GLOIRE DE DIEU

1. La doctrine chrétienne : rendre toute la gloire à Dieu. 2. La fondation de l'Opus Dei marquée par le désir de rendre gloire à Dieu. 3. L'expérience vécue de saint Josémaria. 4. Les racines bibliques de l'enseignement de saint Josémaria. 5. En quoi consiste le fait de tout faire pour la gloire de Dieu ? 6. Sens du désir de rendre toute la gloire à Dieu. 7. La Vierge Marie, maîtresse du sacrifice caché et silencieux.

1. La doctrine chrétienne : rendre toute la gloire à Dieu.

2. La fondation de l'Opus Dei marquée par le désir de rendre gloire à Dieu.

3. L'expérience vécue de saint Josémaria.

4. Les racines bibliques de l'enseignement de saint Josémaria.

5. En quoi consiste le fait de tout faire pour la gloire de Dieu ?

6. Sens du désir de rendre toute la gloire à Dieu.

7. La Vierge Marie, maîtresse du sacrifice caché et silencieux.


L'expression « gloire de Dieu » a deux significations étroitement liées. D'une part, elle indique la richesse et la majesté imposantes de Dieu ; d'autre part la reconnaissance de ces grandeurs par l'homme qui par conséquent loue et « rend gloire » à Dieu. Nous examinerons cette doctrine chez saint Josémaria en introduisant le concept par une brève considération de la doctrine biblique.

1. La doctrine biblique : rendre toute la gloire à Dieu

L'Ancien Testament nous enseigne que le monde créé contient et proclame la gloire de Dieu (kabod Yahvé), sa sainteté, sa transcendance, son ineffabilité (cf. Am 4, 2 ; Is 40, 25 ; 46, 5 ; Ps 112 [Vg 111], 4, etc. ; et commentaire dans Kittel, II 1935, pp. 235-258). Le monde est « rempli de sa gloire » (Nb 14, 21). C'est pourquoi toute la création proclame la gloire de Dieu : « Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l'ouvrage de ses mains » (Ps 19 [Vg 18], 2 ; cf. Bar 3, 34s). Ce sont les hommes, tombés dans le péché, qui ne rendent pas toute la gloire à Dieu, qui ne le reconnaissent pas comme leur Créateur et Seigneur. C'est pourquoi nous lisons dans l'Écriture : « Je suis le Seigneur, tel est mon nom ; et je ne céderai pas ma gloire à un autre, ni ma louange aux idoles » (Is 42,8). Les croyants ont l'obligation particulière de proclamer la gloire de Dieu devant tous les peuples. « Acclamez Dieu, toute la terre ; fêtez la gloire de son nom, glorifiez-le en célébrant sa louange » (Ps 66 [Vg 65], 1-2 ; cf. Is 60, 1-3 ; 66, 18s ; Ps 97 [Vg 96], 6). Le Concile Vatican I enseigne « que le monde a été créé pour la gloire de Dieu » (DS, 3025 ; cf. AA, 3). Et Jean-Paul II souligne que l'univers entier est « un appel multiforme, puissant et incessant à proclamer la gloire du Créateur » (Jean-Paul II, 1986, p. 681, voir bibliographie in fine).

Le Christ, Fils Unique du Père, est le reflet parfait de la gloire de Dieu, « [son]rayonnement (…), [l’]expression parfaite de son être » (He 1,3). Lors de la dernière Cène, Jésus s'est adressé à son Père en disant : « Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe » (Jn 17,5). Cette gloire se manifeste dans l'incarnation du Verbe de Dieu : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). Le Christ a manifesté sa gloire aux hommes sur le Thabor, par ses miracles (cf. Jn 2, 11.23 ; 7, 31 ; 10, 41 ; 11, 45 ; Ac 9, 42) et ses paroles (cf. Jn 4, 38.41 ; 8, 30 ; Ac 4, 4 ; 13, 48).

