1. Le « cœur », centre de la personne.
2. Aimer Dieu de tout son cœur.
3. Avoir du cœur pour tout le monde.
4. Cœur pur.
5. Dans le cœur de Marie.
« J'éprouve une joie profonde à la pensée que le Christ ait voulu être pleinement homme et ait voulu revêtir notre chair. Je suis ému en voyant cette merveille : un Dieu qui aime avec le cœur d'un homme » (QCP 107). Ces paroles de saint Josémaria peuvent servir à exposer ses enseignements sur une réalité que la théologie spirituelle a souvent traitée en utilisant le mot « cœur ».
Le « Cœur » (avec ses équivalents hébreux ou grecs) apparaît fréquemment dans l’Écriture Sainte, et pas simplement pour désigner un organe concret du corps humain, mais pour faire allusion à la totalité de l’être humain, avec ses pensées, ses envies, ses désirs et ses décisions. Saint Josémaria lui-même nous offre, dans une homélie, un florilège qui confirme ce que nous venons de dire, tout en témoignant de la racine ultime de sa pensée. « C'est du cœur que viennent la joie : Que mon cœur exulte, admis en ton salut (Ps 12 [Vg 11], 6) ; le repentir : Mon cœur est pareil à la cire, il fond au milieu de mes viscères (Ps 21 [Vg 20], 15) ; la louange de Dieu : Mon cœur a frémi de paroles belles (Ps 44 [Vg 43], 2) ; la décision d'écouter le Seigneur : Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt (Ps 56 [Vg 55], 3) ; la veille, entretenue par l’amour : Je dors, mais mon cœur veille (Cant 5, 2). Et tout autant le doute, la crainte : Que votre cœur cesse de se troubler, croyez en Dieu, croyez en moi (Jn 14, 1). Le cœur ne ressent pas seulement les choses : il sait, il comprend. La loi de Dieu est déposée en lui (cf. Ps 39 [Vg 38], 9), c'est en lui qu'elle demeure inscrite (cf. Pr 7, 3). L'Écriture ajoute encore : C'est du trop-plein du cœur que la bouche parle (Mt 12, 34). Le Seigneur jette à la face de certains scribes : Pourquoi ces mauvais sentiments dans vos cœurs ? (Mt 9, 4). Et pour condenser tous les péchés que l'homme peut commettre, Il affirme : Du cœur, en effet, procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations (Mt 15, 19) » (QCP 164).
La tradition théologique et spirituelle chrétienne est souvent revenue sur ces idées, en les commentant sous de nombreux angles. Au Moyen Âge, surtout depuis saint Bernard, il y eut une nette accentuation des aspects christologiques, concentrant l’attention sur le Cœur de Jésus, d’où jaillit un amour qui est une expression de l’amour infini de Dieu. À partir de ce moment, la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus s’est étendue, recevant une impulsion particulière avec sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), au point de devenir, à partir de là et jusqu’à aujourd’hui, l’une des lignes de dévotion les plus significatives de la spiritualité catholique.
Saint Josémaria non seulement a eu connaissance, mais a pratiqué personnellement cette dévotion et contribué à sa diffusion, comme en témoignent, entre autres, l’homélie qu’il lui a dédiée (cf. QCP 162-170) et le fait qu’en 1952, dans les moments difficiles de l’histoire de l’Œuvre, il a décidé de consacrer l’Opus Dei au Sacré-Cœur de Jésus, demandant la paix pour l’Église, le monde et toutes les âmes.
1. Le « cœur », centre de la personne
Le « cœur » fait référence au « centre » de la personne d’où jaillit toute pensée et toute action. C’est le siège de l’amour, bien plus que des sentiments, comme le prétendent parfois certains auteurs. Saint Josémaria le souligne clairement : « Lorsque nous parlons du cœur humain, nous ne faisons pas seulement allusion aux sentiments, nous pensons à la personne tout entière qui fréquente, qui aime, qui chérit les autres. Et dans la bouche des hommes qui ont recueilli l'Écriture Sainte pour que nous puissions mieux comprendre les mystères divins, le cœur est considéré comme le résumé, la source, l'expression, le fond ultime des pensées, des paroles et des actes. Un homme vaut ce que vaut son cœur, disons-nous encore aujourd'hui (...). Quand la Sainte Écriture parle du cœur, il ne s'agit pas d'un sentiment passager, provoquant l'émotion ou les larmes. On parle du cœur pour désigner la personne tout entière orientée — corps et âme — comme le Christ Jésus Lui-même l'a montré, vers ce qu'elle considère comme son bien : Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur (Mt 6, 21) » (QCP 164).
