CONCILE VATICAN II

1. Saint Josémaria et les travaux du Concile Vatican II. 2. Syntonies entre l’esprit de l’Opus Dei et les documents de Vatican II. 3. Le stade postconciliaire.

1. Saint Josémaria et les travaux du Concile Vatican II.
2. Syntonies entre l’esprit de l’Opus Dei et les documents de Vatican II.

3. Le stade postconciliaire.

Le 9 octobre 1958, s’achevait le long pontificat de Pie XII, au cours duquel l’Église avait fait face à la période tempétueuse du deuxième conflit mondial et à une période d’après-guerre caractérisée, d’une part, par la menace de systèmes idéologiques et totalitaires inspirés par le marxisme-léninisme, et, d’autre part, par le début de la décolonisation. Moins de vingt jours plus tard, le 28 octobre, après un conclave assez rapide dans son ensemble, le Cardinal Angelo Guiseppe Roncalli, patriarche de Venise, âgé de 77 ans, est élu pape et prend le nom de Jean XXIII. Trois mois après son élection, le 25 janvier 1959, fête de la Conversion de saint Paul, il prononce un discours devant les cardinaux réunis dans la salle capitulaire du monastère bénédictin de Saint-Paul-hors-les-Murs, à l’issue d’une messe célébrée pour prier pour les catholiques persécutés, notamment en Chine. Au milieu de la surprise générale, le pontife prononça dans son discours les paroles suivantes : « Nous prononçons devant vous, certes un peu tremblants d'émotion, mais avec une humble résolution de propos, le nom et la proposition de la double célébration : celle d'un Synode diocésain pour la Ville et celle d'un Concile œcuménique pour l'Église universelle ». C’était une étape décisive près de quatre-vingt-dix ans après l’interruption dramatique du concile précédent, Vatican Ier, et parce que pareille considération avait déjà été faite pendant les pontificats de Pie XI et Pie XII, sans qu’il y ait été donné suite. Une fois les travaux préparatoires commencés, le Concile fut convoqué le 25 décembre 1961 par l’intermédiaire de la Constitution Apostolique Humanae salutis, pour l’année suivante. Vatican II commença le 11 octobre 1962, avec la participation de quelque deux mille cinq cents Pères conciliaires.

1. Saint Josémaria et les travaux du Concile Vatican II

Saint Josémaria Escrivá ne participa pas directement au Concile, mais il montra pour cet événement ecclésial d’une importance extraordinaire un intérêt et une attention très particuliers. En qualité de président général de l’Opus Dei, il aurait pu être invité à participer à Vatican II en tant que père conciliaire : il déclina d’avance cette offre, car cela risquait de confirmer son statut de président d’un institut séculier, juste au moment où il insistait, dans les dicastères romains, pour qu’une solution différente soit trouvée en ce qui concerne la nature juridique de l’Opus Dei : sa présence à ce titre au Concile Vatican II en tant que père conciliaire aurait pu être interprétée comme un précédent dans le sens de l’acceptation de l’existence de l’Opus Dei dans la figure canonique d’un institut séculier. Plus tard, on lui proposa de participer au Concile en tant qu’expert, mais il préféra renoncer à cette possibilité. Quoi qu’il en soit, Ignacio d’Orbegozo, prélat de Yauyos, et Luis Sánchez-Moreno Lira, évêque auxiliaire de Chiclayo, tous deux provenant du clergé de l’Opus Dei, allaient être des pères conciliaires (à partir de la troisième session, Alberto Cosme do Amaral, nommé évêque auxiliaire de Porto, agrégé de la Société sacerdotale de la Sainte-Croix, y participa également).

Ces renoncements ne signifiaient pas un manque d’engagement de la part de saint Josémaria face à un événement ecclésial aussi important. Au contraire, il offrit toute la collaboration possible, la sienne et celle de l’Opus Dei : il organisa une commission de travail dans l’Œuvre pour répondre à la lettre du Cardinal Domenico Tardini, envoyée à de nombreuses autorités ecclésiastiques et académiques, pour demander des suggestions et des thèmes en vue du Concile ; il accepta d’être privé d’une grande partie du temps de son principal collaborateur dans le gouvernement de l’Opus Dei, Don Álvaro del Portillo, qui fut nommé secrétaire de la Commissio de Disciplina Cleri et Populi Christiani ; dans une lettre du 28 juin 1960, il envoya au Cardinal Tardini, en réponse à une demande de sa part, une liste de douze membres de l’Œuvre parmi lesquels il serait possible de choisir d’éventuels collaborateurs pour l’assemblée conciliaire (en fait, ont été mis à la disposition du Concile, pour diverses tâches, les prêtres Julián Herranz Casado et Salvador Canals Navarrete, qui ont été soutenus par le travail de quelques professeurs de théologie et de droit canonique) ; il a conseillé aux membres de l’Œuvre du monde entier de participer – en tant qu’experts, etc. –, chaque fois qu’ils y étaient invités par les évêques, et de collaborer aux travaux préparatoires effectués dans les Églises particulières ; en 1963, il rédigea un avis sur les sujets qui pourraient être inclus dans le manuel des curés et dans le directoire catéchétique. En outre, non seulement il suivit avec un intérêt remarquable le développement des travaux, mais il l’accompagna de prières pour leur bonne conclusion. Il demanda également à tous les membres de l’Opus Dei de prier pour cette intention : le 12 juillet 1962, peu après une audience que Jean XXIII lui avait accordée (27 juin), il leur écrivit pour leur demander d’offrir des prières, des mortifications et leur travail quotidien pour le bon résultat du concile œcuménique. Il réitéra cette demande à d’autres occasions et conseilla qu’on récite souvent, avec cette intention, l’hymne Veni, Sancte Spiritus.