Tout au long de sa vie terrestre, la gloire de Jésus est restée plutôt cachée aux hommes parce qu'ils avaient besoin d'être convertis avant de pouvoir percevoir la gloire divine (cf. Jn 5, 19 et suivants : 36-40). Jésus n'a pas manifesté pleinement et publiquement sa gloire avant d'avoir amené les hommes à reconnaître que le Père était en lui et lui dans le Père (Jn 17,20s), et cela supposait, selon le plan divin, qu'il arrive à la Croix où son amour et son obéissance révèleraient la gloire divine. Et tout comme le Christ est entré dans la gloire en passant par l'ignominie de la Croix – « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24,26) –, le chrétien doit suivre le Christ, dans sa vie et sa mort, pour entrer dans la gloire de la résurrection. Pour entrer dans sa gloire, Jésus a dû passer par la Croix. C'est l'enseignement de saint Josémaria, vécu et communiqué aux hommes.

2. La fondation de l'Opus Dei marquée par le désir de rendre gloire à Dieu

La conviction que toute la gloire doit être rendue à Dieu était déjà présente dans les toutes premières années de la vie de l'Opus Dei et marque sa fondation même. Saint Josémaria était rempli d'un grand désir de servir le Seigneur – il répétait souvent l’oraison jaculatoire « Serviam ! » (je servirai) –, par désir du contraste avec ce « colossal non serviam, dans la vie personnelle, dans la vie familiale, dans les milieux du travail et dans la vie publique » (Lettre 14-II-1974, no 10 : AVP, I, p. 306). Dans ses Notes intimes, il demande au Seigneur « une volonté de fer qui, unie à la grâce divine, nous conduira à achever son Œuvre pour toute la gloire de Dieu afin que le Christ-Jésus règne vraiment, car tous avec Pierre iront à Lui par l'unique voie, Marie ! » (Notes intimes, no 215 : AVP, I, p. 306). Dans un texte de 1931, dans ces mêmes Notes, il décrit d'un air définitif et solennel ce qu'il appelle les trois « fins » de l'Œuvre : « Jésus est le Modèle : imitons-le ! Imitons-le en servant la Sainte Église et toutes les âmes. Christum regnare volumus, Deo omnis gloria, Omnes cum Petro ad Iesum per Mariam. Avec ces trois phrases, les trois fins de l'Œuvre sont suffisamment indiquées : le règne effectif du Christ, toute la gloire de Dieu, les âmes » (ibidem, no 171 : AVP, I, p. 306).

Saint Josémaria situait ainsi la recherche de la gloire de Dieu – le fait que toute gloire soit rendue à Dieu – au centre vital de la mission que Dieu lui avait confiée. Dans un autre écrit de jeunesse, datant de 1934, il glose ce texte en mettant en évidence la cohérence entre les trois finalités que nous venons de mentionner : « Nous devons rendre toute la gloire à Dieu. Il le veut : gloriam meam alteri non dabo (je ne céderai pas ma gloire à un autre) (Is 42,8). Et c'est pourquoi nous voulons que le Christ règne, car per ipsum, et cum ipso, et in ipso, est tibi Deo Patri Omnipotenti in unitate Spiritus Sancti omnis honor et gloria ; par Lui, et avec Lui, et en Lui, Te revient, Dieu le Père Tout Puissant dans l'unité du Saint Esprit tout honneur et toute gloire (Canon de la Messe). Et l'exigence de sa gloire et de son règne est que tous, avec Pierre, aillent à Jésus par Marie » (Instruction, 19-III-1934, nos 36 et s. : AGP, série A.3, 90-1-1). Il commenta fréquemment la nécessité de la rectitude d’intention et de rendre toute gloire à Dieu : « Deo omnis gloria : à Dieu toute la gloire. — C’est l’aveu catégorique de notre néant. — Lui, Jésus, est tout. Nous, sans lui, ne valons rien. Rien » (C 780). Et il insistait sur le fait que Deo omnis gloriane s'applique pas seulement aux fidèles de l'Œuvre un par un, mais à l'Opus Dei dans son ensemble, corporativement. Dans les Notes intimes nous lisons : « D'autres instituts souffrent, comme une preuve bénie de la prédilection divine, le mépris, la persécution, etc. Voilà ce qu’il en sera de l'Œuvre de Dieu : passer inaperçue » (Notes intimes, no 581 : AVP, I, p. 351). « Telle a été et sera toujours l'aspiration de l'Œuvre : vivre sans gloire humaine » (Lettre 24-III-1930, no 20 : Burkhart-López, II, p. 40).