« Cœur » signifie donc pleine humanité, avec l’épaisseur de l’émotivité, en harmonie avec toutes les facultés. Saint Josémaria lui-même a illustré dans sa vie ce que signifie avoir du cœur. Doté de cordialité, de bonne humeur, d’intuition profonde, de grandes passions, il savait manifester l’affection en concrétisant, même matériellement, l’attention humaine. Ceux qui l’ont fréquenté témoignent que ce qui ressortait de lui, avant même son profond message de sanctification du travail et dans le travail, était de percevoir, immédiatement et clairement, qu’il recevait chaque personne avec son cœur ; on le sentait comme un allié, un ami. Avec lui, être aidé pour s’améliorer, être corrigé d’un quelconque défaut, ne provoquait pas l’humiliation, mais l’encouragement. Pour le reste, ce qui transparaissait de sa personne renvoyait à un fondement plus profond qu’il n’a jamais cessé de rendre explicite : « Si nous ne l'apprenons pas de Jésus, jamais nous n'aimerons. Si nous pensions, comme certains, que garder un cœur pur et digne de Dieu, consiste à le préserver, à ne pas le contaminer au contact de sentiments intensément humains, il en résulterait logiquement que nous serions insensibles à la douleur des autres. Nous ne serions plus capables que d'une charité officielle, sèche, sans âme, et non de la véritable charité de Jésus-Christ, qui est tendresse et chaleur humaine » (QCP 167). Et à un autre endroit : le chemin de Jésus « se résume en un seul mot : aimer. Aimer, c'est avoir le cœur grand, ressentir les préoccupations de ceux qui nous entourent, savoir pardonner et comprendre : se sacrifier, avec Jésus-Christ, pour toutes les âmes. Si nous aimons avec le cœur du Christ, nous apprendrons à servir et nous défendrons la vérité avec clarté et amour » (QCP 158).
Avec le rationalisme qui a dominé la philosophie au cours des siècles passés, en particulier après Descartes, la vérité de l’homme avait tendance à ne se référer qu’à l’essence abstraite, à la rationalité et à la logique, tandis que les sentiments en venaient à être considérés comme des phénomènes irrationnels, aveugles, superficiels et adolescents. Et cette attitude était également présente parmi les chrétiens, en partie peut-être à cause de l’influence du rigorisme janséniste.
Mais la réalité est que le besoin d’amour est profondément enraciné dans le cœur de l’homme, encore plus que le désir de vérité ne l’est dans l’esprit. Si le cœur ne se sent pas aimé, l’esprit s’en prend au cœur avec ses peurs, avec son besoin irrépressible d’être reconnu et accueilli, en acceptant toute idée qui fait que le cœur se sent apprécié. Par conséquent, l’amour donne un sens à la vie, et cela d’autant plus qu’il est profond et qu’il représente à nos yeux la personne qui nous aime : ce qui atteint son sommet quand celui qui nous manifeste l’amour, et un amour de Père, est Dieu, infini et tout puissant.
2. Aimer Dieu de tout son cœur
En réponse à Dieu, qui s’incarne pour nous aimer avec un cœur d’homme, nous devons L’aimer de tout notre être, de tout notre cœur. C’est-à-dire non pas avec un amour de pure admiration ou de loin, et encore moins avec un amour qui verrait Dieu comme un simple dispensateur de dons, mais avec un amour vrai et passionné, auquel l’intelligence, la volonté et le sentiment s’unissent, et qui voit en Dieu l’Aimé vers qui toute la personne se dirige. « Seigneur, donne-moi l’équilibre et la mesure en tout…, sauf en Amour » (C 427).
Pour parvenir à cet amour, le chemin est le Christ : contempler le Christ, aimer le Christ, tomber amoureux du Christ, de sa figure humaine dans laquelle la divinité se manifeste à nous. Cet engouement amoureux peut être réalisé grâce à la foi. Parce que Jésus est vivant, ressuscité, et veut rester dans l’intimité avec nous : « Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 9). Il existe de nombreuses expressions de saint Josémaria à cet égard. Ainsi, dans une homélie sur la fête de l’Épiphanie, devant l’Enfant Jésus enveloppé de langes que les Mages proclament roi d’Israël, il se demandait : « Où est le roi ? Jésus ne désire-t-il pas régner, avant tout, sur les cœurs, sur ton cœur ? C'est pourquoi Il se fait enfant. Qui n'aimerait pas un petit être ? » (QCP 31). Et pour cela il reste dans l’Eucharistie : « Considère ce qu’il y a de plus beau et de plus grand sur terre…, ce qui plaît à l’intelligence et aux autres facultés…, et ce qui est plaisir de la chair et des sens… Considère aussi le monde, les autres mondes qui scintillent dans la nuit : l’univers entier. — Eh bien ! tout cela, même joint à l’assouvissement de toutes les folies du cœur…, tout cela ne vaut rien, n’est rien et moins que rien, à côté de mon Dieu — ton Dieu ! — trésor infini, perle très précieuse, Dieu humilié, Dieu esclave, qui s’anéantit sous la forme de serviteur dans la crèche où il voulut naître, dans l’atelier de Joseph, dans la Passion et dans sa mort ignominieuse… et dans la folie d’Amour de la sainte Eucharistie » (C 432).
