1. Nature et importance de l'humilité.
2. Les chemins de l'humilité
3. Manifestations de l'humilité
4. La Très Sainte Vierge, maîtresse d'humilité.
Saint Josémaria consacre à l'humilité plusieurs homélies dans Amis de Dieu, Quand le Christ passe, dans certains chapitres de Chemin et de Sillon, et à de nombreuses autres reprises. On peut vraiment dire que la référence à cette vertu est constante dans tous ses écrits et dans toutes ses prédications.
Sa conception de l'humilité est imprégnée de toute une tradition méditée en permanence et intimement unie à sa vie. En plus de la Sainte Écriture et des autres sources d’inspiration présentes chez lui (la patristique, les grands docteurs de l’Église...), de nombreuses formulations et expressions linguistiques qu’il utilise à propos de l’humilité sont clairement inscrites dans le courant mystique et littéraire du Siècle d’Or espagnol, en particulier chez des auteurs tels que sainte Thérèse d’Avila et Cervantès. Les références, souvent implicites (par exemple : S 259, 289) sont très nombreuses.
Toute cette tradition, confirmée par la force de sa riche expérience personnelle et pastorale, se montre à la fois exempte de systématisation et enrichie par la vision particulière du charisme qu’il avait reçu. La radicalité de nombre de ses expressions sur notre petitesse (C 207, 592, 597), patrimoine commun de la spiritualité chrétienne, est toujours accompagnée de l'affirmation, non moins radicale, de la grandeur de notre condition d'enfant de Dieu (C 274 ; AD 143-144). Ainsi enraciné, le « style » d'humilité proposé par saint Josémaria au chrétien qui cherche la sainteté au milieu du monde à travers son travail ordinaire déborde d'équilibre, de naturel, de joie inébranlable et de bonne humeur.
1. Nature et importance de l'humilité
Dans les enseignements de saint Josémaria, l'humilité est décrite en premier lieu comme la vertu qui permet de fonder et d'orienter correctement toute la vie de l'homme. « Le sentier de l'humilité mène partout..., et essentiellement au Ciel » (S 282). En nous procurant la vérité essentielle sur nous-mêmes, l'humilité nous permet, comme une boussole, d'adapter notre comportement, tout au long de la vie, à cette vérité. L'homme, la seule créature terrestre capable de se connaître, est également la seule capable d'assumer et d'orienter librement sa vie, d'accepter ou de rejeter son identité.
Comme toutes les vertus, l'humilité suppose un savoir, un pouvoir : une connaissance de notre identité humaine et personnelle qui naît « de la connaissance de Dieu et de la connaissance de soi » (F 184) ; et une puissance, force active, fruit de la grâce de Dieu et de notre libre arbitre, qui nous permet de vivre, à tout moment, conformément à notre identité et à notre dessein.
Mais qui sommes-nous et pour quoi vivons-nous ? L'humilité « est la vertu qui nous aide à connaître à la fois notre misère et notre grandeur » (AD 94). Cette connaissance n'est possible qu'en nous regardant en Dieu comme dans un miroir, pénétrant par la foi dans le mystère de notre création et de notre rédemption.
Nous découvrons alors clairement que nous sommes simplement des créatures et, qui plus est, des pécheurs : « Quelle grande chose que de savoir que l'on n'est rien devant Dieu, puisqu'il en est ainsi ! » (S 260). « Notre misère n’est que trop évidente. Je ne parle pas des limitations naturelles : tant de grandes aspirations auxquelles rêvent les hommes et qu’ils ne réaliseront pourtant jamais, ne serait-ce que par manque de temps. Je pense à ce que nous faisons de mal, à nos chutes, à nos erreurs, que nous pourrions éviter et que nous n’évitons pas. Nous faisons continuellement l’expérience de notre manque d’efficacité personnelle. Mais il semble parfois que tout cela vienne ensemble, et se montre avec davantage de force, afin que nous nous rendions compte du peu de chose que nous sommes » (AD 94).
Cependant, cette constatation de notre petitesse n’est qu'une partie de notre identité, car, par pur don de Dieu, nous sommes appelés à une immense grandeur. « L’humilité, c’est nous regarder tels que nous sommes, sans rien nous cacher, avec vérité. Et, comprenant que nous ne valons presque rien, nous nous ouvrons à la grandeur de Dieu : c’est là notre propre grandeur » (AD 96) ; une grandeur qui consiste, rien de moins, à participer à la nature divine. « Même dans les moments où nous ressentons plus profondément nos limites, nous pouvons et nous devons tourner nos regards vers Dieu le Père, vers Dieu le Fils et vers Dieu le Saint-Esprit, en nous rappelant que nous participons à la vie divine » (QCP 160). Dieu veut nous « diviniser », nous rappelle saint Josémaria, faisant écho à une terminologie déjà présente à l'aube de la littérature chrétienne.
a) Humilité et « divinisation »
Mais de quelle divinisation s'agit-il ? Il est crucial de distinguer « labonne divinisation de la mauvaisedivinisation » (AD 94). Là réside la clé principale de l'humilité selon saint Josémaria. La mauvaise divinisation n’est rien d’autre que l’orgueil de vouloir s’identifier à Dieu le Créateur, l’origine de tout ce qui existe, en prétendant le supplanter (AD 100 ; QCP 165). La bonne divinisation, en revanche, en nous identifiant à Dieu le Fils, par le Saint-Esprit, nous conduit à l'humilité, sachant que nous sommes enfants d'un Père qui nous aime à la folie.
