- L’espérance dans la vie de saint Josémaria.
- Espérance théologale, expérience vécue de la grâce de Dieu et espérance humaine.
- L’espérance chrétienne, une réalité authentiquement humaine.
- La force de l’espérance théologale n’est pas compatible avec la passivité et l’évasion irresponsable.
- La lutte ascétique chrétienne, manifestation de la vertu d’espérance.
- L’apostolat chrétien, fruit de l’espérance.
- Conclusion : l’espérance chrétienne et l’appel universel à la sainteté.
La vertu théologale d'espérance, fondamentale pour tout chrétien, l'a été aussi dans la vie et l'enseignement de saint Josémaria. En 1934, il écrit dans Considérations spirituelles : « Attends tout de Jésus : tu n’as rien, tu ne vaux rien, tu ne peux rien. — Il agira si tu t’abandonnes à Lui » (p. 67 ; C 731). Cette conviction fondamentale est restée, et s'est même renforcée, au fil des ans. Au début de son homélie L'espérance du chrétien publiée dans Amis de Dieu, saint Josémaria reprend les paroles de 1934 et les complète par deux considérations significatives. La première est autobiographique : ces mots avaient été écrits « fort d’une conviction qui grandissait de jour en jour (…). Le temps a passé, et ma conviction n’en est devenue que plus vigoureuse, plus profonde aussi » (AD 205). La seconde est apostolique et ecclésiale : « J’ai pu constater comment, dans bien des existences, l’espérance en Dieu avait allumé de merveilleux foyers d’amour, brûlant d’un feu qui tient le cœur en haleine, sans découragements, sans relâchements, même si l’on souffre au long du chemin, et si l’on souffre parfois pour de bon » (ibidem).
1. L'espérance dans la vie de saint Josémaria
L'affirmation « attends tout de Jésus… » n'était pas pour le fondateur de l'Opus Dei un point de départ théorique, mais un point d'arrivée : une conviction appuyée sur l’expérience de sa propre vie comme sur celle de l'Opus Dei et de l’Église tout entière : une conviction vécue, plutôt que déduite, ayant pour origine la grâce de Dieu. Le fondateur de l'Opus Dei ne parle pas de l'espérance chrétienne comme d'une vertu considérée dans l'abstrait ; il parle de l'espérance du chrétien, qui se vit au jour le jour : « Quand tu parleras des vertus théologales, de la foi, de l’espérance, de l’amour, pense que ce qui importe d’abord, c’est de vivre ces vertus, avant de théoriser sur elles » (F 479). L'espérance est qualifiée de « théologale » car l'union pleine et éternelle avec Dieu est son « objet formel quod » c'est-à-dire ce qu'on espère ; et Dieu tout-puissant et miséricordieux est son « objet formel quo » c'est-à-dire la raison pour laquelle on espère. Et il en est ainsi parce que Dieu lui-même agit directement dans l'homme qui espère, en le poussant à faire des pas en avant, en le motivant intérieurement, en lui faisant surmonter les obstacles, le péché, l'angoisse, le vide. Cette conviction de saint Josémaria, à la fois personnelle et ecclésiale, peut donc être considérée comme un lieu théologique, un espace valable pour la réflexion chrétienne. Car les saints non seulement transmettent une doctrine, mais c'est leur vie qui fait prendre corps à la doctrine, et en ce sens l’illustre.
La richesse et la profonde résonance humaine des expressions de saint Josémaria sur l'action de Dieu à travers la vertu d'espérance sont remarquables. Il en parle en la qualifiant de « conviction », de « sécurité », de « doux don de Dieu », de « désir qui nous soutient » (QCP 3) ; d'une réalité faite de feu, de chaleur, d'amour, de serrer « la main puissante que Dieu nous tend à tout moment » (AD 213) ; d'une sécurité et d'une confiance que Dieu place en nous (cf. AD 214) ; de la protection divine « que nous touchons du doigt » (AD 216), et qui apporte avec elle « l’assurance de me sentir, de me savoir, fils de Dieu » (AD 208), et de savoir que « Dieu nous gouverne par sa Toute-Puissance providente, qu’Il nous donne tous les secours nécessaires» (AD 218) ; d'un don divin qui engendre une joie surnaturelle, étant comme une authentique « anticipation de l’amour sans fin dans notre Patrie définitive » (AD 278) qui attend notre arrivée et d’où résonne l'appel définitif : « Viens dans la maison de ton Père ».
