FIDÈLES CHRÉTIENS

1. La condition commune de fidèle. 2. La condition chrétienne comme vocation. 3. Participation de chaque chrétien à la mission de l’Église.

1. La condition commune de fidèle.
2. La condition chrétienne comme vocation.
3. Participation de chaque chrétien à la mission de l’Église.

Saint Josémaria utilise l’expression « fidèles » dans deux sens principaux, l’un spirituel et l’autre ecclésiologique. Dans le sens spirituel c’est pour qualifier le chrétien qui aspire à persévérer jusqu’au bout dans sa foi dans le Christ. L’usage ecclésiologique, lui, est plus ouvert, puisqu’il utilise parfois le terme « chrétien fidèle » en référence au chrétien ordinaire – ou laïc – (cf. QCP 125) et parfois pour indiquer celui qui est baptisé – la condition commune de fidèle – (cf. Entretiens 9).

1. La condition commune de fidèle

Au début du XXe siècle, le mot « fidèle » désignait principalement les baptisés qui n’étaient ni ministres sacrés ni religieux comme on peut le voir dans le Code de droit canonique de 1917. On l’employait donc non pas pour manifester la condition chrétienne commune, mais celle de la majorité des catholiques ni prêtres ni religieux. Après le Concile Vatican II, la situation change et le terme « fidèle » s’emploie pour indiquer la condition chrétienne commune, au sein de laquelle laïcs, prêtres et religieux occupent des positions diverses.

Dans les écrits de saint Josémaria se trouve fortement accentué le fait que chacun dans l’Église est chrétien, fidèle appelé à la sainteté et rendu participant de la mission de l’Église. Dans l’Église, il y a une égalité : une fois baptisés, nous sommes tous égaux, parce que nous sommes enfants du même Dieu, Notre Père. « En tant que chrétiens, il n’y a pas de différence entre le Pape et le dernier qui adhère à l’Église » (Cf. Aimer l’Église, p.58 et Entretiens 14). Ses enseignements sur ce qui est commun à tous dans l’Église l’ont amené à souligner la condition chrétienne caractérisée essentiellement par l’appel à la plénitude de la charité – et donc de toutes les vertus – et par la participation à la mission. Par conséquent, il ne reconnaît pas une sainteté de second ordre et enseigne que la sainteté et la mission auxquelles tous les fidèles sont appelés sont réalisées et spécifiées dans les situations et avec les dons qui correspondent à chacun d’eux (cf. Aimer l’Église, p. 68 et suiv. ; Entretiens 110 ; QCP 105 & 134).

Cette condition commune est spécifiquement caractérisée comme sacerdotale, et c’est ainsi que le recueille Saint Josémaria. C’est pourquoi il se réfère au sacerdoce commun des fidèles (Cf. F 882 ; Aimer l’Église, p. 73 et suiv.) et fait écho aux enseignements patristiques sur le chrétien en tant que prêtre de sa propre existence (cf. QCP 96). Le chrétien doit unir toute sa vie et toutes ses circonstances à la Croix du Christ en faisant preuve d’amour dans le don de soi et, le moment venu, aussi dans la douleur (Cf. QCP 37, selon un programme de vie chrétienne qui a son centre dans l’Eucharistie (cf. QCP 88).

Le fondateur de l’Opus Dei distingue sans séparer les différentes positions des fidèles dans l’Église, ce qu’ils ont en commun – parce qu’ils sont des fidèles chrétiens – et ce qu’ils ont de spécifique. Grâce à son sens juridique, la perception de cette base ecclésiologique commune l’amenait à souligner la condition juridique de fidèle que tous, prêtres, religieux et laïcs, possèdent également avec ses droits et ses devoirs (cf. Entretiens 9). Il a traité ce thème en particulier en ce qui concerne les laïcs (Cf. Entretiens 9) et les prêtres : « Chez ceux qui sont ordonnés, ce sacerdoce ministériel s'ajoute au sacerdoce commun de tous les fidèles. C'est pourquoi, encore qu'il serait erroné de soutenir qu'un prêtre est davantage chrétien que tout autre fidèle, on peut en revanche, affirmer qu'il est davantage prêtre » (Aimer l’Église, nos 41 et suiv.). Il souligne aussi, tout en réservant le sacrement de l’Ordre aux hommes, que les hommes et les femmes ont la même dignité et la même mission dans l’Église (Cf. Entretiens 112).

La perception de la mission commune, prévient saint Josémaria, « implique une vision plus profonde de l'Église, en tant que communauté formée par tous les fidèles, de sorte que nous sommes tous solidaires d'une même mission, que chacun doit remplir selon ses conditions personnelles. Les laïcs, grâce aux impulsions de l'Esprit Saint, sont de plus en plus conscients d'être Église, d'assurer une mission spécifique, sublime et nécessaire, puisqu'elle a été voulue par Dieu. Et ils savent que cette mission dépend de leur condition même de chrétiens, pas nécessairement d'un mandat de la hiérarchie, bien qu'ils doivent, évidemment, la remplir en union avec la hiérarchie ecclésiastique et selon les enseignements du magistère » (Entretiens 59). Le fait que la mission appartienne à tous et qu’elle soit menée en union avec la Hiérarchie ne signifie pas qu’il y a uniformité mais que les exigences légitimes de la liberté chrétienne dans ce qui est "opinable" doivent être respectées – aimées. (Cf. Entretiens67 ; AD 11).