L’orgueil est « le péché capital qui conduit à la mauvaise divinisation. L’orgueil nous pousse à suivre, peut-être sur des points très insignifiants, ce que Satan a insinué à nos premiers parents : Vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. Nous lisons également dans l’Écriture que le principe de l’orgueil, c’est d’abandonner le Seigneur. Parce que ce vice, une fois enraciné, influe sur toute l’existence de l’homme, jusqu’à se transformer en ce que saint Jean appelle la superbia vitæ, l’orgueil de la vie » (AD 99).
Face à cet orgueil résultant d'une mauvaise divinisation, saint Josémaria insiste pour nous présenter l'humilité comme le fruit d'une bonne divinisation : « Dieu résiste aux orgueilleux, mais c’est aux humbles qu’il donne sa grâce (1P 5.5), nous enseigne l’apôtre saint Pierre. À toute époque, dans toute situation humaine, il n’existe qu’un seul chemin pour vivre une vie divine, celui de l’humilité. Serait-ce que le Seigneur prend plaisir à notre humiliation ? Non. Que pourrait gagner à notre humiliation Celui qui a créé toutes choses, qui maintient et gouverne tout ce qui existe ? Dieu désire seulement notre humilité, que nous nous vidions de nous-mêmes, pour pouvoir nous remplir ; il veut que nous ne lui opposions pas d’obstacle, afin que, pour parler de façon humaine, sa grâce trouve davantage de place en notre pauvre cœur. Parce que le Dieu qui nous incite à être humbles est celui qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre tout l’Univers (Ph 3, 21). Notre Seigneur nous fait siens, nous divinise d’une bonne divinisation » (AD 98).
b) Humilité et filiation divine
Chez saint Josémaria, la considération et la profonde expérience vitale de la filiation divine imprègne toute sa prédication, de telle sorte que l'humilité n'est pas simplement l'humilité d'une créature par rapport à son Créateur ou celle d'un croyant par rapport à Dieu, mais celle d’un enfant bien-aimé, limité, pauvre, pécheur et appelé à participer à l'intimité divine, en s'identifiant à Jésus-Christ, le Fils par nature du Père. « Lorsque l’on travaille pour Dieu, il faut avoir un “complexe de supériorité”, t’ai-je dit. Et tu m’as demandé : mais n’est-ce pas là une manifestation d’orgueil ? — Eh bien non ! C’est une conséquence de l’humilité, d’une humilité qui me fait dire : Seigneur, tu es qui tu es. Moi, j’en suis la négation. Toi, tu as toutes les perfections : le pouvoir, la force, l’amour, la gloire, la sagesse, l’empire sur toutes choses, la dignité... Mais moi, si je m’unis à toi, comme un enfant qui se blottit dans les bras vigoureux de son père ou dans le giron si merveilleux de sa mère, je ressentirai la chaleur de ta divinité, je ressentirai les lumières de ta sagesse, je sentirai ta force circuler dans mes veines » (F 342).
Apprendre à être humble, c'est en bref « apprendre à être enfant de Dieu » (AD 148). En effet, « La conscience de la grandeur de la dignité humaine — éminente et ineffable lorsque la grâce fait de nous des enfants de Dieu —, unie à l'humilité, forme un tout dans le chrétien, car ce ne sont pas nos forces qui nous sauvent ou qui nous donnent la vie, mais la faveur divine. Il ne faut jamais oublier cette vérité, faute de quoi notre divinisation se corromprait pour ne plus être que présomption, orgueil ; tôt ou tard, devant l'expérience de notre misère et notre faiblesse personnelle, elle finirait par s'effondrer » (QCP 133). La mesure de l'humilité nous est donnée par ce sentiment de dépendance totale envers Dieu de celui qui n'est rien, n'a rien, ne peut rien à lui tout seul, mais a Dieu pour Père.
c) L'humilité, fondement de toutes les vertus
L'humilité est « le fondement surnaturel de toutes les vertus » (S 289), non pas à cause de la dignité de son objet, qui correspond aux vertus théologales, mais à cause de son extension morale : elle ouvre la voie à l'action divine, supprime les obstacles qui s'opposent à la construction de l’édifice spirituel. Sans humilité, il est impossible d'aimer Dieu et les autres. L’humilité assure la droiture d’intention qui « consiste à rechercher “seulement et en tout” la gloire de Dieu » (F 921).