A cela s’ajoute qu’il échangea fréquemment des idées avec les fidèles de l’Œuvre qui étaient Pères conciliaires. Il eut également de nombreuses rencontres avec les pères et les experts du Concile, ce qui lui permit de bien connaître les faits et, en même temps, de transmettre son expérience pastorale en relation avec l’apostolat des laïcs et leur mission d’évangélisation dans l’Église. Souvent, ce sont les pères ou les experts qui venaient rendre visite à Saint-Josémaria au siège de l’Opus Dei, rue Bruno Buozzi, 73 (Villa Tevere), dans le quartier romain du Parioli (à plus d’une occasion, la visite était liée à des invitations à déjeuner ou à dîner). Parmi les évêques qui ont rencontré le fondateur de l’Œuvre figurent, par exemple : John Joseph Wright, archevêque de Pittsburgh ; le Card. Miguel Darío Miranda y Gómez, archevêque de México ; Octavio Antonio Beras Rojas, archevêque de Saint-Domingue ; George Andrew Beck, archevêque de Liverpool ; Le Card. José María Bueno Monreal, archevêque de Séville ; le Card. Fernando Quiroga Palacios, archevêque de Saint-Jacques-de-Compostelle ; François Marty, archevêque de Reims ; Guillaume-Marie van Zuylen, évêque de Liège ; le Card. Julius Döpfner, archevêque de Munich ; le Card. Franziskus König, archevêque de Vienne ; le Card. Alfredo Ottaviani, secrétaire de la Sacrée Congrégation du Saint-Office ; le Card. Giuseppe Siri, archevêque de Gênes.

2. Syntonies entre l’esprit de l’Opus Dei et les documents de Vatican II

Vatican II a été un événement particulièrement important pour l’Opus Dei, non seulement en raison de sa pertinence générale dans la vie de l’Église, mais aussi parce que certains des aspects fondamentaux de la spiritualité promue par cette institution ont été confirmés dans l’assemblée conciliaire, ce qui explique pourquoi saint Josémaria a été reconnu comme un précurseur de certains thèmes conciliaires par divers participants, comme les cardinaux Joseph Frings, Franziskus König et Giacomo Lercaro. Dans le chapitre IV de la constitution dogmatique sur l’ÉgliseLumen gentium, du 21 novembre 1964, se trouvaient présents de nombreux thèmes qui avaient fait l’objet de la prédication de saint Josémaria depuis les années vingt et trente ; par exemple, au numéro 31 de ce document on lit les mots suivants : » La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. À cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres, avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité. C’est à eux qu’il revient, d’une manière particulière, d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis ». Le chapitre V de la Const. Dogm. Lumen gentium, d’autre part, est entièrement consacré à la vocation universelle à la sainteté dans l’Église, un autre élément typique de la prédication du fondateur de l’Opus Dei. C’est également dans le décret sur l’apostolat des laïcs, Apostolicam actuositatem du 18 novembre 1965, qu’on trouve des consonances uniques avec les enseignements de Mgr Escrivá et avec la praxis apostolique de l’Opus Dei. Et enfin, la Const. Past. Gaudium et Spes (nn. 33-39) proclame une doctrine sur le travail qui se rattache à ce que saint Josémaria avait prêché à cet égard depuis 1928.

En plus de voir confirmées des idées centrales de sa spiritualité, l’Œuvre trouva dans le Concile la possibilité d’une solution à la question de sa configuration juridique au sein de l’ordre canonique : en effet, le décret sur le ministère et la vie sacerdotale, Presbyterorum ordinis du 7 décembre 1965, au numéro 10, prévoyait la création de la figure juridique de la prélature personnelle lorsque cela était nécessaire pour la réalisation d’activités pastorales particulières, ce qui a permis à l’Opus Dei d’être érigé, en 1982, en une entité hiérarchique de ce type, abandonnant la condition d’institut séculier et trouvant enfin une forme juridique appropriée à sa nature.

