CARACTÈRE, FORMATION DU

1. Le caractère, un trait distinctif de la personnalité humaine et chrétienne. 2. Éducation du caractère.

1. Le caractère, un trait distinctif de la personnalité humaine et chrétienne.
2. Éducation du caractère.

Saint Josémaria parle du caractère, un ensemble de qualités psychiques et spirituelles qui configurent la manière d’être de chaque personne. Il en parle d’un point de vue spirituel, comme élément de formation de la personnalité et, en particulier, du tempérament du chrétien ; celui-ci est appelé à ressembler à Jésus-Christ, en imprégnant sa manière d’être personnelle de la lumière et de la vie qui découlent de Dieu fait homme. Saint Josémaria propose donc la formation du caractère avec une orientation humaine et surnaturelle, profondément christologique et donc apostolique. À cet égard, il est très significatif que Chemin commence par un chapitre consacré au caractère et que ses premiers points soient les suivants : « Que ta vie ne soit pas une vie stérile. — Sois utile. — Laisse ton empreinte. — Que rayonne la lumière de ta foi et de ton amour. Efface, par ta vie d’apôtre, la trace visqueuse et sale qu’ont laissée les impurs semeurs de haine. — Et embrase tous les chemins de la terre au feu du Christ que tu portes dans ton cœur » (C 1) ; « Dieu veuille que ton comportement et tes conversations fussent tels que l’on pût dire en te voyant ou en t’écoutant parler : voilà quelqu’un qui lit la vie du Christ ! » (C 2).

1. Le caractère, trait distinctif de la personnalité humaine et chrétienne

Comme l’être humain est une unité de corps et d’âme, d’esprit et de matière, le caractère ou la manière d’être comporte une base biologique, le tempérament, c’est-à-dire les aspects de sa constitution physiologique qui influencent son mode de réaction. La conjonction du caractère et du tempérament donne naissance à la nature de chaque personne ; on trouve donc des individus introvertis ou extravertis, impulsifs ou réfléchis, etc. C’est pourquoi il est nécessaire de tempérer le caractère par le bon usage de l’intelligence et de la volonté, afin de donner naissance à une personnalité équilibrée (cf. S 417).

Dans la configuration du caractère, la famille, et en particulier les parents, ont une influence prépondérante. C’est ce qui se passe dans la vie de chaque être humain. Et c’est ce qui a dû se passer– aimait à souligner saint Josémaria – avec le Christ en tant qu’homme, dont la manière d’être devait montrer des traits rappelant sainte Marie et saint Joseph : « Car Jésus devait ressembler à Joseph, par les traits de son caractère, par sa façon de travailler et de parler. Dans son réalisme, dans son esprit d'observation, dans sa manière de s'asseoir à table et de partager le pain, dans son goût pour exposer la doctrine d'une manière concrète, en prenant pour exemple les choses de la vie ordinaire, se reflètent ce que furent l'enfance et la jeunesse de Jésus, ce que furent par conséquent ses rapports avec Joseph » (QCP 55).

Outre l’influence familiale, il faut mentionner celle exercée par la culture régionale et nationale dans le contexte desquelles chaque personne naît ou se développe. Saint Josémaria n’hésitait pas à le reconnaître par rapport à lui-même : « Je suis aragonais et, par tous les traits de mon caractère, j’aime la sincérité : j'éprouve une répulsion instinctive pour tout ce qui suppose la dissimulation » (QCP 70). En même temps, il invitait à surmonter toutes les limites culturelles, de sorte que la spontanéité soit étroitement liée non seulement à la force d’âme, qui conduit à modérer les manifestations de son propre tempérament, mais à la magnanimité, qui naît d’un grand cœur capable d’apprécier non seulement sa propre famille ou sa propre culture, mais les richesses qui se manifestent chez d’autres peuples ou dans d’autres communautés ou civilisations (cf. C 525).

Le fait que le caractère ait des présupposés psychiques et reçoive l’influence des contextes qui entourent chaque personne, ne peut cependant pas nous faire oublier que tous ces facteurs ne déterminent pas entièrement la personnalité : la volonté et, avec elle la liberté, joue un rôle décisif. La façon dont chaque personne agit, comment elle décide dans les différentes circonstances de sa vie, dépendra de la configuration définitive de son caractère : « Ne dis pas : “ C’est mon tempérament…, ce sont des manifestations de mon caractère. ” Ce sont des manifestations de ton manque de caractère : sois homme, esto vir » (C 4).