Saint Josémaria nous rappelle que toute vertu authentique est une manifestation d’humilité : « "La prière" est l'humilité de l'homme qui reconnaît en même temps sa profonde misère et la grandeur de Dieu, à qui il s'adresse et qu'il adore, de sorte qu'il attend tout de Lui et rien de lui-même. "La foi" est l'humilité de la raison, qui renonce à son propre critère et qui se prosterne devant les jugements et l'autorité de l'Église. "L'obéissance" est l'humilité de la volonté, qui s'assujettit à la volonté d'autrui, pour Dieu. "La chasteté" est l'humilité de la chair, qui se soumet à l'esprit. "La mortification" extérieure est l'humilité des sens. "La pénitence" est l'humilité de toutes les passions, immolées au Seigneur. — L'humilité, c'est la vérité sur le chemin de la lutte ascétique » (S 259).
Cependant, sans dépouiller l'humilité de la position fondamentale que la théologie morale lui a traditionnellement accordée (ADNES, 1960, cols. 1136-1187), saint Josémaria répète avec insistance que le fondement de toute vie spirituelle pour l'Opus Dei, comme Dieu le lui a fait voir, est le sens de la filiation divine (IJC, p. 476-477 ; AVP, I, p. 389-392). En réalité, il n'y a pas de contradiction. L'humilité chrétienne a ses racines dans la filiation divine, où elle trouve son explication ultime et sa sève, puisque Jésus-Christ, à qui nous devons nous identifier, s'est humilié, s’est anéanti et a obéi jusqu'à la mort, par amour du Père. (Ph 2,8).
2. Les chemins de l'humilité
La connaissance de notre identité en tant qu'être humain ne suffit pas pour être humble. Il est également nécessaire de connaître notre moi individuel avec nos circonstances, nos talents, nos défauts et nos limitations personnelles. Il y a d'innombrables textes dans lesquels saint Josémaria nous rappelle que nos propres actions, les épreuves, les chutes, le jugement d'autrui, l'examen de conscience, les tentations... nous permettent de mieux nous connaître et nous conduisent donc à l'humilité.
Mais tout ceci, dans lequel l’intelligence joue un rôle fondamental, n’est que le premier pas. L'humilité requiert également l'acceptation par notre volonté de notre identité, c'est-à-dire du plan de Dieu pour chacun de nous ; et la lutte constante pour nous y adapter. Comment savoir franchir ces étapes ? Comment acquérir l’humilité ?
a) la prière
Tout d’abord, en ayant recours à la prière, au dialogue avec Dieu : l’humilité n’est pas le fruit de la réflexion et de l’introspection, et encore moins d’une simple décision de notre volonté. Sans la grâce de Dieu, nous ne pouvons pas nous connaître ni pratiquer l'humilité. Par conséquent, tout d’abord, comme c’est le cas pour toutes les vertus, nous devons la demander à Dieu : « Mon bon Jésus, puisque je dois être apôtre, il est nécessaire que tu me rendes très humble. Le soleil enveloppe de lumière tout ce qu'il touche : Seigneur, remplis-moi de ta clarté, divinise-moi ; que je m'identifie à ton adorable Volonté, pour me transformer en l'instrument que tu désires... Donne-moi ta folie d’humiliation : celle qui t'a conduit à naître dans la pauvreté, à faire un travail sans éclat, à mourir dans l'infamie, cloué sur un morceau de bois, à t'anéantir dans le Tabernacle » (S 273).
C’est seulement en contemplant constamment la vie de Jésus (AD 97, 236) et en méditant ses enseignements que nous apprendrons à nous comporter avec humilité : une humilité que Dieu, comme un don surnaturel, insuffle dans l’âme, par cette voie de la prière, avec lumière et force insoupçonnées auparavant (AD 20).
b) La lutte contre l'orgueil
« Nous essayons toujours d'être des rois, même si ce n’est que du royaume de notre misère » (QCP 17). Par conséquent, pour que Dieu règne dans nos vies, l'humilité doit mettre le moi à sa place : par rapport à Dieu, aux autres, à la création tout entière. Cela évite les défauts d'appréciation de nos propres capacités, les évasions, les décentrements, les tensions, les comparaisons, en luttant pour être là où il nous revient d’être (C 832) et pour être pleinement ce que Dieu veut que nous soyons (E 116). « Seigneur, supprime de ma vie l’orgueil ; brise mon amour-propre, cette volonté de m'affirmer moi-même et de m'imposer aux autres. Fais que le fond de ma personnalité soit de m'identifier à Toi » (QCP 31).
Pour que le "moi" profond et définitif triomphe, c'est-à-dire pour laisser le Christ vivre en nous, il est nécessaire de tenir à distance cet autre "moi" du vieil homme qui cherche sa vaine gloire (C 780), l'enfermant dans lui-même : « L’orgueil paralyse la charité. — Demande chaque jour au Seigneur, pour toi et pour tous, la vertu d’humilité, car l’orgueil s’accroît, avec les années, s’il n’est pas corrigé à temps » (F 596). Il faut donc vouloir être humble. Mais de l’humilité, personne ne sait rien jusqu’au moment de l’exercer. « Tu me disais : "il faut décapiter le 'moi’… !" — Mais, comme il en coûte, n'est-ce pas ? » (S 279). « Comme il en coûte de vivre l’humilité ! La sagesse populaire chrétienne nous apprend que “l’orgueil nous survit vingt-quatre heures encore” » (F 599).