La réflexion de saint Josémaria est le fruit de l'expérience vécue de la grâce de Dieu au milieu des circonstances quotidiennes : à partir de cette expérience, avec une lecture méditée et personnellement intériorisée de la Parole de Dieu, le sens et la richesse inépuisable de cette parole vive et vivifiante qui conduit à une confiance totale en Dieu, se découvre et se redécouvre, s'approfondit et se confirme sans cesse.
2. Espérance théologique, expérience vécue de la grâce de Dieu et espérance humaine
L'espérance est d'abord le fruit de l'expérience de la grâce de Dieu, puisque le chrétien doit avant tout diriger son regard vers le ciel, car là seulement « nous attend l'Amour infini » (AD 206). C'est pourquoi « un chrétien sincère, cohérent avec sa foi, n’agit que par référence à Dieu, dans une perspective surnaturelle. Il travaille en ce monde (qu’il aime passionnément), pleinement engagé dans les affaires de la terre, le regard tourné vers le ciel » (AD 206). À plusieurs reprises, le fondateur de l'Opus Dei explique que l'objet et la raison de notre espérance ne peuvent être que Dieu lui-même (cf. AD 211, 219, 220).
Saint Josémaria souligne également que l'alternative à la vie chrétienne imprégnée d'espérance ne serait pas une existence simplement humaine ou neutre ; Il s'agirait plutôt d'une « vie animale », au ras du sol, même si l'homme parvenait à mener une existence « avec plus ou moins de teinture humaine » (AD 206). Saint Josémaria reconnaît la légitimité des espoirs concrets, se référant à des objectifs limités (accomplir un travail, atteindre un certain but, etc.), mais il décrit avec douleur et sensibilité la situation pathétique et désespérée de personnes qui essaient, peut-être avec de grands efforts, de vivre une vie d'espérance sans Dieu. « Je suis toujours porté à respecter et même à admirer la ténacité de celui qui travaille résolument pour un idéal digne de ce nom. Je me sens cependant dans l’obligation de rappeler que tout ce que nous commençons ici-bas, s’il s’agit d’une entreprise exclusivement nôtre, naît marqué du signe de la précarité » (AD 208 ; cf. AD 209). Pour cette raison, conclut-il, « rien n’est peut-être plus tragique dans la vie d’un homme que ces méprises dues à la corruption et à la falsification de l’espérance, quand celle-ci est présentée en dehors de la perspective de l’Amour qui rassasie sans rassasier » (AD 208).
La lecture de ces textes pourrait faire penser que l'auteur décrit une expérience de grâce divine de nature verticale ou désincarnée, comme si le seul protagoniste de la vie chrétienne était Dieu lui-même, qui veille à nous épargner l'effort, l'énergie, l'élan intelligent et persévérant, l'engagement, la solidarité constante, de sorte que l'homme se laisse passivement emporter par la grâce. Il pourrait sembler, en somme, que le dynamisme propre à la vertu d'espérance, décrite par saint Josémaria, revêt à la fois un caractère d'exception et manque fondamentalement d'articulation avec la réalité humaine, c'est-à-dire avec le quotidien, avec la tâche humaine de construire un monde meilleur, avec les « espérances terrestres » (AD 207) ou les « petites espérances » dont parle Benoît XVI dans la lettre encyclique Spe salvi (nos 30, 31, 35, 39). Mais ce n'est pas le cas.
Afin de montrer en détail l'humanité de l'espérance, et en même temps saisir la nature théologique de la réflexion sur cette vertu, il convient d'analyser la doctrine de saint Josémaria dans une double perspective : ecclésiale et anthropologique. Toutes deux sont profondément enracinées dans la réflexion théologique de saint Josémaria sur la vertu d'espérance. Ce fait se vérifie à travers quatre étapes que nous allons voir maintenant. En premier lieu, la vie chrétienne, animée par la vertu théologale d'espérance, est configurée comme une réalité pleinement humaine qui peut émerger dans toutes les situations, aussi limitées et conjoncturelles soient-elles. Deuxièmement, la force de l'espérance théologique n'élimine pas l'effort humain ; elle s'oppose donc à la passivité et à l'évasion irresponsable. Troisièmement, l'expression la plus juste de la vitalité concrète de la vertu d'espérance est la lutte ascétique chrétienne vécue à fond. Enfin, l'espérance chrétienne se concrétise dans l'apostolat chrétien.