Dans la langue espagnole, le mot « caractère » peut être utilisé dans deux sens ou acceptions : un sens générique, qui renvoie à n’importe quelle manière d’être ; et un sens plus restreint, qui est utilisé pour désigner le fait qu’une certaine personne possède un caractère consistant et une volonté ferme, de sorte que, en se référant à elle, on peut dire qu’elle est un homme ou une femme « de caractère ». Dans le point de Chemin que nous venons de citer, et, en général, dans les écrits de saint Josémaria, ces deux sens sont présents, mais le second est prédominant, sinon numériquement, du moins comme objectif ou intention, en cohérence avec sa conscience aiguë de la relation entre le chrétien et l’humain, entre les vertus surnaturelles et les vertus humaines. « "Iesus Cristus, perfectus Deus, perfectus Homo." — Jésus-Christ, Dieu parfait, et Homme parfait. Ils sont nombreux les chrétiens qui suivent le Christ, tout éblouis par sa divinité ; mais ils L'oublient, Lui, en tant qu'Homme... Et ils échouent dans la pratique des vertus surnaturelles (malgré tout un attirail extérieur de piété) car ils ne font rien pour acquérir les vertus humaines » (S 652).

En fait, on peut dire que l’un des objectifs fondamentaux de la prédication de saint Josémaria – une fois présupposées sa proclamation de l’appel universel à la sainteté et sa profonde conscience de la nécessité absolue de la grâce divine pour répondre à cet appel – était le désir de former des hommes et des femmes de caractère, en qui une personnalité humaine bien établie servirait de soutien à la vocation divine et à sa réalisation concrète dans les faits. C’est cette conviction sous-jacente qui explique pourquoi il commence Chemin, comme nous l’avons souligné précédemment, avec un chapitre consacré au caractère, et la force avec laquelle, dans ce chapitre et dans de nombreuses autres occasions, il souligne l’importance de renforcer et d’orienter correctement son propre caractère.

Sans l’effort nécessaire pour orienter et tempérer le caractère, la personnalité s’estompe et même s’effrite et les idéaux deviennent inaccessibles. Il l’affirme dans Chemin : « Garde-toi de cette maladie du caractère qui a pour symptômes l’instabilité en tout, la légèreté en actes et en paroles, l’étourderie… : la frivolité, en un mot. Et si tu ne réagis pas à temps — pas demain, aujourd’hui ! — la frivolité qui rend tes jours si vides (“ si pleins de vide ”) fera de toi, ne l’oublie pas, un pantin désarticulé et inutile » (C 17). Et dans l’une de ses homélies : « Celui qui ne choisit pas, en pleine liberté, une règle de conduite droite finit tôt ou tard par se laisser gouverner par les autres, vit dans l’indolence — en parasite — soumis à ce que les autres détermineront. Il s’exposera à être ballotté à tout vent et d’autres décideront toujours pour lui. Ce sont des nuages sans eau emportés par le vent ; arbres de fin d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés (Jd, 12), même s’ils se cachent derrière un continuel bavardage ou derrière des palliatifs par lesquels ils tentent d’estomper leur manque de caractère, de courage et d’honneur » (AD 29). Et, parlant positivement, et à nouveau dans Chemin :« Volonté. — Énergie. — Exemple. — Ce qu’il y a à faire on le fait… Sans hésiter… Sans ménagements. Sans cela, Cisneros n’aurait pas été Cisneros, ni Thérèse d’Ahumada, sainte Thérèse… ; pas plus qu’Iñigo de Loyola, saint Ignace… Dieu et audace ! Regnare Christum volumus » (C 11).

Le renforcement du caractère implique l’effort et la lutte, mais sans oublier – et c’est décisif pour comprendre le message de saint Josémaria – que ce renforcement n’a pas pour finalité le caractère lui-même. « Tu as des ambitions : … savoir…, entraîner…, avoir de l’audace. Bon. Très bien. — Mais… que ce soit pour le Christ, par amour » (C 24).

Il ne s’agit pas seulement d’être une personne de caractère, mais de renforcer – et, le cas échéant, de redresser – son caractère, afin d’être en mesure d’aimer et de servir. Plus concrètement, s’identifier au Christ pour, dans le Christ et avec le Christ, apprendre à traiter Dieu comme Père et à affronter les situations et les tâches de sa propre vie avec un profond esprit de service. Ce but, auquel tout chrétien doit aspirer, exige une énergie intérieure, une fermeté de caractère, sans laquelle il ne peut y avoir ni croissance réelle dans la vie spirituelle - « Nous ne pouvons pas permettre que nos rapports avec Jésus-Christ soient à la merci de nos sautes d’humeur, des changements de notre caractère. Ces attitudes trahissent l’égoïsme et la commodité et sont de toute évidence incompatibles avec l’amour », ni témoignage authentique de foi chrétienne : « — Mon enfant ; où est le Christ que les âmes cherchent en toi ? Dans ton orgueil ? Dans tes désirs de t’imposer aux autres ? Dans ces mesquineries de ton caractère que tu ne veux pas éliminer ? Dans cet entêtement ?... Le Christ se trouve-t-il là ? — Non, non et non ! — D’accord, tu dois avoir une personnalité, mais la tienne doit tendre à s’identifier à celle du Christ » (F 468).