L’orgueil ne pénètre pas seulement dans l'intelligence et la volonté, mais aussi dans l'imagination, dans la mémoire, dans tous les sens, exaltant son propre jugement, son propre pouvoir, la recherche du plaisir... Il se manifeste de mille manières car ses déguisements sont variés, infinis. Saint Josémaria, suivant la sagesse morale chrétienne, cherche à les démasquer : « L’orgueil est le pire des péchés et le plus ridicule. S’il parvient à nous tourmenter avec ses hallucinations multiples, nous nous revêtons d’apparences, nous nous remplissons de vide (…). L’orgueil est désagréable, même d’un simple point de vue humain : celui qui se considère supérieur à tout et à tous, se contemple continuellement lui-même et méprise les autres, qui lui répondent en se moquant de sa vaine fatuité » (AD 100).
Et pour aider à aiguiser la lutte contre l'orgueil, saint Josémaria en signale de manière concrète et réaliste de multiples manifestations : « - penser que ce que tu fais ou dis vaut plus que ce que disent ou font les autres ; vouloir toujours avoir gain de cause ; discuter sans raison ou, quand tu as raison, insister avec entêtement et de manière désagréable ; donner ton avis sans qu'on te le demande et sans que la charité l'exige ; mépriser le point de vue des autres ; ne pas considérer que tes dons et qualités te sont prêtés » (S 263) ; ne pas se laisser aider ni corriger (S 707) et tant d'autres exemples.
Si elles ne rectifient pas, « beaucoup d'âmes qui pourraient goûter une joie immense, deviennent, par orgueil et présomption, malheureuses et stériles » (QCP 18).
c) sincérité
Quelle est donc importante la vertu de sincérité sur laquelle saint Josémaria insiste tant, à l’unisson de la tradition spirituelle chrétienne ! Elle joue en effet un rôle fondamental sur le chemin de l’humilité car c’est la porte ouverte à la grâce divine : sincérité envers Dieu dans la prière et envers ceux vers qui nous nous tournons pour recevoir des conseils dans notre lutte intérieure et dans la confession, en reconnaissant nos limites et nos péchés.
« J'insiste parce que c’est capital » : toutes les misères se surmontent « grâce à l’humilité, à la sincérité dans la direction spirituelle et au sacrement de Pénitence. Allez vers ceux qui orientent votre âme, avec le cœur grand ouvert ; ne le fermez pas, car si le démon muet s’y installe, vous l’en chasserez difficilement. Excusez mon rabâchage, mais je crois indispensable de graver en lettres de feu dans votre esprit l’idée selon laquelle l’humilité, et sa conséquence immédiate, la sincérité, relient les autres moyens et s’avèrent être le fondement de l’efficacité » (AD 188)
d) l’enfance spirituelle
Pour avancer plus légèrement sur le chemin de l'humilité, saint Josémaria nous invite à découvrir le raccourci de l'enfance spirituelle : « Soyez vraiment comme des enfants ! Plus vous le serez, mieux ce sera (...). Les grandes chutes, celles qui ravagent profondément l’âme, et qui sont parfois presque irréparables, sont toujours provoquées par l’orgueil, qui porte à se croire adulte, autosuffisant. Dans ces cas-là l’individu est comme incapable de demander de l’aide à qui pourrait la lui fournir, non seulement à Dieu, mais à l’ami, au prêtre. (...). Aiguisez votre faim, votre aspiration à devenir des enfants. Croyez bien que c’est le meilleur moyen de vaincre l’orgueil » (AD 147).
Et comme il avait fait sienne cette attitude, sans pour autant rendre obligatoire le chemin de l'enfance spirituelle pour les fidèles de l'Opus Dei (CECH, page 916), il pouvait s'exclamer peu de temps avant sa mort, à la veille de son jubilé sacerdotal : « Au tournant de ces cinquante ans, je suis comme un enfant qui balbutie. Je commence, je recommence chaque jour. Et ainsi de suite jusqu’à la fin des jours qui me restent ; en recommençant toujours » (AVP, III, page 755).
e) La valeur des humiliations
De la « science de la croix », saint Josémaria comprend la valeur inestimable des humiliations pour le progrès de l'humilité et, par conséquent, de la vie intérieure : « Écoute-moi bien, mon enfant : tu dois te considérer heureux quand on te maltraitera, et qu’on te déshonorera ; quand beaucoup de gens se dresseront contre toi et qu’il sera à la mode de te cracher dessus, car tu es “omnium peripesma”, comme une ordure pour tous... — Cela coûte, cela coûte même beaucoup. C’est dur, jusqu’au moment où, enfin, un homme s’approche du tabernacle, se voit considéré comme s’il était à lui seul toute la saleté du monde, comme un pauvre ver de terre et dit pour de bon : “Seigneur, si tu n’as pas besoin de mon honneur, pourquoi, moi, en voudrais-je ?”Jusqu’à ce moment ce fils de Dieu n’avait pas su ce que c’était que d’être heureux: jusqu’à ce qu’il parvienne à cette nudité, à ce don de soi, qui est don d’amour, mais fondé sur la mortification, sur la douleur » (F 803).
