CONVERSION

1. Enseignements bibliques. 2. Première conversion et conversions successives. 3. Éléments de la doctrine de la conversion.

1. Enseignements bibliques.
2. Première conversion et conversions successives.

3. Éléments de la doctrine de la conversion.

Dans un sens religieux, la conversion est comprise comme la transformation par laquelle le sujet passe d’une vie pécheresse à une vie vertueuse et juste. Cela signifie aussi le passage de l’incrédulité à la foi, et le retour à la foi après un temps d’éloignement. Dans son sens théologique, elle consiste en la libre acceptation par l’homme du don de Lui que Dieu fait en Christ par l’Esprit Saint.

1. Enseignements bibliques

La conversion implique un changement profond que le Nouveau Testament décrit comme le passage des ténèbres à la lumière (cf. Jn 1, 4-9 ; Actes 26, 18 ; 1 P 2, 9 ; Ep 5, 8), de la vie selon la chair à la vie selon l’esprit (Rm 8, 1-13 ; Gal 5, 15-26), du pouvoir et de l’esclavage de Satan à la liberté des enfants de Dieu. C’est, en bref, la mort du « vieil homme » et l’apparition de « l’homme nouveau » ressuscité en Christ (Ep 4, 22-24), une seconde naissance, une résurrection, une nouvelle création.

Dans le langage biblique, l’idée de conversion est exprimée par les verbes hébreux šûb et nhm (en grec, strefô et metánoia). Le premier signifie : se diriger vers un but ou un idéal différent de celui que nous avions jusqu’à présent, s’éloigner de, revenir (bien qu’en soi il n’ait pas de valeur religieuse, il a acquis progressivement le sens de retour vers Yahvé par la foi, l’obéissance et le rejet des mauvaises actions, tant de la part du peuple élu que de chaque individu). Le second signifie : soupirer, sangloter, se faire violence, se repentir, réconforter ; il exprime l’idée de conversion morale ou religieuse, de retour vers Dieu dans son sens le plus fort. Si dans l’Ancien Testament, se convertir c’était vivre selon la loi de Yahvé, fuir ce qui Lui déplait, dans le Nouveau Testament, la conversion acquiert un caractère christocentrique marqué : elle consiste à écouter et à suivre Jésus-Christ, c’est-à-dire à croire en Lui, vivre sa vie (cf. parmi beaucoup d’autres textes Lc 9, 23 et Phil 1, 21).

L’Écriture Sainte montre clairement la primauté de l’action gratuite de Dieu dans la conversion : Il sort à la rencontre, appelle et avance en donnant sa grâce : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6, 44). En ce sens, le Magistère de l’Église a affirmé à plusieurs reprises la nécessité de la grâce et de l’aide de l’Esprit Saint, et a également souligné le rôle de la liberté de l’homme pour accueillir l’Évangile (cf. CEC, nos 1426-1429).

2. Première conversion et conversions successives

Il est traditionnel dans la théologie spirituelle de se référer à une première conversion, qui se produit avec le baptême, par laquelle l’homme est justifié et sanctifié, naissant dans la vie de grâce ; et aux conversions successives, dans la mesure où l’étape initiale est susceptible d’améliorations lorsque le croyant, avec la grâce et ses bonnes œuvres, s’identifie davantage au Christ. « La liturgie de l’Église propose aux chrétiens des temps spéciaux de conversion, comme ceux de l’Avent et du Carême. Cependant, la conversion personnelle doit être une attitude permanente du croyant, en réponse à l’appel universel à la sainteté (cf. Mt 5, 48) » (Alonso, 2006, p.186). La première conversion est aussi comprise comme le moment de la prise de conscience de la vocation propre à chacun à l’intérieur de l’appel commun à la sainteté que Dieu adresse à tous les hommes, c’est-à-dire la perception de la manière concrète dont la vocation chrétienne est déterminée en accédant, tout au long de sa propre existence, à la condition d’enfants de Dieu. Quoi qu’il en soit, on peut donc affirmer que la vie chrétienne est une conversion continue, c’est-à-dire une vie qui se construit par des conversions successives ou des secondes naissances, dans la rencontre avec Dieu par Jésus-Christ dans l’Esprit Saint, dans la prière, dans l’Écriture et dans les sacrements.

Cette doctrine commune de l’Église trouve une expression claire et synthétique dans un texte de saint Josémaria : « La conversion est chose d’un instant. — La sanctification est l’œuvre de toute la vie » (C 285). Ici, saint Josémaria utilise le terme « conversion » dans un sens très proche de celui de « justification », c’est-à-dire comme un changement de pécheur à juste, mais aussi dans celui du changement par lequel une personne se rend compte qu’elle doit passer d’une existence superficielle à une autre, engagée et cohérente. Ainsi comprise, la conversion a bien lieu en un instant, même si elle peut comporter des actes de préparation antérieurs. Il applique le mot « sanctification », en revanche, au déploiement, rendu possible et guidé par la grâce de Dieu, de la radicale « sanctification » produite au moment de la justification (cf. CECH, p. 468). Le message transmis par saint Josémaria cherche précisément à répandre parmi les chrétiens la force de la première conversion, et à déployer avec l’aide de la grâce, à travers les conversions successives, toute la virtualité de la première : « La semence divine de la charité, que Dieu a déposée dans notre âme, aspire à croître, à se manifester en œuvres, à produire des fruits qui répondent à tout moment à ce qui est agréable au Seigneur. Il est indispensable, pour cela, que nous soyons disposés à recommencer, à retrouver dans chaque nouvelle situation de notre vie — la lumière, l'élan de la première conversion » (QCP 58).

