BAPTÊME ET CONFIRMATION

1. Baptême et vocation baptismale. 2. Baptême et fraternité chrétienne. 3. Baptême, confirmation, participation à la mission de l’Église.

1. Baptême et vocation baptismale.
2. Baptême et fraternité chrétienne.

3. Baptême, confirmation, participation à la mission de l’Église.

La dimension sacramentelle de l’existence chrétienne est l’un des axes fondamentaux de la doctrine contenue dans les écrits de saint Josémaria. Sa prédication manifeste l’intention claire de stimuler la conscience de ce que la grâce baptismale (et chrismale) implique dans la vie du chrétien. La pertinence de cette approche réside dans le rejet d’un christianisme formel, avec une approche solidement construite sur la nouveauté et la richesse que le Baptême introduit dans l’âme (cf. Illanes, 1994, pp. 612-613).

Saint Josémaria fait sien le cadre trinitaire propre à la théologie baptismale. Ainsi, unissant doctrine et vie, il avertit que « par le Baptême, Dieu Notre Père a pris possession de notre vie, nous a incorporés à celle du Christ et nous a envoyé le Saint-Esprit » (QCP 128). De ce point de vue, il n’hésite pas à dénoncer certaines déficiences que l’on peut trouver, à un moment ou à un autre, dans la pratique pastorale, en se référant aux aspects doctrinaux de fond. Ainsi, à une époque où les opinions contre le baptême des enfants se répandaient, saint Josémaria désapprouvait ceux qui privent les nouveau-nés « de la grâce de la foi, du trésor inestimable de l'inhabitation de la Sainte Trinité dans l'âme, qui vient au monde entachée du péché originel » (QCP 78). Et face à certaines présentations plus psychologiques ou sociales que théologiques du sacrement de Confirmation, il rappelle la doctrine traditionnelle qui voit en lui « un affermissement de la vie spirituelle, une effusion silencieuse et féconde de l'Esprit Saint pour que, surnaturellement fortifiée, l'âme puisse lutter — miles Christi, tel un soldat du Christ — dans la bataille intérieure contre l'égoïsme et la concupiscence » (ibid.).

1. Baptême et vocation baptismale

L’évolution de la théologie contemporaine a conduit à une récupération graduelle et progressive du concept de charisme, qui ne se réduit pas exclusivement à des phénomènes extraordinaires, en le faisant converger avec la réalité de la grâce présente dans l’âme. Dans ce contexte, saint Josémaria évoque fréquemment l’idée de « vocation baptismale », remontant à cette Tradition patristique qui considérait les chrétiens comme des fidèles « appelés au moyen de l’eau » (TERTULLIEN, De Baptismo, p. 16). « L'appel de Dieu, le caractère baptismal et la grâce font que chaque chrétien peut et doit pleinement incarner la foi » (Entretiens 58). Par le baptême, donc, tous les chrétiens deviennent chrétiens « par vocation », ce qui signifie que, quel que soit le nombre de chrétiens existants, ils ne le sont jamais à la manière d’un groupe, mais à la suite d’une élection singulière de la part de Dieu, qui les invite à la communion avec Lui, en les intégrant dans son plan de salut. C’est dans cette vocation que réside l’immense et commune dignité de tous les baptisés, plus précieuse que tout autre titre qu’un homme puisse recevoir, et qui touche tout le monde de la même manière : « Unique et identique est la condition des fidèles chrétiens, chez les prêtres et chez les laïcs » (Aimer l’Église, n° 37). Tous les chrétiens se situent face à la totalité des exigences de la foi, avec une radicalité que saint Josémaria aimait à gloser en évoquant les premiers chrétiens. En effet, ces disciples du Christ de la première génération« vivaient à fond leur vocation chrétienne ; (…) recherchaient sérieusement la sainteté à laquelle ils étaient appelés par le fait, simple et sublime, du Baptême » (Entretiens 24).

La racine baptismale de l’appel à la sainteté élève cet appel au rang d’exigence universelle – il touche tous les baptisés – sans palliatifs d’aucune sorte. « Cette doctrine s'applique à n'importe quel chrétien, parce que nous sommes tous également appelés à la sainteté » ; et avec une phrase explicite, il ajoutait : « Il n'y a pas de chrétiens de deuxième catégorie, obligés à mettre en pratique un Évangile au rabais. Nous avons tous reçu le même baptême » (QCP 134). Nous sommes devant l’un des points fondamentaux de la doctrine de saint Josémaria, qui a trouvé dans le Concile Vatican II son expression magistrale : « l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie » (LG, 40).