3. Le stade postconciliaire

Paul VI, avec la Lettre Ap. In Spiritu Sancto, du 8 décembre 1965, déclarait le concile achevé : la difficile étape postconciliaire s’ouvrait alors. Quelques mois plus tôt, le 24 octobre, saint Josémaria Escrivá avait adressé une lettre aux membres de l’Opus Dei, dans laquelle il les invitait à se consacrer à l’application des résultats de Vatican II, pour lesquels il montrait sa vénération. C’est ainsi qu’il écrivait : « Vous connaissez l’amour avec lequel j’ai suivi au cours de ces années le travail du Concile, en coopérant avec ma prière et, plus d’une fois, avec mon travail personnel. Vous connaissez aussi mon désir d’être fidèle – et que vous soyez fidèles - aux décisions de la Hiérarchie de l’Église jusque dans les moindres détails, agissant non plus comme sujets d’une autorité, mais avec la piété des enfants, avec l’affection de ceux qui se sentent et sont membres du Corps du Christ » (Lettre24-X-1965 : AGP, série A.3, 94-4-2). En même temps, le fondateur de l’Opus Dei ne sous-estimait pas les problèmes auxquels il fallait faire face : « les années qui suivent un Concile sont toujours des années importantes, car elles exigent de la docilité pour mettre en œuvre les décisions adoptées, car elles exigent aussi la fermeté dans la foi, l’esprit surnaturel, l’amour pour Dieu et l’Église de Dieu, la fidélité au Pontife Romain » (ibid.). Ce réalisme, qui s’accompagnait d’une attitude optimiste, le poussait à dire : « Mes filles et mes fils, placés par la volonté de Dieu au milieu du monde, citoyens en même temps – de plein droit – de la société humaine et de la société ecclésiale, vous avez en ce moment actuel de l’Église une mission profonde à accomplir. Et vous l’accomplirez dans la mesure où votre foi sera forte et s’enracinera au plus profond de vos cœurs »(ibid.).

Un terme largement utilisé pendant les travaux de Vatican II était celui d’aggiornamento (mise à jour), pour indiquer l’attitude qui devrait animer les travaux de l’assemblée conciliaire. Il est intéressant de recopier ici quelques paroles de 1967 de saint Josémaria à cet égard ; elles expriment bien sa pensée sur le sujet et aident à comprendre son attitude par rapport à la difficile étape postconciliaire : « Fidélité. Pour moi, aggiornamento signifie avant tout : fidélité (...). Cette fidélité opérante, délicate et constante — qui est difficile, comme est difficile toute application de principes à la réalité changeante des contingences — est, pour cette raison même, la meilleure défense de la personne contre le vieillissement de l'esprit, l'aridité du cœur et la sclérose mentale. Il en va de même pour la vie des institutions, et très singulièrement pour la vie de l'Église (...). C'est pourquoi l'aggiornamento de l'Église — aujourd'hui comme à toute autre époque — est fondamentalement ceci : une réaffirmation joyeuse de la fidélité du Peuple de Dieu à la mission reçue, à l'Évangile. Il est clair que cette fidélité — vivante et actuelle dans chaque circonstance de la vie des hommes — peut exiger, et, en fait, a maintes fois exigé, au cours de l'histoire deux fois millénaire de l'Église, et récemment au concile Vatican II, des développements doctrinaux, dictés par l'événement, dans l'exposé des richesses du depositum fidei, de même que des changements appropriés et des réformes qui perfectionnent — dans leur élément humain, perfectible — les structures de l'organisation et les méthodes missionnaires et apostoliques. Mais il serait pour le moins superficiel de penser que l’aggiornamento consiste d’abord à changer, ou que tout changement aggiorna » (Entretiens 1).


Thèmes connexes : Apostolat ; Fidèles chrétiens ; Église ; Laïcs ; Prélature personnelle ; Sacerdoce ministériel ; Sainteté.

Bibliographie : AVP, III, p. 473 à 496 ; CMI, p. 365 à 371 ; Hugo de Azevedo Uma luz no mundo. Vida do Servo de Deus Monsenhor Josemaría Escrivá de Balaguer, Fundador do Opus Dei, Lisbonne, Prumo - Rei dos Livros, 1988, p. 282-294 ; Peter Berglar Opus Dei. Leben und Werk des Gründers Josemaría Escrivá, Salzbourg, Otto Müller, 1983, pp. 267-278 ; Ernst Burkhart - Javier López Vie quotidienne et sainteté dans l’enseignement de saint Josémaria. Etude de théologie spirituelle,I, Madrid, Rialp, 2010, pp. 93-105 ; Julian Herranz Nei dintorni di Gerico. Ricordi degli anni con san. Josemaría Escrivá & con Giovanni Paolo II, Milano, Ares, 2005, pp. 13-119 ; Javier Medina Bayo Alvaro del Portillo. Un homme fidèle Madrid, Rialp, 2012 ; César Ortiz (Hrsg.) Josemaría Escrivá. Profile einer Gründergestalt, Cologne, Adamas, 2002, pp. 98-103, 105-121 ;

Carlo Pioppi