3. L'expérience vécue de saint Josémaria

C'était en 1941. Les apostolats de l'Opus Dei se développaient fortement, « sans pause » (S 97). Saint Josémaria venait de perdre sa mère. Une tempête de calomnies et de mauvais traitements se déchaînait contre l'Œuvre, ce qu'il avait déjà appelé « la contradiction des bons » (cf. C 695). Des familles de fidèles de l'Œuvre, dont beaucoup de jeunes étudiants, étaient visitées pour s’entendre dire que l'Opus Dei était « une hérésie très dangereuse » (cf. AVP, II, pp. 474-481). Le fondateur subissait de plein fouet l'impact de ces attaques. Sa santé s’en ressentait. Il fit un jour remarquer à Don Alvaro Del Portillo : « Mon fils, d'où vont-ils nous insulter aujourd'hui ? » (AVP, II, p. 478). Au fond de lui, il ressentait l'injustice de tout cela. En même temps, il se rendait compte que le Seigneur le mettait à l'épreuve, le forgeait, et il priait pour que ses enfants (et lui-même) soient « heureux, spe gaudentes ! : que vous souffriez, pleins de charité, sans qu'un seul mot gênant pour personne ne sorte jamais de votre bouche » (AVP, II, p. 479).

Une nuit, alors qu'il n'arrivait pas à dormir à cause de ses soucis, se sentant profondément blessé dans son honneur de chrétien et de prêtre mis en cause dans toute cette campagne, saint Josémaria alla à l'oratoire du Centre de Diego de León où il vivait, et, se prosternant devant le tabernacle, il dit au Seigneur : « Jésus, si Tu n'as pas besoin de mon honneur, pourquoi en aurai-je besoin ? » (AVP, II, p. 480). Une fois cet acte de don de soi effectué, raconte-t-il, il ressentit une grande paix. Quelques années plus tard, dans un texte clairement autobiographique, il commentait : « Écoute-moi bien, mon enfant : tu dois te considérer heureux quand on te maltraitera, et qu’on te déshonorera ; quand beaucoup de gens se dresseront contre toi et qu’il sera à la mode de te cracher dessus, car tu es omnium peripesma, comme une ordure pour tous... — Cela coûte, cela coûte même beaucoup. C’est dur, jusqu’au moment où, enfin, un homme s’approche du tabernacle, se voit considéré comme s’il était à lui seul toute la saleté du monde, comme un pauvre ver de terre et dit pour de bon : “Seigneur, si tu n’as pas besoin de mon honneur, pourquoi, moi, en voudrais-je ?” Jusqu’à ce moment ce fils de Dieu n’avait pas su ce que c’était que d’être heureux : jusqu’à ce qu’il parvienne à cette nudité, à ce don de soi, qui est don d’amour, mais fondé sur la mortification, sur la douleur » (F 803).

Dans ces textes, le fondateur de l'Opus Dei utilise le mot « honneur » comme équivalent au mot « gloire ». Il le fait aussi en d'autres occasions consacrées à parler de la « gloire de Dieu » : « Nous ne vivons pas pour le monde, ni pour notre honneur, mais pour l’honneur de Dieu, pour la gloire de Dieu, pour le service de Dieu » (F 851). Dans Amis de Dieu, également avec une référence autobiographique, il exprime les mêmes sentiments : « nous devons être sérieusement détachés de nous-mêmes (...). Je veux aussi parler, car ta décision doit aller jusque-là, des désirs nobles par lesquels nous recherchons exclusivement la gloire et la louange de Dieu, en ajustant notre volonté à la règle claire et précise que voici : Seigneur, je ne veux ceci ou cela que si cela te plaît, car sinon, en quoi cela m’intéresse-t-il ? Nous portons ainsi un coup mortel à l’égoïsme et à la vanité qui se frayent un chemin dans toutes les consciences ; par la même occasion nous obtenons la véritable paix de l’âme, avec un détachement qui s’achève dans la possession de Dieu, de plus en plus intime et intense » (AD 114).