2. La condition chrétienne comme vocation

Le recours fréquent à l’expression « chrétiens ordinaires », « chrétiens » ou « fidèles chrétiens » n’est pas sans signification dans les textes de saint Josémaria. Il souligne que la condition de baptisé est une très grande réalité, un don de Dieu qui implique un appel : « Je ne m'explique pas l'idée que tu te fais du chrétien. Crois-tu qu'il soit juste que le Seigneur soit mort crucifié et que toi tu te contentes de te laisser vivre ? Te "laisser vivre", est-ce le chemin dur et étroit dont parlait Jésus ? » (Chemin de croix, XIIIe Station). Parfois, il développe le sens et les conséquences du terme « chrétien » qui fait référence au Christ. En d’autres occasions, il accentue ou détermine ces implications avec des adjectifs tels que « conséquent », « authentique », « vrai », ou avec des locutions telles que « d’une seule pièce » ou d’autres similaires qui montrent que l’expression « être chrétien » n’est pas, dans son langage, la simple référence à une religion professée, un fait sociologique ou culturel, mais un appel à vivre selon le Christ. C’est pourquoi elle est parfois interchangeable avec le mot saint : « Nous devons être saints (...), des chrétiens vrais, authentiques, canonisables » (AD 5 & 19). Et cet appel à être saint implique la vocation la plus digne (Cf. Entretiens 59). « Le baptême fait de nous des “fidèles”. Des fidèles ! C’est ce mot, tout comme celui de “sancti” — de saints —, qu’employaient les premiers qui ont suivi Jésus, pour se désigner mutuellement ; un mot que l’on emploie encore aujourd’hui, puisque l’on parle des “fidèles” de l’Église. — Penses-y bien ! » (F 622).

À d’autres moments, il décrit la dimension vocationnelle de la condition chrétienne en soulignant la différence entre se dire chrétien et vivre en tant que tel, ou en souffrant que l’on qualifie de chrétiennes certaines activités qui ne vont pas accompagnées d’une existence chrétienne authentique (cf. QCP 134). Pour saint Josémaria, la condition de chrétien affecte toute l’existence de l’être humain (cf. QCP 46) puisqu’il s’agit d’une réalité divine, insérée dans le cœur de la personne, qui pousse à suivre la volonté de Dieu tout au long de la vie et donne un avant-goût de la résurrection (cf. QCP 103). Suivant la Tradition, il considère que la grâce de l’inhabitation divine dans l’âme vient des sacrements et de la prière. Fréquenter l’Esprit Saint nous aide à percevoir le don d’être chrétiens (Cf. QCP 134). Par l’élection divine le chrétien devient enfant de Dieu au Baptême (Cf. F 86 & 269 ; QCP 138) et est appelé à vivre selon le Christ (Cf. QCP 103), invité à ressembler au Christ (Cf. F 10), à être alter Christus et ipse Christus. Cette expression apparaît fréquemment dans les écrits du fondateur de l’Opus Dei et, à partir de sa contemplation du mystère du Verbe incarné, il veut exprimer l’identification au Christ, la mission apostolique du chrétien (cf. QCP 21), l’exercice du sacerdoce commun. Dans son enseignement sur l’expression dont nous parlons, l’union spirituelle avec le Verbe incarné qui se réalise par la foi et les sacrements, appelle à ce que la vie du Christ se manifeste en chaque chrétien (Cf. QCP 105 & 122 ; Entretiens 58).

La vocation chrétienne nous conduit à imiter toute la vie du Christ. En même temps, chez saint Josémaria, il y a une lumière spéciale pour comprendre les mystères de la vie cachée du Seigneur dans laquelle il voit la rédemption se produire précisément à travers les circonstances de la vie ordinaire (cf. QCP 20). C’est pourquoi il affirme que suivre le Christ, vivre la vocation chrétienne n’éloigne pas en soi ni ne sépare du monde (Cf. QCP 21 ; AD 89). La contemplation du mystère du Christ conduit saint Josémaria à percevoir que l’Incarnation est le fondement de la sanctification de toutes choses (Cf. QCP 120) et de la possibilité de rencontrer le Christ en chacune d’elles (cf. QCP 22). C’est pourquoi il voit le chrétien comme un instrument de Dieu créateur et rédempteur, et le travail qu’il accomplit comme une participation à l’œuvre créatrice et rédemptrice et comme un moyen de sainteté (cf. QCP 47).