3. L'espérance chrétienne, une réalité authentiquement humaine
Parlant de la relation entre les espérances terrestres et l'espérance chrétienne, le fondateur de l'Opus Dei s'adresse personnellement au lecteur dans un paragraphe riche et dense : « Quant à moi, et je désire qu’il en aille de même pour vous, l’assurance de me sentir, de me savoir, fils de Dieu, me remplit d’une espérance véritable, cette vertu surnaturelle qui, quand elle est infusée dans les créatures, se conforme à notre nature, ce qui fait d’elle aussi une vertu très humaine. (...) Cette assurance m’invite à comprendre que seul ce qui porte l’empreinte de Dieu révèle le sceau indélébile de l’éternité et possède une valeur impérissable. C’est pourquoi l’espérance ne m’écarte pas des choses de cette terre. Elle me rapproche au contraire de ces mêmes réalités d’une façon nouvelle, d’une façon chrétienne, qui tente de découvrir en toutes choses les liens de la nature déchue avec Dieu Créateur et avec Dieu Rédempteur » (AD 208).
C'est-à-dire que le chrétien, parce qu'il est enfant de Dieu, voit et considère toute la réalité qui l'entoure à la lumière de l'action créatrice du Père, de l'action rédemptrice du Fils, de l'action sanctificatrice de l'Esprit Saint. Le chrétien, précisément parce qu'il attend tout de Dieu et de Lui seul, ne cesse « d'espérer » dans les choses et des choses qu'Il a créées ; il ne cesse d'espérer en l'homme même lorsqu'il apparaît à ses yeux comme peu fiable - comme pécheur - car il se rend compte que le Christ a vaincu le monde. Saint Josémaria insiste sur cet élan intensément humain d'espérance chrétienne dans de nombreux textes. « "C'est un temps d'espérance, et je vis de ce trésor. Ce n'est pas une phrase, Père, me dis-tu, c'est une réalité." Eh bien..., le monde entier, toutes les valeurs humaines qui t'attirent avec une si grande force (l'amitié, l'art, la science, la philosophie, la théologie, le sport, la nature, la culture, les âmes...) place tout cela dans l’espérance : dans l'espérance du Christ » (S 293 ; cf. AD 221).
Pour cette raison, le fondateur de l'Opus Dei comprend l'optimisme, théologiquement, comme une manifestation authentique d'une espérance chrétienne projetée sur les choses humaines afin de lever les obstacles qui s'opposent au progrès terrestre (cf. AD 219). Saint Josémaria dit la même chose dans son homélie sur l'Ascension du Seigneur : « Je n'ai pas la vocation de prophète de malheur. Et je ne désire pas, en vous disant cela, vous présenter un panorama désolant et sans espérance. Je ne prétends pas me plaindre de ces temps où nous vivons par la Providence du Seigneur ; nous aimons notre époque parce qu'elle est le cadre dans lequel nous devons atteindre notre sanctification. Nous n'admettrons pas de naïves et stériles nostalgies : le monde n'a jamais été meilleur. Depuis toujours, dès l'aube de l'Église, alors que durait encore la prédication des douze premiers, de violentes persécutions ont surgi, des hérésies sont nées, le mensonge s'est répandu et la haine s'est déchaînée » (QCP 123).