2. Éducation du caractère

Ce que nous avons expliqué montre qu’en ce qui concerne le caractère, nous pouvons parler non seulement d’évolution – il se modifie, par exemple, avec l’âge – mais d’éducation ou de formation, puisque, à partir de la réalité psychique de chaque sujet, la volonté peut orienter ses potentialités d’une manière ou d’une autre. En fait, c’est, comme nous l’avons dit au début, la perspective adoptée par saint Josémaria et donc celle qui est présente depuis le début de ces pages. Il convient, cependant, qu’en suivant saint Josémaria, nous complétions l’exposition, ne fût-ce qu’à coups de pinceau.

Pour un chrétien, la formation du caractère renvoie non seulement à un idéal, mais à une personne, Jésus-Christ, et c’est donc une question d’amour. « C'est cet amour du Christ que chacun d'entre nous doit s'efforcer de réaliser dans sa propre vie. Mais pour être ipse Christus il faut se regarder en Lui. Il ne suffit pas d'avoir une idée générale de l'esprit qui était celui de Jésus ; encore faut-il apprendre de Lui des manières et des attitudes. Et surtout, il faut contempler sa vie, son passage sur la terre, ses traces, pour en tirer force, lumière, sérénité, paix » (QCP 107).

De ce regard sur le Christ, on regarde sa propre personne. La formation du caractère présuppose la connaissance de soi, la conscience de ses propres qualités et de ses propres limites, afin que les aspects positifs soient renforcés et les aspects négatifs corrigés : « Lutte pour effacer les aspérités de ton caractère, et contre tes égoïsmes, contre ton laisser-aller, contre tes antipathies » (S 863). Et, une fois supposée cette connaissance, il faut la décision de grandir, de s’améliorer, d’être plus maître de soi-même, sans permettre au « mauvais caractère » d’émerger, comme le souligne un point de Sillon (S651) en référence aux caractères amers et agressifs, mais en formulant un principe applicable à tous les aspects négatifs de la personnalité.

La formation et l’orientation du caractère, la lutte contre ses propres défauts, implique l’exercice de vertus : l’humilité, qui modère l’amour désordonné de sa propre excellence ; la tempérance, qui aide à surmonter la tentation de rechercher d’abord et avant tout le plaisir ; la force, qui corrige à la fois l’irascibilité et l’indécision ; la chasteté qui, en maîtrisant l’affectivité, « endurcit » le caractère (cf. C 144) ; la laboriosité [Ndt au sens de concentration/ardeur à la tâche], qui nous pousse à persévérer dans la tâche, en surmontant la tentation de la commodité ; l’affabilité, qui dispose à être aimable et détendu dans nos relations ... Bref, tout ce qui, en apprenant à dire « non » à ce qui implique égoïsme ou manque de maîtrise de soi (cf. C 5), nous met en position de dire « oui » à ce qui en vaut vraiment la peine : l’amour de Dieu et des autres. Cela exige, et saint Josémaria le rappelle, que la pratique des vertus soit authentique, c’est-à-dire qu’elle aille au-delà du simple comportement extérieur, et qu’elle soit accompagnée d’une véritable décision de la volonté. « La façade n'est qu'énergie et solidité. — Mais quelle faiblesse et quel manque de volonté à l’intérieur ! — Décide-toi plus fortement à faire de tes vertus non pas des faux-semblants, mais des habitudes qui dessinent ton caractère » (S 777).

L’éducation du caractère n’est pas une tâche qui n’affecte que certains moments de la journée ou certaines étapes de la vie, mais elle s’effectue à travers les circonstances dans lesquelles se déroule la vie ordinaire, à laquelle le fondateur de l’Opus Dei a toujours attaché une importance singulière : les choses de chaque jour. L’abnégation dans les choses ordinaires est ce qui renforce la volonté. « Ne méprise pas les petites choses, car à force de renoncer à ces choses et de renoncer à toi-même dans ces choses, qui ne sont jamais futilité ni “ petits riens ”, tu fortifieras, tu viriliseras, avec la grâce de Dieu, ta volonté, d’abord pour devenir vraiment maître de toi-même »(C 19). Ainsi, les différentes facultés, qui sont comme des « ressorts » de l’action, constitueront un ensemble de « touches » bien accordées, capables de sonner harmonieusement, sans tensions ni dissonances, non seulement dans des moments particuliers, mais dans n’importe quelle situation : « Tu es d'une instabilité de caractère ! Ton clavier est endommagé : tu rends bien les notes les plus hautes et les plus basses..., mais celles du milieu ne résonnent pas, celles de la vie courante, celles que les autres écoutent d'ordinaire » (S 440).

