce de Dieu, une profonde tristesse qui trouve son origine dans la « maladie » de l'âme. Saint Thomas dira que son origine en est presque toujours l'orgueil : « La mauvaise tristesse vient d'un amour-propre désordonné, qui n'est pas un péché spécial, mais la racine générale de tous les péchés » (S.Th., II-II, q. 28 , a. 4). En tout cas, la tristesse est un ennemi qui rend la vie impossible (cf. Camino, Edicion Critico Historica, p. 795). Saint Josémaria met en garde contre cette tristesse : « Ta joie s’en est allée ? — Dis-toi : il y a un obstacle entre Dieu et moi. — Presque toujours tu toucheras juste » (Chemin 662).

    Celui qui se sait enfant de Dieu ne doit pas se laisser submerger par la tristesse, quelle qu'en soit la cause, même si le motif réside dans ses propres péchés personnels : « Ne t’attriste pas, lorsque tes misères t’affligeront. — Glorifie-toi dans tes faiblesses, comme saint Paul » (Chemin 879). « Pourquoi les enfants de Dieu seraient-ils donc tristes ? La tristesse est la scorie de l’égoïsme ; si nous voulons vivre pour le Seigneur, la joie ne nous manquera pas, tout en découvrant nos erreurs et nos misères » (Amis de Dieu 92).

    Thèmes connexes : Filiation divine ; Paix.

    Bibliographie : CECH, pp. 789-795 ; PABLO VI, Exhort. Ap. Gaudete in Domino, 1975 ; Salvador BERNAL Mons. Josemaría Escrivá de Balaguer. Apuntes sobre la vida del Fundador del Opus Dei, Madrid, Rialp, 19762 ; Ernesto JULIÁ DÍAZ “Alegría (I. Teología moral)”, en Grande Encyclopédie Rialp, I, pp. 514-516 ; Philip LERSCH La estructura de la personalidad, Barcelona, Sciencia, 1974 ; Joseph RATZINGER Cooperadores de la verdad, Madrid, Rialp, 1991 ; Daniel RUIZ BUENO Padres Apostólicos, Madrid, BAC, 1974 ; Ana SASTRE Tiempo de caminar. Semblanza de Monseñor Josemaría Escrivá de Balaguer, Madrid, Rialp, 1989 ; José Luis SORIA Maestro de buen humor. El Beato Josemaría Escrivá de Balaguer, Madrid, Rialp, 1993 ; Pilar URBANO El hombre de Villa Tevere. Los años romanos de Josemaría Escrivá, Barcelona, Plaza & Janès, 1995.

    Miguel Ángel MONGE SÁNCHEZ