4. La force de l'espérance théologique n'est pas compatible avec la passivité et l'évasion irresponsable
Saint Josémaria critique la falsification de l'espérance qui consiste à assumer un horizon de vie simplement humain ou mondain ; mais il existe une autre manière de considérer l'espérance qui est également incompatible avec la doctrine chrétienne : une vision fausse et insouciante ou irresponsable de la « confiance » en Dieu. L'espérance, selon ce point de vue, serait un alibi pour justifier l'égoïsme subtil, le fantasme qui veut échapper au moment présent, l'indolence, le confort, la superficialité, l'évasion de la réalité humaine et chrétienne concrète. « La ritournelle tant rebattue que l’espérance est la dernière chose que l’on perd vient aux lèvres de beaucoup avec une cadence monotone. Comme si l’espérance était une sorte de bouée qui permet de continuer à marcher sans complications et sans inquiétudes de conscience ! Ou encore, comme si elle était un prétexte pour reporter sine die l’occasion de rectifier notre conduite, la lutte pour atteindre des buts élevés et notamment notre fin suprême, qui est de nous unir à Dieu ! Je dirai même que c’est là un bon moyen de confondre l’espérance avec la commodité. Car, au fond, il manque le désir d’atteindre un vrai bien, légitime, ni spirituel ni matériel. La plus haute aspiration de certains se réduit à se dérober à tout ce qui pourrait altérer la tranquillité, apparente, de leur existence médiocre. Avec cette âme timide, chétive et paresseuse, la créature se laisse atteindre par des formes subtiles d’égoïsme et se contente de ce que jours et années s’écoulent sine spe nec metu : sans aspirations exigeant un effort, sans les inquiétudes de la mêlée. L’important alors est d’éviter le risque de déconvenues et de larmes. Comme on est bien loin d’obtenir quelque chose, si l’on n’a pas su répondre au désir de le posséder, par crainte des exigences que cela représente ! » (AD 207 ; cf. AD 211, AD 217 ; C 412 ; F 57).
Il est évident que l'invitation chrétienne, fortement réitérée par saint Josémaria, à un esprit de gratitude et de confiance en Dieu comme fruit de la vertu d'espérance, n'exclut pas un effort intelligent, solidaire, réaliste, adapté à une situation historique concrète du chrétien. Le paradoxe et la principale richesse de la réflexion de saint Josémaria sur l'espérance résident précisément dans l'exacte correspondance entre l'action divine propre à cette vertu et le dur combat du chrétien. Quand il n'y a pas de lutte, on peut dire qu'il n'y a pas de sainteté, non parce que la sainteté est un produit de la lutte ascétique, mais parce que la lutte ascétique chrétienne est une expression tangible de l'acceptation concrète et généreuse de la grâce de Dieu.
5. La lutte ascétique chrétienne, manifestation de la vertu d'espérance
On pense parfois que la grâce de Dieu sert à simplifier la vie humaine, à épargner à l'homme l'usage intelligent et persévérant de ses forces, à combler les lacunes et les déficiences de sa faiblesse ou de son incompétence. Seule une telle approche, dit-on, permettrait d'affirmer la pleine gratuité de la grâce divine et pourrait conduire à la confiance en Dieu. Cependant, il est évident pour saint Josémaria que la grâce de Dieu n'économise pas l'utilisation des énergies humaines, mais plutôt l'inverse, elle induit une authentique lutte ascétique, « compliquant la vie » du chrétien, comme il l'a maintes fois rappelé (cf. AD 21, 207, 223 ; ECP 19 ; C 6 ; F 900, 901). En d'autres termes, la confiance humaine en Dieu et en sa grâce se reflète précisément dans une lutte ascétique persévérante et pratique.
L'entrelacement riche entre la grâce divine et la réponse humaine généreuse, humble, engagée et intelligente est au cœur même des écrits du fondateur de l'Opus Dei. On peut dire que ses enseignements à cet égard présupposent deux réalités complémentaires. La première, l'action de Dieu par la grâce qui pousse l'homme à la lutte persévérante pour surmonter les obstacles qui s'opposent à une vie chrétienne. Et la seconde, la réponse libre et personnelle de l'homme à cette grâce, qui se manifeste comme une lutte ascétique concrète et habituelle. En tout cas, il y a trois grandes manifestations pratiques de cette réciprocité entre la vertu d'espérance et la lutte chrétienne.
a) Sans correspondance avec la grâce, l'action de Dieu dans l'homme est inefficace.
De nombreux passages de l'homélie L'espérance du chrétien exposent la conviction qu’avec notre réponse personnelle, le Seigneur « œuvre en nous et à travers nous », insufflant la sécurité dans notre âme, afin que les difficultés objectives qui nous obligent à combattre ne soient pas un obstacle mais une condition du développement de la vie chrétienne, car elles nous offrent la possibilité de suivre de près le Christ ; au contraire, lorsqu'il n'y a pas de lutte concrète, le sens et la fraîcheur de l'espérance se perdent (cf. AD 210, 211, 212, 214, 216).
b) Dans l'exercice concret de la lutte ascétique, le regard est posé avec confiance sur Dieu.