La lecture du premier chapitre de Chemin montre que le fondateur de l’Opus Dei, en ce qui concerne la formation du caractère, attache une importance particulière à la fois à la nécessité d’ouvrir l’âme aux grands idéaux (cf. notamment C 1, C 7, C 11, C 12, C 16, C 17),tout comme à la relation avec ceux qui nous entourent et avec qui nous vivons, c’est-à-dire à la maîtrise de son propre caractère et à la finesse de la charité qui s’acquièrent en sortant de soi-même et, le cas échéant, en respectant et en appréciant les façons d’être qui sont différentes des nôtres. « Parfois tu veux te justifier, en assurant que tu es distrait, dans les nuages ; ou que, de caractère, tu es sec, très réservé. Et tu ajoutes que cela t'empêche même de connaître à fond les personnes avec lesquelles tu habites. — Écoute-moi : cette excuse ne te satisfait guère, n'est-ce pas ? » (S 755). Et dans le premier chapitre de Chemin : « Tu te heurtes au caractère de tel ou tel… — C’est inévitable : tu n’es pas un louis d’or, que tu puisses plaire à tout le monde. Et puis, sans ces heurts avec ton prochain, comment émousserais-tu les pointes, les arêtes et les saillants — les imperfections, les défauts — de ton caractère ? Comment atteindrais-tu le fini, le poli, la ferme souplesse de la charité et de la perfection ? Si ton caractère et le caractère de ceux qui t’entourent étaient douceâtres et mous comme des meringues, tu ne te sanctifierais pas » (C 20). Pensée qui dans Sillon se résume par ces mots : « C'est le diamant qui polit le diamant..., et les âmes, les âmes » (S 442).

Ainsi, dans le développement de la vie ordinaire, dans la coexistence avec les autres, dans le dévouement enthousiaste à sa propre tâche, dans le dépassement des problèmes, des difficultés ou des contradictions, un processus profond de formation du caractère va prendre place à la condition indispensable qu’à sa racine se trouvent cette relation avec Dieu, cette conscience de la filiation divine, le fait de se savoir tout petit, enfant, devant Dieu de qui jaillissent la croissance dans la foi, l’espérance et l’amour et, par conséquent, le don de soi. « Pour que cela s’imprime bien dans ton âme, je ne me lasserai jamais de te redire : piété, piété et piété ! Car si tu manques à la charité, ce sera par manque de vie intérieure, non à cause de ton mauvais caractère » (F 79).

Fermeté de caractère, vraie charité, relation filiale avec Dieu, se fondent ainsi dans une synthèse qui traverse toute l’œuvre de saint Josémaria et dont deux points cités ci-après, l’un de Sillon et l’autre de Chemin, sont l’expression achevée : « Sérénité, équilibre, volonté inflexible, foi profonde et piété ardente : voilà les qualités indispensables à un enfant de Dieu » (S 417). « Être petit : les grandes audaces sont l’apanage des enfants. — Qui demande… la lune ? — Qui ignore le danger pour réaliser ses désirs ? “ Mettez ”, dans un enfant “ de la sorte ”, beaucoup de grâce divine, le désir de faire sa Volonté (celle de Dieu), un grand amour pour Jésus, toute la science humaine qu’il est capable d’acquérir…, et vous aurez à grands traits le caractère des apôtres d’aujourd’hui, tels que Dieu les veut indubitablement » (C 857).

De cette union entre la grâce divine et la correspondance humaine dont dépend la formation du caractère, nous trouvons – nous rappelle saint Josémaria – un modèle achevé en Sainte Marie : « "Un grand signe est apparu dans le Ciel : une femme couronnée de douze étoiles ; vêtue de soleil ; la lune à ses pieds." Afin que toi et moi, et tous, nous ayons la certitude que rien ne porte aussi bien une personnalité à sa plénitude que de répondre à la grâce. — Cherche à imiter la Sainte Vierge et tu seras pleinement homme — ou pleinement femme —, tout d'une pièce » (S 443).

Thèmes connexes : Défauts ; Lutte ascétique.

Bibliographie : CECH passim Aa.Vv. Un santo per amico. Testimonianze sul Beato Josémaría Escrivá, Milano, Ares, 2001 ; Ernst Burkhart - Javier López Vie quotidienne et sainteté dans l’enseignement de saint Josémaria. Etude de théologie sirituelle, II, Madrid, Rialp, 2011, p. 238 et suiv. ; Javier Echevarría Eucharistie et vie chrétienne, Madrid, Rialp, 2005 ; Pedro Rodríguez Chemin, une spiritualité de vie chrétienne, Madrid, Astygi, 1972.

Genara Castillo