Aimer Jésus d’un cœur humain, c’est aussi L’aimer radicalement, Le vouloir Seigneur, Roi de notre vie, du plus profond de notre être : « Mais le Seigneur sait que donner est le propre de ceux qui aiment, et Lui-même nous montre ce qu'Il désire de nous. Ni les richesses, ni les fruits, ni les animaux de la terre, de la mer ou de l'air, ne lui importent, parce que tout est sien ; Il veut quelque chose d'intime, que nous devons librement Lui donner : mon fils, donne-moi ton cœur (Pr 23, 26). Vous voyez ? Il ne se satisfait pas du partage : Il veut tout » (QCP 35). « Le Seigneur ne détruit pas la liberté de l’homme : c'est précisément Lui qui nous a rendus libres. C'est pourquoi Il ne veut pas de réponses forcées, mais Il veut des décisions qui sortent de l'intimité du cœur » (QCP 100).
3. Avoir du cœur pour tout le monde
Lorsque l’amour pour Dieu se niche dans le cœur, il est aussi dirigé avec force vers les autres. « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35), dit Jésus. L’amour pour les autres rend visible l’amour de Dieu. Mais Il n’y a pas de visibilité véritable si les autres ne perçoivent pas l’amour. Tant que l’autre remarque qu’on l’aide mais ne se sent pas aimé, on ne peut parler d’amour véritable chez celui qui agit, qui donne des choses et même accomplit des œuvres de sacrifice. Celui qui aime, travaille et se sacrifie ; mais ceux qui font des choses qui aident les autres ne savent pas toujours comment les aimer. Ce point manifeste correctement la vraie signification d’avoir du cœur. « Mais notez bien que Dieu ne nous dit pas : au lieu de votre cœur, je vous donnerai la volonté d'un pur esprit. Non. Il nous donne un cœur, et un cœur de chair, comme celui du Christ. Je n'ai pas un cœur pour aimer Dieu et un autre pour aimer autrui, en ce monde. C'est avec le même cœur qui m'a fait aimer mes parents et qui m'a fait aimer mes amis que j'aime le Christ, le Père, l'Esprit Saint et Sainte Marie. Je ne me lasserai jamais de le répéter : nous devons être très humains ; sinon, nous ne pourrions pas non plus être divins. L'amour humain, l'amour d'ici-bas, sur cette terre, nous aide, lorsqu'il est authentique, à savourer l'amour divin » (QCP 166).
Nous pouvons penser que nous aimons quand nous nous sacrifions pour les autres ou que nous nous efforçons de bien vivre les vertus qui se réfèrent à la relation avec les autres. Mais cela ne suffit pas : le vrai secret est d’avoir l’autre dans notre cœur, afin qu’il puisse ressentir notre compréhension et notre amitié : « la charité, plus qu'à donner, consiste à comprendre » (QCP 123). « Si nous voulons aider les autres, nous devons les aimer — j'insiste — d'un amour fait de compréhension, de don de soi, d'affection et d'humilité volontaire » (QCP 167). On peut dire qu’on a du cœur quand on a un réel intérêt pour celui qui s’approche de nous, en dépassant les catégories, les barrières, les frontières idéologiques, religieuses, de groupe. Même face à la barrière que peut constituer le mal ou l’offense subie, le chrétien est appelé à pardonner ; et pardonner en sachant reconnaître que chaque personne, même celle qui a fait le mal ou semble même s’y affirmer, est capable de se repentir, parce que le cœur préserve toujours, même comme une braise sous la cendre, la capacité d’aimer. « Mon expérience d’homme, de chrétien et de prêtre m’apprend tout le contraire : il n’y a pas de cœur, si enlisé dans le péché qu’il soit, qui ne recèle, telle la braise sous la cendre, un éclat de noblesse. Et quand j’ai frappé à la porte de ces cœurs, seul à seul, avec la parole du Christ, ils ont toujours répondu » (AD 74).