Le chrétien lutte dans un combat pratique et persévérant, dans un combat joyeux, positif, amoureux, qui se manifeste dans l'exercice concret des vertus humaines, dans l'accomplissement du devoir, dans la charité envers ceux qui l'entourent. Cependant, il le fait toujours « pour Dieu, la pensée fixée sur Sa gloire, le regard vers le haut, aspirant à la Patrie définitive ». Cette idée se vérifie dans les différents passages de l'homélie L'espérance du chrétien : « C’est pourquoi je serai convaincu de la sincérité de ton intention d’atteindre le but, si je te vois marcher avec détermination. Fais le bien, en révisant ton attitude habituelle devant les occupations de chaque instant. Pratique la justice, précisément dans les milieux que tu fréquentes, même si tu en es rompu de fatigue. Rends heureux ceux qui t’entourent, en les aidant sans réserve dans le travail, en t’efforçant d’achever le tien avec la plus grande perfection humaine possible, par ta compréhension, ton sourire, ton attitude chrétienne. Et le tout pour Dieu, en pensant à sa gloire, le regard tourné vers le Ciel, dans un désir ardent de la Patrie définitive, le seul but qui en vaille la peine » (AD 211 ; cf. AD 217, 219).
Il y a donc dans la lutte ascétique une confiance filiale fondée sur les promesses de Dieu lui-même, une confiance qui n'est ni abstraite ni occasionnelle, mais exercée « avec un regard vers le haut », également dans les moments de plus grande lassitude. Et c'est cette confiance qui donne la force, qui donne la force divine authentique (cf. AD 213, 214, 218 ; C 473).
c) La lutte ascétique, avec sa caractéristique « commencer et recommencer », si typique de la vertu d'espérance, se traduit par l'humilité, la conversion et la pénitence.
De nombreux textes du fondateur de l'Opus Dei exposent ce principe. Par exemple : « Pour ces batailles de l’âme, la stratégie est souvent une question de temps et consiste à appliquer le remède adéquat avec patience, avec obstination. Faites davantage d’actes d’espérance. Encore une fois, vous connaîtrez des défaites, ou vous passerez par des hauts et des bas dans votre vie intérieure, que Dieu veuille bien les rendre imperceptibles ! Personne ne se trouve à l’abri de ces contretemps. Mais le Seigneur, qui est tout-puissant et miséricordieux, nous a accordé les moyens appropriés pour vaincre. Il ne nous reste qu’à les employer, ainsi que je le commentais tout à l‘heure, avec la résolution de commencer et de recommencer, à chaque instant s’il le fallait » (AD 219 ; cf. AD 215, 217 ; F 222 et s.).
Enfin, un aspect central du combat chrétien décrit dans ces enseignements est la conversion, la pénitence, et par conséquent l'accueil assidu du sacrement de la Réconciliation, source de joie et fruit du don de l'espérance, don que le Seigneur nous accorde chaque fois avec plus grande abondance. Parlant du sacrement de Pénitence, saint Josémaria dit : « Si nous utilisons vraiment ces ressources, si nous prions aussi le Seigneur de nous accorder une espérance qui grandisse de jour en jour, nous posséderons la joie contagieuse de ceux qui se savent enfants de Dieu (...) Optimisme donc ! Poussés par la force de l’espérance, nous lutterons pour effacer la tache visqueuse que propagent les semeurs de haine, et nous redécouvrirons le monde dans une perspective pleine de joie, car ce monde est sorti beau et propre des mains de Dieu. Et, si nous apprenons à nous repentir, c’est empreint de cette même beauté que nous le Lui rendrons » (AD 219).