3. Participation de chaque chrétien à la mission de l’Église

Comme nous l’avons déjà noté dans certains des textes cités, il est clair que, dans les enseignements de saint Josémaria, la configuration sacramentelle avec le Christ, par le caractère reçu dans le Baptême et la Confirmation qui font de nous des membres d’un peuple saint (1 P 2, 19), implique l’appel non seulement à la sainteté mais aussi à la mission (cf. AD 5). Dans ses écrits il souligne une unité forte et simple entre sainteté et apostolat : « L'apostolat fait partie de la nature même du chrétien : ce n'est pas quelque chose de surajouté, de superposé, d'extérieur à son activité quotidienne, à ses occupations professionnelles. Je n'ai cessé de le répéter depuis que le Seigneur a voulu faire naître l'Opus Dei : il s'agit de sanctifier le travail ordinaire, de se sanctifier dans cette tâche et de sanctifier les autres dans l'exercice de sa profession, chacun dans son état » (QCP 122). Au milieu du XXe siècle certains auteurs considéraient que la Confirmation était le sacrement de la maturité, du soldat prêt à défendre sa foi. C’est pour cela que certains ont présenté ce sacrement comme la base de l’apostolat des laïcs. Le fondateur de l’Opus Dei, sans nier l’importance de la Confirmation (cf. QCP 106), enseigne que le Baptême confère déjà une mission divine, un appel à vivre dans l’amour de Dieu et à faire connaître cet amour aux autres dans sa propre vie. C’est ainsi, comme nous l’avons déjà dit, qu’il parlait du chrétien comme alter Christus, ipse Christus.

Comme partie intégrante de la mission reçue par le baptême saint Josémaria souligne comme aspects de cette tâche : annoncer le salut (cf. QCP 131 et suiv. ; Aimer l’Église, pp. 35 et 37), faire du royaume du Christ une réalité (cf. QCP 183), témoigner de la joie de la filiation divine (cf. QCP 30), co racheter avec le Seigneur, exercer le sacerdoce commun dans le monde (cf. QCP 106 & 120), être sel et lumière du monde (cf. QCP 147 ; AD 61). Il a toujours présenté les pratiques de piété et de vie intérieure comme des réalités qui doivent imprégner la vie ordinaire et l’accomplissement des obligations que l’existence dans le monde implique. Cette vision unitaire de la mission du chrétien est fondée sur le mystère de l’Incarnation et sur la vie concrète du Christ qui montre que tous les événements humains renferment une signification divine. Ses affirmations, très répétées, selon lesquelles le chrétien ne peut pas vivre isolément des autres ne sont pas une simple exhortation moralisatrice mais l’écho d’une conscience qui engage toute la vie de chaque fidèle chrétien et qui doit se refléter concrètement dans la sphère sociale (cf. C 301 ; QCP 124 et ss., QCP 175).

Enfin, il expliquait que la spiritualité de l’Opus Dei se centrait sur la résolution pour vivre de manière responsable, avec l’aide de Dieu, les engagements et les exigences baptismales du chrétien en recherchant la sainteté et en faisant l’apostolat par la sanctification de son propre travail (cf. Entretiens 22). L’activité principale de l’Opus Dei est donc de donner à ses membres, et à ceux qui le souhaitent, les moyens spirituels nécessaires pour vivre comme de bons chrétiens au milieu du monde (Cf. Entretiens 22 & 27).


Thèmes connexes : Âme sacerdotale ; Apostolat ; Baptême et Confirmation ; Concile Vatican II ; Fidélité ; Identification au Christ ; Église ; Laïcs ; Sacerdoce commun ; Sacerdoce ministériel ; Sainteté ; Sainteté (appel universel à la) ; Service (esprit de) ; Homme et femme.

Bibliographie :AD 1-22 ; Aimer l’Église, pp. 20 à 74 ; QCP 102-116 ; Luis Alonso, « La vocation apostolique du chrétien dans l’enseignement de Mgr Josémaría Escrivá de Balaguer », dans Pedro Rodríguez - Pio G. Alves de Sousa - José Manuel Zumaquero (dirs.) Mgr Josemaría Escrivá de Balaguer et l’Opus Dei. À l’occasion du 50e anniversaire de sa fondation, Pampelune, EUNSA, 1985, p. 229-292 ; José Luis Illanes, « Le chrétien « alter Christus-ipse Christus ». Sacerdoce commun et sacerdoce ministériel dans l’enseignement du bienheureux Josémaría Escrivá de Balaguer », dans Gonzalo Aranda et al. Bible, Exégèse, Culture. Études en l’honneur du professeur José María Casciaro, Pampelune, EUNSA, 1994, p. 605-622 ; Antonio Aranda « Le bouillonnement du Sang du Christ ».Étude sur le christocentrisme du Bienheureux Josémaría Escrivá, Madrid, Rialp, 2001 ; Álvaro del Portillo Fidèles et laïcs dans l’Église. Bases de leurs statuts juridiques respectifs, Pampelune, EUNSA, 1991.

Miguel De Salis Amaral