Le commandement de la charité, le commandement nouveau, est au-delà de nos forces. Comme Benoît XVI l’a souligné aux séminaristes du Séminaire romain le 12 février 2010, c’est certainement un amour qui imite le Christ jusqu’au don de soi, mais pas en vertu d’un héroïsme personnel : « dans ce cas, le christianisme serait un moralisme héroïque. Il est vrai que nous devons atteindre cette radicalité d’amour, que le Christ nous a montrée et donnée, mais là aussi la vraie nouveauté n’est pas ce que nous faisons, la vraie nouveauté est ce que Lui fait ». Le chrétien n’est pas un héros qui essaie de mettre l’Evangile en pratique par ses propres forces, mais quelqu’un qui, conscient de sa faiblesse, s’ouvre à l’action de l’Esprit Saint. La preuve qu’il laisse agir l’Esprit Saint est exactement ce cœur humain qui s’ouvre à chaque personne qui devient un prochain, qui est proche. C’est pourquoi la charité fraternelle authentique ne doit pas être confondue avec les « œuvres de charité » accomplies sans amour véritable : « Il est arrivé souvent que, nous, les chrétiens, nous n’ayons pas su répondre à ce don. Parfois nous avons rabaissé la charité, comme si elle se limitait à l’aumône froide, sans âme ; ou bien nous l’avons réduite aux bonnes œuvres plus ou moins formelles. Le regret résigné d’une malade exprimait bien cette aberration : ici on me traite avec charité, mais ma mère me soignait avec affection ! L’amour qui naît du Cœur du Christ ne saurait donner lieu à cette sorte de distinction. Pour que cette vérité vous pénètre, j’ai prêché mille et une fois sous une forme imagée, que nous n’avons pas un cœur pour aimer Dieu et un autre pour aimer les créatures : notre pauvre cœur, ce cœur de chair, aime d’un amour humain, qui est surnaturel aussi, s’il est uni à l’amour du Christ »(AD 229).
4. Cœur pur
Le cœur est fait pour aimer mais, étant donnée la limitation humaine, il peut s’égarer. Il faut garder le cœur pur en l’empêchant d’être taché par l’une quelconque des trois concupiscences dont parle saint Jean : concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de vie (cf. 1 Jn 2, 16).
L’orgueil de la vie, l’orgueil tout court, se placer au-dessus des autres, faire tourner notre pensée toujours autour de nous-mêmes, rapetisse le cœur, le rend incapable d’aimer et le condamne à l’isolement. « Tu es seul..., tu te plains..., tout t'ennuie. — C'est parce que ton égoïsme t'isole de tes frères, et que tu ne te rapproches pas de Dieu » (S 709). « Extirper notre amour propre pour mettre à sa place l'amour de Jésus-Christ : voilà le secret de l'efficacité et du bonheur » (S 696).
La concupiscence de la chair, impureté au sens moral du terme, est un substitut au véritable amour, car elle est le fruit de l’amour égoïste, qui cherche son propre plaisir et non l’union avec l’autre, que l’on n’aime pas, mais dont on se sert. La vertu de chasteté, la maîtrise de son propre corps, conduit en échange au véritable amour. Et « pour vivre la vertu de la chasteté, il n'est pas nécessaire d'attendre d’être vieux ou de manquer de force. La chasteté naît de l'amour et, pour un amour pur, la force et la joie de la jeunesse ne sont pas un obstacle. Saint Joseph était jeune, de cœur et de corps, quand il épousa Marie, quand il connut le mystère de sa Maternité divine et vécut près d'Elle, en respectant l'intégrité que Dieu voulait léguer au monde comme un signe de plus de sa venue parmi les créatures. Qui ne sait pas comprendre un tel amour est bien ignorant de ce qu'est l'amour véritable, et méconnaît le sens chrétien de la chasteté » (QCP 40).
Il faut garder le cœur pur, libre, capable de se passionner, y compris humainement, pour les vrais amours, dans le mariage ou dans le célibat : « Si ton œil droit te scandalise…, arrache-le et jette-le au loin ! — Pauvre cœur que celui qui te scandalise ! Serre-le, presse-le entre tes mains ; ne lui donne pas de consolations. Et quand il en demandera, dis-lui doucement, comme en confidence, plein d’une noble compassion : “ Sur la Croix, mon cœur ! sur la Croix, mon cœur ! ” » (C 163). « En même temps, il me faut répéter que la vie du chrétien, la tienne et la mienne, est faite d’Amour. Notre cœur a été fait pour aimer et, si nous ne lui donnons pas une affection pure, limpide et noble, il se venge et se remplit de misère. Le véritable amour de Dieu, la pureté de la vie, par conséquent, est aussi éloigné de la sensualité que de l’insensibilité, d’un quelconque sentimentalisme que de l’absence ou de la dureté de cœur » (AD 183). En ce sens, le célibat n’est pas un renoncement au cœur, mais un effort pour aimer de tout son cœur, comme on le voit dans cette affirmation : » L’Amour… vaut bien un amour ! » (C 171).