Par conséquent, « notre seul triomphe doit être celui de l'humilité » (QCP 19), ce qui nous conduit également à pardonner, aussi souvent que nécessaire, à l'exemple du Christ (S 805). « Voilà le chemin sûr : aller par l’humiliation à la Croix ; et de la Croix, avec le Christ, à la Gloire immortelle du Père » (F 1020). Et saint Josémaria ne cesse d’insister : « Lorsque tu contemples la scène de l’Incarnation, ravive dans ton âme la résolution d’une “humilité pratique”. Considère qu’il s’est abaissé et qu’il a pris notre pauvre nature. — C’est pourquoi, chaque jour, tu dois réagir —immédiatement—, avec la grâce de Dieu, pour accepter—pour aimer— les humiliations que le Seigneur te réservera » (F 139).
f) La fausse humilité
En même temps, il nous encourage à réagir contre certains clichés et faux concepts d'humilité répandus parmi les chrétiens. Outre l'orgueil qui semble oublier notre misère pour souligner une prétendue grandeur, il existe également une fausse humilité qui, de différentes manières, ne fait que souligner la misère.
En premier lieu, l’humilité purement extérieure, qui se manifeste par des mots et des attitudes : « Tu n’es pas humble lorsque tu t’humilies, mais bien lorsqu’on t’humilie et que tu le supportes pour le Christ » (C 594). « Dans l'expérience et la pratique spirituelle de saint Josémaria, certains actes extérieurs d'humiliation étaient très suspects d’inauthenticité, de fausse humilité. En fait, il veut éviter à la racine tout ce qui semble être une simple extériorité qui choquait avec le naturel de la vie chrétienne dans le monde, qu'il prêchait » (CECH, pp. 718-719). « Il serait lamentable que quelqu'un conclue, en voyant les catholiques se comporter dans la vie sociale, qu'ils agissent en gens pusillanimes, comme inhibés. Il n'y a pas lieu d'oublier que notre Maître était — qu'il est — "perfectus homo", un Homme parfait » (S 421). C’est peut-être pour éviter ce risque, qu’on ne trouvera pas chez saint Josémaria (CECH, p. 719) les quelques conseils insistants de certains auteurs spirituels invitant à l’autodénigrement extérieur dans la façon de se vêtir et de marcher.
Cependant, outre la fausse humilité purement externe, il en existe également d'autres formes plus intérieures, telles que concentrer l'attention sur ses propres défauts, limitations et défaillances, conduisant au découragement, au pessimisme et à la tristesse (S 262). Saint Josémaria répond fermement à cette tentation fréquente et terrible : « Ne t’afflige pas de n’être rien : ainsi Jésus doit tout mettre en toi » (C 596). Et il rappelle que « Être humble, ce n'est pas ressentir l'angoisse ou la crainte » (S 264).
Et il va au-devant, de manière encore plus énergique si c’est possible, d’une deuxième manifestation de fausse humilité qui est fruit de la lâcheté, de la paresse et de l'égoïsme. Voulant se protéger, l'homme renonce à la grandeur à laquelle il est appelé, par peur de l’effort et des possibles échecs que sa recherche entraîne (S 68). « Cette fausse humilité t’est bien commode : tu es si humble, si humble, que tu vas jusqu’à délaisser des droits… qui sont des devoirs » (C 603). Par conséquent, insiste saint Josémaria, « n’accordez pas le moindre crédit à ceux qui présentent la vertu de l’humilité comme de la timidité humaine ou comme une condamnation perpétuelle à la tristesse. Se sentir argile, réparé avec des agrafes, est une source continuelle de joie ; cela veut dire nous reconnaître peu de chose devant Dieu : enfant, fils. Et, quand on se sait pauvre et faible, y a-t-il plus grande joie que celle de se savoir aussi fils de Dieu ? » (AD 108).
3. Manifestations d'humilité
a) Humilité et vie ordinaire
En parlant d'humilité, saint Josémaria pense particulièrement à celle du chrétien ordinaire qui cherche la sainteté au milieu du monde, par le biais de son travail professionnel. Dans la mesure où la sanctification de la vie ordinaire implique la réalisation d'un travail sérieux, et que le travail sérieux est « professionnel », sanctifier la vie ordinaire signifie fondamentalement sanctifier le travail professionnel (qu'il ne faut donc pas confondre avec le simple fait d'avoir un « emploi » dans un certain secteur professionnel). « Pour qu’il règne dans le monde, il faut que des hommes, le regard tourné vers le Ciel, s’auréolent de prestige dans toutes les activités humaines, et à partir d’elles exercent un apostolat de caractère professionnel dans le silence et avec efficacité » (C 347). Travailler ainsi est donc un « serviam !» permanent, c’est-à-dire un acte d’humilité (S 491). Ce qui signifie que le contraire - ne pas bien travailler, faire du mauvais bricolage - est dans l’esprit de saint Josémaria une manifestation de « non serviam ! » (QCP 50-51 ; AD 69-70).