Lorsque, dans sa prédication, saint Josémaria insistait sur la nécessité de « rendre toute la gloire à Dieu » comme condition de la sainteté et de l'efficacité apostolique, il l'avait lui-même vécu auparavant, intimement, à la première personne. Il avait fait une découverte vitale, très personnelle, de la validité spirituelle de ce principe. Sa découverte s'est incarnée dans la devise de toute sa vie : « me cacher et disparaître, voilà ce que je fais pour que seul Jésus brille ». Et il commentait : « J'ai senti dans mon âme, depuis que je me suis résolu à écouter la voix de Dieu – en pressentant l'amour de Jésus – un désir de me cacher et de disparaître ; de vivre cet illum oportet crescere, me autem minui (Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue) (Jn 3, 30) ; il convient que la gloire du Seigneur grandisse, et que moi, on ne me voie pas » (Lettre 29-XII-1947/14-II-1966, no 16 : AVP, I, p. 317).

4. Les racines bibliques de l'enseignement de saint Josémaria

Saint Josémaria fait référence à la « gloire de Dieu » de trois manières, presque toujours en étroite dépendance de l'Écriture Sainte. D'une part, en citant fréquemment l'Écriture pour indiquer l'excellence de Dieu. D'autre part, par rapport au ciel, à la « vie éternelle » (les références sont nombreuses, cf. par exemple, C 29, & 819; AD 54; QCP 77). Et troisièmement par rapport à l'attitude concrète, actuelle, du chrétien qui doit vivre « pour la gloire de Dieu ». Il est entendu que ces trois usages s’entrelacent les uns avec les autres, et plus particulièrement que le troisième conduit facilement au second. Notre vie « sera une anticipation de la gloire au ciel, de cette communion avec Dieu et avec les saints » (QCP 49). Il écrit également : « Le ciel est le terme de notre chemin terrestre. Jésus-Christ nous y a précédés et il y attend notre arrivée, dans la compagnie de la Sainte Vierge et de saint Joseph, que je vénère tant, et des anges » (AD 220). Celui qui vit pour la gloire de Dieu entrera dans la gloire céleste : bien plus, d'une certaine manière, il y est déjà entré. En même temps, vivre pour la gloire de Dieu exige de suivre avec le Christ le chemin de la Croix. « Voilà le chemin sûr : aller par l’humiliation à la Croix ; et de la Croix, avec le Christ, à la Gloire immortelle du Père » (F 1020).

Outre le texte biblique cité (Mt 6, 16), saint Josémaria utilise plusieurs passages du Nouveau Testament pour parler de notre thème, en particulier Mt 5, 16 (« De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ») et 1 Tm 1, 17 (« Au roi des siècles, Dieu immortel, invisible et unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles ! Amen »). Il commente par exemple « que la gloire de l'Œuvre de Dieu est de vivre sans gloire humaine » : « Que l'on voie mes bonnes œuvres !... Mais, ne te rends-tu pas compte que tu sembles les porter dans un panier de pacotille, pour que l'on contemple tes qualités ? Et puis, n'oublie pas la seconde partie du commandement de Jésus : "et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux" » (S 718). Et à une autre occasion : « A Lui [le Christ] toute la gloire, tout l'honneur : soli Deo honor et gloria in sæcula sæculorum (1 Tm 1, 17), à Dieu seul nous devons rendre honneur et gloire pour les siècles des siècles » (Lettre 24-III-1930, no 21 : Burkhart - Lopez, I, p. 394).