6. L'apostolat chrétien, fruit de l'espérance
L'espérance s'exprime d'une manière particulière dans l'effort apostolique du chrétien. Dans un passage de son homélie sur l'espérance, intitulé En quoi espérer, saint Josémaria commence par se poser une question : « Peut-être plus d’un en est-il à se demander : nous les chrétiens, en quoi devons-nous espérer ? Car le monde offre beaucoup de biens attirants pour notre cœur, qui réclame le bonheur et poursuit ardemment l’amour (…). Malheureusement d’aucuns, à la vision louable mais plate des choses, aux idéaux exclusivement caducs et fugaces, oublient que les aspirations des chrétiens doivent viser des sommets plus élevés, infinis. Ce qui nous intéresse, c’est l’Amour de Dieu, en jouir en plénitude avec une joie sans fin (…). Nous n’avons pas été créés par le Seigneur pour bâtir ici une cité définitive, car ce monde est le chemin vers un autre monde, qui est demeure sans chagrin. Cependant nous, les enfants de Dieu, nous ne devons pas nous désintéresser des activités humaines : Dieu nous y a placés pour les sanctifier, pour les imprégner de notre foi bénie, la seule qui amène la vraie paix et la joie authentique aux âmes et aux différents milieux du monde. Voici quelle a été ma prédication constante depuis : il est urgent de christianiser la société et d’imprégner de sens surnaturel toutes les couches de cette humanité que nous formons, afin que, les uns et les autres, nous nous efforcions d’élever à l’ordre de la grâce nos tâches quotidiennes, notre profession, notre métier. Ainsi, toutes les occupations humaines s’éclairent d’une espérance nouvelle, qui transcende le temps et la fugacité de ce monde » (AD 209-210).
« Et les âmes - affirme-t-il dans une autre de ses homélies -se tournent vers nous dans l’espoir de rassasier leur faim, qui est une faim de Dieu. Nous ne saurions oublier que nous disposons de tous les moyens : la doctrine suffisante, et la grâce du Seigneur, malgré nos misères » (AD 51). Et dans une troisième homélie, destinée à parler de la participation de chaque chrétien à la mission confiée par le Christ à l'Église, il conclut par ces mots : « Demande à Marie, Regina apostolorum, de te décider à partager ces désirs de semailles et de pêche qui vibrent dans le Cœur de son Fils. Je t’assure que si tu commences, tu verras, comme les pêcheurs de Galilée, la barque remplie à ras bord. Et tu verras aussi le Christ qui t’attend sur la rive. Parce que la pêche est à Lui » (AD 273).
7. Conclusion : l'espérance chrétienne et l'appel universel à la sainteté
L'exercice de la vertu théologale d'espérance doit être considéré comme essentiel dans toute la réflexion théologique et spirituelle de saint Josémaria. Il suffit de penser à sa prédication inlassable, tout au long de sa vie, sur l'appel universel à la sainteté. Affirmer, comme l'a fait le Concile Vatican II, que l'appel à la sainteté est effectivement universel, c'est proclamer : 1) que la réalité humaine ou créée incline l'homme vers Dieu et prépare le chemin vers l'espérance théologique, et 2), en même temps, qu'aucune réalité créée ne peut sérieusement entraver ou conditionner le déploiement de la bonté toute-puissante de Dieu, déterminée à conduire ses enfants à la plénitude de la sainteté dans le Christ. Par conséquent, le chrétien peut et doit attendre de Dieu la grâce, l'abondance de ses dons, non - pour ainsi dire - malgré ses propres limitations intérieures et obstacles extérieurs, mais dans et à travers toutes les vicissitudes et circonstances de son existence concrète.
Thèmes connexes : Charité ; Foi ; Lutte ascétique ; Sainteté.
Bibliographie : AD 205-221 Paul O’CALLAGHAN, “La virtud de la esperanza y la ascética cristiana en algunos escritos del Beato Josemaría Escrivá, Fundador del Opus Dei” Romana. Boletín de la Prelatura de la Santa Cruz y Opus Dei, 23 (1996), pp. 262-279; José Luis ILLANES Cristo, esperanza del mundo. Reflexiones sobre la Encíclica “Spe salvi”, Madrid, Rialp, 2011; José Miguel PERO-SANZ ELORZ, “Esperanza cristiana y liberación temporal en el beato Josemaría Escrivá”, en José Miguel PERO-SANZ ELORZ - Jean-Marie AUBERT - Tomás GUTIÉRREZ CALZADA (eds.) Acción Social del cristiano. El Beato Josemaría Escrivá y la Doctrina Social de la Iglesia, Madrid, Palabra, 1996, pp. 9-83.