Dans ce contexte, il s’agit de l’invitation à être non seulement un bon professionnel, mais aussi une personne qui jouit de personnalité, de prestige professionnel (C 372), non comme une manifestation de vanité ou de pouvoir, mais pour conduire toute l’humanité à Jésus-Christ, le rendant présent dans toutes les ambiances et dans toutes les professions. « Si toi, en vertu d'une humilité fausse ou mal comprise, tu t'isoles, en t'enfermant dans ton coin, tu manques à ton devoir d'instrument divin » (S 287).
b) Humilité et petites choses
L’effort pour vivre l’humilité dans la vie ordinaire amène à découvrir « la grandeur divine de l’accomplissement fidèle des obligations habituelles de chaque jour, faite des luttes qui remplissent le Seigneur de joie et qu’il est seul à connaître avec chacun de nous » (AD 8). Nous échappons donc, dit saint Josémaria, à « un autre ennemi subtil de notre sanctification qui consiste à penser que nous devons mener cette bataille intérieure contre des obstacles extraordinaires, contre des dragons crachant le feu. C'est une autre manifestation d'orgueil. Nous voulons bien lutter, mais de façon solennelle, accompagnés de la sonnerie des trompettes et du roulement des tambours. (...) Écoutons le Seigneur qui nous dit : celui qui est fidèle dans les petites choses l'est aussi dans les grandes, et celui qui manque à la justice dans les petites choses y manque aussi dans les grandes. C'est comme s'Il nous rappelait ceci : lutte à chaque instant dans ces détails qui peuvent te sembler insignifiants mais qui sont grands à mes yeux ; accomplis ponctuellement ton devoir ; souris à celui qui en a besoin, même si tu souffres ; consacre sans remords le temps nécessaire à la prière ; viens en aide à celui qui te cherche ; pratique la justice, en la dépassant avec la grâce de la charité » (QCP 77).
En accordant tant d’importance à la valeur de ce qui semble petit à un regard purement humain, saint Josémaria nous invite à un réalisme humble, qui évite de plonger notre imagination dans l’exaltation de soi : « Soyez-en convaincus, vous n’aurez habituellement pas à réaliser de prouesses éblouissantes, notamment parce que d’ordinaire l’occasion ne s’en présente pas. En revanche, les occasions ne vous manqueront pas de prouver votre amour de Jésus-Christ dans les petites choses, dans ce qui est normal » (AD 8).
c) Humilité et service : des instruments entre les mains de Dieu
L'homme est un instrument : une cause sans doute, surtout parce qu'il est libre ; mais une cause seconde qui laisse tous ses talents, toute sa vie, à la disposition de Jésus-Christ (AD 21) afin qu'Il puisse être Celui qui agit et brille. D'où l'affection particulière de saint Josémaria pour la figure de l'âne, humble instrument de Jésus lors de son entrée triomphale à Jérusalem (C 606 ; F 381).
« Dieu a coutume de rechercher des instruments faibles, pour qu'apparaisse avec clarté et évidence que l’œuvre est la sienne » (QCP 3 ; F 232). Cela dépend de notre réponse « que le Seigneur puisse se servir de nous et qu’à tous les carrefours du monde où nous nous trouvions, nous-mêmes bien appuyés sur Dieu, nous soyons sel, levain et lumière. Toi en Dieu, pour illuminer, pour donner de la saveur, pour faire lever la pâte et pour servir de ferment. Mais n’oublions pas pour autant que ce n’est pas nous qui créons cette lumière : nous ne faisons que la refléter. Ce n’est pas nous qui sauvons les âmes en les poussant à bien agir : nous ne sommes que des instruments, plus ou moins dignes, des desseins salutaires de Dieu. S’il nous arrivait un jour de penser que le bien que nous faisons est notre œuvre, l’orgueil reviendrait en force, pire encore, le sel perdrait sa saveur, le levain pourrirait et la lumière deviendrait ténèbres » (AD 250).
d) Se cacher et disparaître
Cette attitude se traduisit par une norme de comportement habituelle de saint Josémaria: « me cacher et disparaître est ce qui me revient, pour que seul Jésus brille » (AVP, III, page 746) ; une règle d’une grande importance dans sa spiritualité et qu’il a vivement recommandée tout au long de sa vie : « Je te conseille de ne pas chercher de louange pour toi-même, pas même celle que tu mériterais: il vaut mieux passer inaperçu, et que reste caché ce qu’il y a de plus beau et de plus noble dans notre activité, dans notre vie… Qu’il est grand de se faire tout petit ! “Deo omnis gloria !” A Dieu toute la gloire ! » (F 1051).
Rechercher le prestige, être un leader, s’accorde ainsi avec se cacher et disparaître, propre à la bonne divinisation, à l'humilité du fils de Dieu. « Jésus-Christ nous cherche — et son appel est un appel à la sainteté — pour achever, avec Lui, la Rédemption. Considérez son premier enseignement : nous devons être co-rédempteurs, en recherchant la victoire, non pas sur notre prochain, mais sur nous-mêmes. Comme le Christ, nous avons besoin de nous anéantir, de nous sentir serviteurs des autres, pour les conduire jusqu'à Dieu » (QCP 31). Ce « passer inaperçu » signifie pour saint Josémaria rejeter tout désir vain de se mettre en avant ou d'affirmation de soi (IJC, p. 63), pour vivre ce que Saint Jean-Baptiste a dit : « il convient que Lui grandisse et que moi je diminue » (Jn 3, 30) (QCP 58).