En remontant à la racine, saint Josémaria trouve le point d'appui de son enseignement dans la vie de Jésus-Christ. « Telle doit être aussi l'aspiration de chacun de vous, mes enfants : passer inaperçu, imiter le Christ qui est resté caché pendant trente ans, étant simplement le fils du charpentier (Mt 13,55) » (Lettre 24-III-1930, no 20 : Burkhart-Lopez, II, p. 390). Et aussi à propos de Jean le Baptiste : « une humilité plus profonde pour que le Christ croisse en nous et que notre égoïsme diminue, puisque illum oportet crescere, me autem minui, il faut que Lui grandisse et que moi je diminue » (QCP 58).

5. En quoi consiste le fait de tout faire pour la gloire de Dieu ?

À plusieurs reprises, saint Josémaria insiste sur le fait que la recherche de la gloire de Dieu comporte un désir effectif, constant et humble de se cacher et de disparaître, de brûler comme l'encens, sans se vanter ; de ne pas rechercher les applaudissements humains, ni proclamer ses propres œuvres devant les autres. Le nombre de textes sur ce sujet est très important. Dans une de ses Lettres, le Fondateur écrit : « Soyons humbles, ne cherchons que la gloire de Dieu : car notre vie de don, silencieuse et cachée, doit être une manifestation constante d'humilité (...). L'orgueil et la vanité peuvent présenter comme attrayante la vocation de lanterne d'une fête populaire (...). Aspirez plutôt à brûler dans un coin, comme ces lampes qui accompagnent le Tabernacle dans la pénombre d'un oratoire, efficaces aux yeux de Dieu ; et, sans vous vanter, accompagnez aussi les gens – vos amis, vos collègues, vos parents, vos frères et sœurs – par votre exemple, votre enseignement, votre travail, votre sérénité et votre joie » (Lettre 24-III-1930, no 20 : AGP, série A.3, 91-1-1). Dans Chemin, saint Josémaria consacre un chapitre entier au thème de la gloire de Dieu. Nous y lisons entre autres : « Si la vie n’avait pas pour fin de rendre gloire à Dieu, elle serait méprisable, plus encore : odieuse » (C 783). « Rends à Dieu “ toute ” gloire. — Avec l’aide de la grâce, que ta volonté “ purge ” chacune de tes actions afin qu’il n’y reste rien qui sente l’orgueil humain, la complaisance pour ton “ moi ” » (C 784).

Dans une autre lettre, il demande à ses enfants de ne pas attendre les applaudissements du peuple : « Cherchez seulement à plaire à Dieu : par votre fidélité au Magistère de la Sainte Église, par le témoignage de votre conscience en agissant droitement ; par votre service humble, caché, efficace de Dieu, de l'Église et de toutes les âmes. Ne vous attendez même pas, parfois, à être compris par d'autres personnes et institutions qui travaillent également pour le Christ. Ne cherchez que la gloire de Dieu et, en aimant toujours tout le monde, ne vous inquiétez pas que d’autres ne comprennent pas (...). Ainsi, nous serons toujours fermes, calmes, joyeux ; et nous ne cesserons jamais d'être des semeurs de paix et de joie » (Lettre 31 mai 1954, no 25 : AGP, série A.3, 93-4-4). Dans l'homélie Le détachement, publiée dans Amis de Dieu, nous lisons : « si nous désirons vraiment suivre le Seigneur de près et rendre un authentique service à Dieu et à l’humanité tout entière, nous devons être sérieusement détachés de nous-mêmes, des dons de l’intelligence, de la santé, de l’honneur, des ambitions nobles, des triomphes, des succès » (AD 114).