La racine baptismale conduit à souligner que la sainteté est une réalité beaucoup plus riche qu’une simple « question morale » ; ce n’est pas seulement une question de conduite adaptée à la loi morale qui conduit à une perfection éthique, mais c’est porter à sa plénitude la vie qui a déjà été communiquée par le Baptême. Ceci se comprend mieux si l’on considère que, de ce point de vue, la sainteté n’est rien d’autre que « la plénitude de la filiation divine » (Lettre 2-II-1945, n. 8 :Ocáriz, 1996, p. 38), et que les deux – sainteté et filiation – coïncident à partir du Baptême. Être saint signifie, en bref, être de bons enfants de Dieu ; par le baptême, nous sommes déjà enfants de Dieu, mais tout au long de sa vie, le chrétien est appelé à grandir dans sa condition de fils, en se configurant toujours plus au Fils de Dieu. Cela nous amène aussi à concevoir la recherche de la sainteté comme un processus qui ne regarde pas vers l’avant de manière volontariste, mais qui se renouvelle continuellement, se nourrissant du don baptismal de la grâce reçu à l’origine : « par la grâce de Dieu, au moment où nous avons reçu le baptême, à peine nés, la vie surnaturelle a commencé dans notre âme. Mais nous devons renouveler notre détermination d’aimer Dieu par-dessus toutes choses tout au long de notre existence, et même au long de chaque journée » (AD 27).

2. Baptême et fraternité chrétienne

La sainteté n’est pas une réalisation individualiste, car elle a lieu in Ecclesia. Être in Christo est toujours être in Ecclesia, comme deux aspects de l’unique réalité chrétienne.

Le chrétien a une relation constitutive avec l’Église, enracinée dans le Baptême lui-même, qui est comme la « porte » par laquelle on entre dans la communauté chrétienne (LG, 7 ; cf. LG, 11). Suivant les pas de la Tradition patristique qui contemple l’Église, d’un point de vue baptismal, comme l’utérus maternus, le fondateur de l’Opus Deidit : « l'Église nous sanctifie après notre entrée en son sein par le Baptême. Nouveau-nés à la vie naturelle, nous pouvons déjà recevoir la grâce sanctifiante. La foi d'une personne, plus encore la foi de toute l'Église, profitent à l'enfant par l'action du Saint-Esprit, qui unifie l'Église et communique les biens de l'une à l'autre (Saint Thomas, S. Th. III, q. 68, a. 9 ad 2). Cette maternité surnaturelle de l'Église, que le Saint-Esprit lui confère, est une merveille. La régénération spirituelle qui s'opère par le Baptême est d'une certaine façon semblable à la naissance corporelle : de même que les enfants qui sont dans le sein de leur mère ne s'alimentent pas tout seuls mais se nourrissent de l'aliment de la mère, de même les petits enfants qui n'ont pas l'usage de la raison et qui sont comme des enfants dans le sein de leur Mère l'Église, reçoivent le salut de l'action de l'Église et non d'eux-mêmes (Ibid., ad 1) » (Aimer l’Église n° 31).

Cette symbiose entre le chrétien et l’Église ne se réduit pas au moment initial de l’existence chrétienne, mais se poursuit et se développe tout au long de la vie, culminant dans l’au-delà. Chez saint Josémaria, la conscience ecclésiale du chrétien prend des connotations existentielles très concrètes à travers la fraternité, un point sur lequel on remonte une fois de plus aux origines de l’Église. Dans son premier écrit, Chemin,il avait déjà dit : « “Saluez tous les saints. Tous les saints vous saluent. À tous les saints qui vivent à Éphèse. À tous les saints dans le Christ Jésus, qui sont à Philippes. ” N’est-il pas émouvant, ce titre de “saints” que les premiers chrétiens utilisaient entre eux ?— Apprends à vivre avec tes frères » (C 469). Et plus tard, dans l’un des entretiens recueillis dans le livre éponyme, il rappelle que : « Il est essentiel à l'esprit chrétien (…) d'éprouver l'unité avec ses frères dans la foi. Il y a très longtemps que je le pense : l'un des plus grands maux de l'Église de nos jours est l'ignorance où sont de nombreux catholiques de ce que font et pensent les catholiques d'autres pays ou d'autres milieux sociaux. Il est nécessaire d'actualiser cette fraternité, que vivaient si profondément les premiers chrétiens » (Entretiens 61). Il ne s’agit cependant pas d’une fraternité « nostalgique », mais d’une réalité forgée à partir de la filiation divine née du Baptême, comme cela a déjà été dit. « La faim de justice doit nous conduire à la source première de la concorde entre les hommes : être et se savoir enfants du Père, frères » (QCP 157).