Dieu nous a montré le chemin : son exemple éminemment pédagogique est la base théologique de cette façon de concevoir l'humilité (Cfr, p. 908). Dieu lui-même se cache, pour que nous puissions Le chercher librement et sans crainte ; pour nous apprendre concrètement que ce n'est qu'en empruntant ce chemin de disparition que nous pourrons L'atteindre et manifester sa présence aux autres : « L’efficacité co-rédemptrice de nos vies — pour l’éternité ! — ne peut se produire qu’à partir de l’humilité, en disparaissant afin que les autres découvrent le Seigneur » (F 669). C'est tout un jeu divin. Dieu se cache dans la Création, dans l'Humanité du Christ Rédempteur, dans l'activité de l’Esprit-Saint Sanctificateur. Et non seulement Il se cache, mais Il se rend humble. Il devient un esclave pour guérir notre orgueil et donner l'exemple. « Jésus-Christ (...) de condition divine, (...) s’anéantit Lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes » (Ph 2, 6-7). « Mes enfants, soyez saisis de reconnaissance devant ce mystère et apprenez ceci : tout le pouvoir, toute la majesté, toute la beauté, toute l’harmonie infinie de Dieu, ses richesses grandes et incommensurables, tout un Dieu ! est demeuré caché dans l’Humanité du Christ pour nous servir. Le Tout-Puissant se montre décidé à obscurcir sa gloire pour un temps, afin de faciliter la rencontre rédemptrice avec ses créatures » (AD 111). « Et il est encore plus caché dans l’Hostie, par Amour pour les hommes » (C 843).
« Se cacher et disparaître » : saint Josémaria en trouve une autre raison profonde dans la vie de Jésus. « Les trente-trois années de Jésus ! : dont trente années de silence et d'obscurité ; de soumission et de travail » (S 485).
e) simplicité
Le résultat, c’est simplicité, naturel, désir d’être « un parmi d’autres », en évitant de chercher des applaudissements ou d’attirer l'attention, « sans extravagances ni niaiseries » (C 379). « En nous comportant normalement, comme nos semblables, et avec un sens surnaturel, nous ne faisons que suivre l’exemple de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme. Remarquez que toute sa vie est pleine de naturel. Il passe six lustres caché, sans attirer l’attention, comme un travailleur parmi d’autres, et on le connaît dans sa bourgade comme le fils du charpentier. Au long de sa vie publique on ne remarque rien non plus d’étrange ou qui détonne. Il s’entourait d’amis comme n’importe lequel de ses concitoyens et ne se distinguait pas d’eux par sa conduite (…) Il n’y avait en Jésus rien d’extravagant. Je suis très ému par cette règle de conduite de notre Maître, qui passe comme un homme parmi d’autres. (…) C’est ainsi que nous devons nous comporter dans le monde : comme notre Seigneur » (AD 121)
f) humilité collective et naturel
Saint Josémaria, fuyant tout ce qui pourrait « ressembler à de la réclame personnelle » (E 18) ou à une vaine complaisance, rappelle l'importance de vivre également l'humilité de manière collective. L’homme prétend parfois se glorifier par son appartenance à différents groupes : à une famille spécifique, à un lignage, à un groupe social, à une ville, une région, un pays, une race, un métier, une certaine école ou une université, à une religion ou à une institution particulière... Cette fierté "collective" peut donc se manifester de différentes manières.
Ainsi, soulignant par exemple la différence entre patriotisme et nationalisme (S 315), saint Josémaria met en garde contre l'orgueil national ou celui de groupe (S 722) et affirme que les paroles de l'apôtre « il n’est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d’incirconcision, de Barbare, de Scythe, d’esclave, d’homme libre ; il n’y a que le Christ qui est tout et en tout (Col 3, 11) » ont la « même valeur qu'hier: devant le Seigneur il n'existe pas de différence de nation, de race, de classe, d'état... Chacun d'entre nous est né de nouveau dans le Christ, pour devenir une nouvelle créature, un enfant de Dieu : nous sommes tous frères et c'est en toute fraternité que nous devons nous conduire ! » (S 317).
L'expression "humilité collective" apparaît très tôt dans les écrits de saint Josémaria comme quelque chose d’essentiel, afin d'éviter l'erreur qui conduit à vanter l'institution à laquelle on appartient, au détriment des autres. « Cette humilité collective si agréable à Dieu, délivre de l'esprit de corps exagéré, du fanatisme, du syndrome du petit groupe. » Et il continue : « on doit rejeter l’idée que ce que nous sommes est bon, parce que c’est de nous ; et que ce qui est des autres est médiocre ou mauvais. Le Seigneur accepte l’humilité collective comme une offrande très agréable » (Lettre 24-XII-1951, n 42 : CMI, page 270, n 116).