Rendre gloire à Dieu, c'est vivre un dialogue permanent avec Lui. Vivre pour la gloire de Dieu se manifeste avant tout dans la prière, dans la relation avec le Seigneur dans l'Eucharistie, dans l'union avec l'Esprit Saint. « Il faut prier, mes filles et mes fils, beaucoup prier : car la prière personnelle a été, est et sera toujours notre grande arme. Prier, pour rendre gloire au Seigneur, et travailler toujours avec une intention juste. Si nous sommes immergés en Dieu, avec sa présence et une tâche professionnelle qui fusionnent au service du Seigneur, nous ne perdrons jamais la bonne direction » (Lettre 19-III-1967 no 149 : AGP, série A.3, 95-1-1).

Concernant la célébration eucharistique, il dit : « Lorsque vous le recevez chaque jour dans l'Eucharistie, dites-lui : Seigneur, en ton nom je le demande au Père (...) et vous lui demandez tout ce qui convient pour que nous puissions mieux servir l'Église de Dieu, et mieux travailler pour la gloire du Seigneur : du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; de la Sainte Trinité, Dieu unique » (Méditation prêchée le 24 décembre 1969 : AGP, Biblioteca, P06 3, p. 403). Et en particulier l'oraison jaculatoire Deo omnis gloria ! se rattache à l'action du divin Paraclet : « L'Esprit Saint est le fruit de la croix, de l'abandon total à Dieu, de la recherche exclusive de sa gloire et du renoncement total à nous-mêmes » (ibidem, n. 137).

6. Sens du désir de rendre toute la gloire à Dieu.

Les textes de saint Josémaria qui parlent de la nécessité de rendre toute la gloire à Dieu sont clairs et fréquents tout au long de sa vie. Mais quel en est le sens ? Quelle est la finalité de ces actes qui expriment le sacrifice, le déni, la disparition de soi ? Se traduisent-ils par un déni de ce qui est humain ? La réponse peut être donnée en deux étapes. Tout d'abord, en soulignant que, pour saint Josémaria, rendre toute la gloire à Dieu est précisément ce qui permet de sanctifier, en vivant de manière pleinement chrétienne, et donc aussi humaine, les différents aspects centraux de la vie : le travail, l'utilisation du temps, les relations personnelles avec la famille, les amis, les collègues, etc.

En ce qui concerne le travail et le profit du temps, il disait : « Je vous le répète, mes filles et mes fils : travaillez pour Dieu, sans rechercher la gloire humaine » (Lettre 15-X-1948 no 18 : AGP, série A.3, 92-7-1). « Nous ne travaillons pas pour nous exalter, mais pour disparaître et, par notre sacrifice, pour placer le Christ au sommet de toutes les activités humaines » (Lettre 9-I-1932 no 81 : AGP, série A.3, 91-3-1). Avec une phrase tranchante qui nous invitait à travailler avec diligence et intensité, et en même temps en considérant que tout était ordonné à Dieu, il disait dans Chemin que « le temps c’est de la gloire ! » (C 355 ; cf. S 509). « Rectifie, rectifie. — Il serait tellement déplaisant que cette victoire sur toi-même restât stérile parce que tu ne t’es inspiré que de visées humaines ! » (C 787) ; et « Pureté d’intention. — Les suggestions de l’orgueil et les élans de la chair, tu les reconnais vite… Tu luttes et, avec la grâce, tu l’emportes. Mais les motifs qui te poussent à agir, même dans les actions les plus saintes, ne te semblent pas clairs…, et tu entends au fond de toi-même une voix suggérant que tu obéis à des raisons humaines…, avec une telle subtilité que l’inquiétude se glisse dans ton âme à la pensée que tu ne travailles pas comme tu dois le faire : par pur amour et uniquement pour rendre à Dieu seul toute sa Gloire. Réagis aussitôt. Dis : “ Seigneur, je ne veux rien pour moi. — Tout pour ta Gloire et par pur amour. " » (C 788).