Certes, le cœur se laisse capturer par ce qui l’attire et il est nécessaire de contempler les vrais amours pour apprendre à tomber amoureux ; mais souvent, l’environnement entoure le cœur d’attractions déplacées ou de peurs ; et le chrétien, homme ou femme, doit toujours collaborer avec la grâce divine, en restant à l’écart des tentations qui peuvent tromper le cœur : « une lutte ascétique, intime, que chaque chrétien doit soutenir contre tout ce qui, dans sa vie, ne vient pas de Dieu : contre l'orgueil, la sensualité, l'égoïsme, la superficialité, l'étroitesse de cœur il est inutile de réclamer à grands cris la tranquillité extérieure, si le calme fait défaut dans les consciences, au fond de l'âme » (QCP 73).
Enfin, la concupiscence des yeux, qui centre le cœur sur la possession de biens matériels qui, par eux-mêmes, sont bons, mais qui peuvent, si le cœur est entièrement concentré sur eux, faire perdre le sens de la vie : « les biens de la terre ne sont pas mauvais ; ils se corrompent quand l'homme les érige en idoles, et quand il se prosterne devant eux ; ils s'ennoblissent quand nous les utilisons pour faire le bien, en œuvrant chrétiennement pour la justice et la charité. Nous ne pouvons poursuivre les biens à la manière d'un homme qui va à la recherche d'un trésor ; notre trésor, il est là, couché dans une crèche : c'est le Christ, et tous nos amours doivent se joindre en Lui, car là ou est notre trésor, là aussi est notre cœur (Mt 6, 21) » (QCP 35). Toutes les créatures sont finalisées en vue de l’amour. Quand le cœur est plein d’amour véritable, il sait voir en chaque créature le véhicule de son amour. Un cœur amoureux sait apprécier tout ce que Dieu a créé, mais il sait aussi se détourner de ce qui met en danger son véritable trésor. Un chrétien qui tend vers la sainteté, où qu’il soit, » est à même d'admirer toutes les beautés et les merveilles de la terre, d'en apprécier toute la richesse et toute la bonté, d'aimer avec toute la loyauté et toute la pureté dont est capable le cœur humain » (QCP 138).
Et cela s’applique non seulement au cercle des relations habituelles, mais aussi au bien social : « Un homme ou une société qui demeure passif devant les tribulations ou les injustices, qui ne s'efforce pas de les soulager, n'est pas à la mesure de l'amour du Cœur du Christ » (QCP 167). Un cœur qui sait aimer n’a jamais d’horizon étroit, mais un horizon universel.
5. Dans le cœur de Marie
La Vierge Marie a toujours eu son cœur totalement ouvert à Jésus. Et, puisque le véritable amour aime les amours de l’être aimé, Marie, dirigeant dans son propre cœur tout l’amour vers Jésus, a maintenu – et maintient – les liens d’amour que Jésus établit avec chacun de nous. C’est pourquoi elle a accepté la Croix, porte de l’amour de Jésus pour chaque personne humaine, et c’est pourquoi elle est devenue notre Mère. Innombrables sont les expressions pleines de tendresse avec lesquelles le fondateur de l’Opus Dei s’adressa à la Vierge. Citons-en une dans laquelle elle nous est montrée comme une maîtresse en amour : « Si tu recours à elle avec confiance, la Vierge Marie, mère du Bel Amour, apaisera ton cœur lorsqu’il te manifestera qu’il est de chair »(C 504).
Thèmes connexes : Amitié ; Amour de Dieu ; Caractère, Formation de ; Charité ; Chasteté ; Célibat ; Détachement ; Fraternité ; Lutte ascétique.
Bibliographie :C 146-171 ; QCP 162-170 ; Ugo Borghello Liberare l’amore, Milan, Ares, 2000 ; Louis Cognet, « Cor et cordis affectus », dans DSp, II-2, 1953, cols. 2278-2307 ; Dietrich von Hildebrand Le cœur. Une analyse de l’affectivité humaine et divine, Madrid, Palabra, 1997.