C’est ainsi qu’à un autre endroit, il mentionne : « Dans notre vie, dans la vie des chrétiens, la première conversion est importante — ce moment unique, dont chacun se souvient, où l'on découvre clairement tout ce que nous demande le Seigneur ; mais plus importantes encore, et plus difficiles, se révèlent les conversions suivantes. Et pour faciliter l'action de la grâce divine à travers les conversions postérieures, il faut garder une âme jeune, invoquer le Seigneur, savoir écouter, avoir découvert ce qui ne va pas, demander pardon » (QCP 57). En ce sens, les secondes conversions sont exigées par la première puisque, en réalité, elles ne sont que des moments d’un seul et même appel de Dieu à l’homme, et du déroulement de la réponse humaine qui cherche une plus grande proximité avec Dieu : « S’approcher un petit peu plus de Dieu veut dire être toujours prêt à se convertir de nouveau, à rectifier de nouveau ; à être à l’écoute de ses inspirations — ces saints désirs qu’il a fait naître dans notre âme —, et à les mettre en pratique » (F 32).

3. Éléments de la doctrine de la conversion

L’homélie La Conversion des Enfants de Dieu, recueillie dans Quand le Christ passe, nous fournit les principaux éléments de la doctrine de saint Josémaria sur le sujet qui nous occupe. Déjà le titre lui-même relie la conversion à la filiation divine, caractéristique essentielle de l’expérience et de la doctrine spirituelle de saint Josémaria : « La conscience de notre filiation divine imprègne de joie notre conversion, elle nous dit que nous sommes en train de revenir vers la maison du Père » (QCP 64). La conversion implique « un examen profond, en demandant au Seigneur son aide pour mieux Le connaître et mieux nous connaître. Il n'y a pas d'autre chemin pour nous convertir de nouveau » (QCP 58). L’humble reconnaissance du péché et l’assurance du pardon divin (« Dieu n'est pas lassé de nos infidélités. Notre Père du Ciel pardonne n'importe quelle offense lorsque l'enfant retourne vers Lui, lorsqu'il se repent et demande pardon » : QCP 64) conduit à la contrition (« cette conversion du cœur, qui suppose le désir de changer et la ferme décision d'améliorer notre vie. Cela se traduira, logiquement, par des œuvres de sacrifice et de don de soi » : QCP 64), et elle se matérialise dans le sacrement de pénitence : « revenir à la maison du Père au moyen de ce sacrement du pardon où, en confessant nos péchés, nous nous revêtons du Christ » (QCP 64). Ce désir de changement, la résolution de s’amender, se manifeste dans la lutte ascétique. Une constante des enseignements de saint Josémaria est de présenter la vie du chrétien non pas comme une accumulation de victoires, mais comme un commencement et un recommencement perpétuel : « C’est exprès que je le rabâche : la vie spirituelle est commencement et recommencement continuels. — Recommencer ? Oui ! Chaque fois que tu fais un acte de contrition — et nous devrions en faire beaucoup chaque jour — tu recommences, parce que tu offres à Dieu un amour nouveau » (F 384).

Dans le contexte théologique des enseignements de saint Josémaria sur la conversion, ne manque pas le recours filial à l’intercession de sainte Marie qui, du Ciel, poursuit sa fonction maternelle « Avant, seul, tu ne pouvais rien… — Désormais tu as eu recours à Notre Dame. Avec elle, comme tout est facile ! » : C 513), en « facilitant » la conversion : « C’est toujours par Marie que l’on va et que l’on “ revient ” à Jésus » (C 495).


Thèmes connexes : Contrition ; Réparation ; Filiation divine ; Force ; Examen de conscience ; Lutte ascétique ; Péché ; Pénitence, Vertu et sacrement de la ; Sainteté.

Bibliographie :QCP 57-66 ; Juan Alonso, « Conversion », dans César Izquierdo (dir.) - Jutta Burgraff - Félix María Arocena Dictionnaire de Théologie, Pampelune, EUNSA, 2006, pp. 181-187 ; Jacques Guillet, « Metanoia », dans DSp, X, 1980, cols. 1093-1099 ; José Luis Illanes, « Début de la vie spirituelle et conversion », dans Id. Traité de théologie spirituelle, Pampelune, EUNSA, 2007, p. 400-414 ; Fernando Ocáriz, « Vocation à la sainteté dans le Christ et dans l’Église », dans Manuel Belda - José Escudero - José Luis Illanes - Paul O’Callaghan (eds.) La sainteté et le monde. Actes du symposium théologique d’étude sur les enseignements du bienheureux Josemaría Escrivá (Rome, 12-14 octobre 1993), Madrid, EUNSA, 1996, pp. 35-54 ; Pedro Rodríguez Vocation, travail, contemplation, Pampelune, EUNSA, 1986.

Maria Angeles Vitoria