Un aspect important de la sanctification de sa propre vie et de son travail est, en outre, le service des autres. Saint Josémaria parle de l'ambition d'être « le dernier en tout... et le premier en Amour » (C 430). Et, par conséquent, notre travail doit aussi être renforcé « par un trait qui fut fondamental dans le travail de saint Joseph, et qui devrait l'être chez tout chrétien : l'esprit de service, le désir de travailler pour contribuer au bien des autres » (QCP 51), à la fois concret, efficace et désintéressé, avec l'oubli de soi : « Quand tu auras terminé ton travail fais celui de ton frère, aide-le pour le Christ, avec tant de délicatesse et de naturel que personne, pas même celui qui en bénéficie, ne s’aperçoive que tu en fais plus que tu ne le dois en stricte justice. – Voilà la délicate vertu d’un enfant de Dieu ! » (C 440).

Cette doctrine va de pair avec l'apostolat qui se fait toujours face à Dieu. Il est intéressant de noter que le premier symptôme du zèle apostolique signalé par saint Josémaria est la « soif de fréquenter le Maître » (C 934). Et il explique : « Nous ne devons avoir d'autre désir que d'être à l'écoute de Dieu, dans la louange et la gloire constantes de son nom, en l'aidant dans son œuvre divine de Rédemption. Toute notre préoccupation sera alors d'apprendre aux autres à connaître Jésus-Christ, et par Lui, le Père et le Saint-Esprit » (Homélie prêchée le 25 décembre 1972 : AGP, Biblioteca, P06). En effet, « est apôtre le chrétien qui se sent greffé sur le Christ, identifié au Christ par le Baptême ; habilité à lutter pour Lui par la Confirmation ; appelé à servir Dieu en travaillant dans le monde par le sacerdoce commun des fidèles qui confère une certaine participation au sacerdoce du Christ ; cette participation, tout en étant essentiellement distincte de celle qui constitue le sacerdoce ministériel, donne la capacité de prendre part au culte de l'Église et d'aider les hommes dans leur route vers Dieu, par le témoignage de la parole et de l'exemple, par la prière et par l'expiation » (QCP 120).

7. La Vierge Marie, maîtresse du sacrifice caché et silencieux

Les textes de saint Josémaria qui commentent la manière dont la Sainte Vierge a toujours vécu face à Dieu, Lui rendant toute la gloire, ne manquent pas. Citons-en deux en particulier, tirés de Chemin : « Quelle humilité que celle de sainte Marie, ma Mère ! — Vous ne la verrez ni parmi les rameaux de Jérusalem, ni à l’heure des grands miracles, sauf aux prémices de Cana.— Mais elle ne fuit pas l’affront du Golgotha : Elle est là iuxta crucem Iesu — sa Mère, tout près de la croix de Jésus » (C 507) ; et « Marie, maîtresse du sacrifice discret et silencieux ! — Voyez-la, presque toujours dans l’ombre, collaborer avec son Fils : elle sait et se tait » (C 509).


Thèmes connexes : Filiation divine ; Humilité ; Identification avec le Christ ; Lutte ascétique ; Vie intérieure ; Vie ordinaire, Sanctification de la.

Bibliographie : C 779-789; Jean-Paul II, "La creazione è rivelazione della gloria di Dio", in Insegnamenti di Giovanni Paolo II, 9/1 (1986), pp. 680-683; Salvador Bernal, “Afabilidad humana y gloria de Dios”, in Crónica de la beatificación, Josemaría Escrivá de Balaguer, Madrid, Rialp, 1992, pp. 142-144; Ernst Burkhart- Javier López Vida cotidiana y santidad en la enseñanza de San Josemaría. Estudio de teología espiritual, I, Madrid, Rialp, 2010, pp. 253- 278; II, pp. 400-405; Gerhard Kittel - Gerhard Von Raddovza, in ThWNT, II, 1935, pp. 235-258; Álvaro del Portillo, “Pour Dieu, toute la gloire”, in Una vida para Dios. Réflexions sur la figure de Monseigneur Josémaría Escrivá de Balaguer. Discursos, Homilías y otros escritos, Madrid, Rialp, 1992, pp. 223-228.

Paul O'Callaghan