En l’appliquant aux fidèles de l’Opus Dei et à leur condition séculière qui exige le naturel, le désir de ne se distinguer en rien des autres citoyens, saint Josémaria les invite à diriger vers Dieu tout honneur et toute louange, au point d’affirmer que la plus grande gloire de l'Opus Dei est de ne pas avoir de gloire humaine. Il voulait que sa devise personnelle soit une devise collective : « faire et disparaître, ne laisser briller que Jésus », ne cherchant que la gloire de Dieu et le service de l'Église et des âmes (AVP, I, page 351).
g) Gratitude, componction, optimisme
L'humilité, en nous permettant de tout voir en relation avec Dieu, nous amène à accepter la réalité sur nous-mêmes, sur les autres, sur le monde dans lequel nous vivons : joies, réussites, échecs, humiliations, difficultés, souffrances. Tout cela se traduit dans la vie et les écrits de saint Josémaria en actions de grâces continues, en une attitude de componction et de demande de pardon (QCP 138), en désirs de rectification, dans un optimisme permanent et plein de bonne humeur, en évitant les plaintes et la victimisation.
« Je regarde ma vie et je vois, en toute sincérité, que je ne suis rien, que je ne vaux rien, que je n’ai rien, que je ne puis rien. Plus encore, que je suis le néant ! Mais Lui est tout et, en même temps, Il est à moi et je suis à Lui, car Il ne me rejette pas et Il s’est livré pour moi. Avez-vous vu plus grand amour ? (...) j’examine ma conduite, je m’étonne de la masse de mes négligences (...) Mais mon comportement, s’il m’afflige véritablement, ne m’enlève pas la paix. Je me prosterne devant Dieu et lui expose avec clarté ma situation. Je reçois aussitôt l’assurance de son secours, et j’entends au fond de mon cœur qu’Il me répète lentement : meus es tu (Is 43, 1). Je savais, et je sais, de quoi tu es fait. En avant ! » (AD 215).
La conscience d'être un pécheur envahi par la grâce de Dieu, caractéristique des grands saints, a conduit saint Josémaria à se considérer comme « un pécheur qui aime Jésus-Christ à la folie » (CECH, p. 720-721), et à vérifier qu’« au fur et à mesure où on avance dans la vie intérieure, on perçoit ses défauts personnels avec plus de netteté. Ce qui arrive, c’est que l’aide de la grâce produit l’effet de verres grossissants : le plus petit tas de poussière, le petit grain de sable quasi imperceptible prend des dimensions gigantesques, parce que l’âme acquiert la finesse divine ; la plus petite ombre en vient même à déranger la conscience, qui n’apprécie que la pureté de Dieu » (AD 20).
Mais l’expérience de sa propre misère ne doit jamais conduire au découragement : « Si, pour un motif quelconque, tu t’éloignes de Lui, réagis avec humilité, commences et recommences, conduis-toi en fils prodigue tous les jours et même à plusieurs reprises au long d’une même journée. Redresse ton cœur contrit dans la confession, qui est un authentique miracle de l’Amour de Dieu » (AD 214). Nous découvrons alors que « la miséricorde infinie du Seigneur ne tarde pas à venir en aide à celui qui L’appelle du fond de son humilité » (AD 104), en apportant la paix et la « vraie bonne humeur » (QCP 18).
L’humilité ainsi vécue permettait à saint Josémaria d’affirmer qu’en faisant un bilan de sa vie, il avait « éclaté de rire. Je me suis moqué de moi-même et je me suis rempli de gratitude envers Notre-Seigneur, car c'est Lui qui a tout fait » (AVP, III, page 756).
4. La Sainte Vierge, maîtresse d'humilité
Il est constant et unanime dans la tradition de l'Église de voir dans la Vierge « le chef-d'œuvre » de Dieu. Ce prodige s’est fait « quia respexit humilitatem ancillae suae, parce que Dieu a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante (Lc 1,48) : la plus grande humilité s’unit à la plus grande gloire » (QCP 178).
La profonde conviction que Marie est une maîtresse sans pareille d'humilité amène saint Josémaria à lui demander qu'elle « nous entraîne à marcher sur ce sentier » (S 289): « Regardez Marie. Aucune créature ne s’est jamais abandonnée avec plus d’humilité aux desseins de Dieu. L’humilité de l’ancilla Domini, de la servante du Seigneur, est la raison pour laquelle nous l’invoquons comme causa nostra lætitiæ, cause de notre joie. Ève, après avoir commis le péché insensé de vouloir s’égaler à Dieu, se cachait du Seigneur, toute honteuse : elle était triste. Marie, parce qu’elle s’avoue la servante du Seigneur, devient Mère du Verbe divin et se remplit de joie. Que son allégresse de bonne Mère se communique à nous tous : imitons totalement Sainte Marie en cela, pour ainsi ressembler davantage au Christ » (AD 109).
Thèmes connexes : Naturel ; Sincérité ; Vertus : considérations générales.
Bibliographie : AD 94-109 ; C 589-613 ; QCP 12-21 ; S 259-289, S 696-726 ; AVP, I, pp. 389-392; CECH, pp. 713-732; IJC, pp. 476-477 ; Pierre Adnès, “Humilité”, in Dictionnaire de spiritualité, 1969, cols. 1136-1187 ; Joseph Ratzinger, “Laisser Dieu agir”, 6-X-02 L’Osservatore Romano.