3. Baptême, confirmation, participation à la mission de l’Église

Dans la prédication orale et écrite de saint Josémaria, la condition ecclésiale découlant du Baptême et de la Confirmation s’accompagne de la référence à la participation de tous les baptisés à la mission de l’Église. Le fondateur de l’Opus Dei a aspiré en tout temps à éveiller l’énergie apostolique potentielle contenue dans la grâce baptismale et augmentée ensuite dans la Confirmation. Il parlait ainsi d’une mission qui revient dès l’origine à chaque chrétien en raison du sacerdoce commun conféré par ces deux sacrements : « Est apôtre le chrétien qui se sent greffé sur le Christ, identifié au Christ par le Baptême ; habilité à lutter pour Lui par la Confirmation ; appelé à servir Dieu en travaillant dans le monde par le sacerdoce commun des fidèles, qui (…) donne la capacité de prendre part au culte de l'Église, et d'aider les hommes dans leur route vers Dieu, par le témoignage de la parole et de l'exemple, par la prière et par l'expiation » (QCP 120). « Et tous les chrétiens participent d'une certaine façon à cette tâche [la sanctification des hommes], grâce au caractère qu'ils ont reçu dans les sacrements du Baptême et de la Confirmation. Nous devons tous nous sentir responsables de cette mission de l'Église, qui est la mission du Christ » (Aimer l’Église, n° 32).

Dans cette ligne, et toujours en ce qui concerne « les aspects et les conséquences de la dignité et de la responsabilité particulières que le baptême confère aux personnes », saint Josémaria n’hésite pas à critiquer les approches cléricales ou pseudo hiérarchiques, dénonçant « le préjugé suivant lequel les fidèles ordinaires ne peuvent rien faire d'autre qu'aider le clergé, dans des apostolats ecclésiastiques. Il n'y a aucune raison pour que l'apostolat des laïcs soit toujours une simple participation à l'apostolat hiérarchique : il leur incombe le devoir de faire, eux aussi, de l'apostolat. Et cela, non en vertu d'une mission canonique reçue, mais parce qu'ils font partie de l'Église »(Entretiens 21). On comprend ainsi que la façon dont saint Josémaria conçoit l’Église a été décrite comme « une communauté spontanément vitale » (Alonso, 1981, p. 582).

La dimension sacramentelle qui encadre la prédication du fondateur de l’Opus Dei sur l’appel universel à la sainteté et à l’apostolat, fait converger les deux aspects de manière unitaire dans le sacerdoce commun des fidèles, en accord avec ce qui a été déclaré à Vatican II (LG, 10). Cette unité se réfère à la christologie, car « le chrétien est oblige d'être alter Christus, un autre Christ, le Christ Lui-même. Par le Baptême, nous avons tous été institués prêtres de notre propre existence pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ, et pour réaliser chacune de nos actions dans un esprit d'obéissance à la volonté de Dieu, perpétuant ainsi la mission de Dieu fait Homme » (QCP 96). Puisque, dans un contexte analogue, « il n'est pas possible de séparer, chez le Christ, son être de Dieu-Homme de sa fonction de Rédempteur » (QCP 106), il n’est pas non plus possible chez le chrétien de séparer l’appel à la sainteté et l’invitation à l’apostolat. Cela lui permet de dire avec une solidité doctrinale que « la sanctification forme un tout indissociable avec l'apostolat » (QCP 145), et que « être chrétien, c'est avoir été régénéré par Dieu et envoyé annoncer aux hommes le salut » (QCP131). On prend ainsi ses distances avec, à la fois, un spiritualisme désincarné étranger aux besoins des hommes et un activisme apostolique débridé et finalement inefficace.

Il faut ajouter que cet enracinement continu de la mission apostolique de tous les fidèles dans les sacrements du Baptême et de la Confirmation, sans que soit nécessaire une quelconque mission officielle de la hiérarchie ecclésiastique, ne cherche pas à susciter des « revendications ministérielles » parmi les fidèles laïcs, ni à entrer en conflit avec l’autorité de l’Église. S’ils ne sont pas en « communion soignée avec la Hiérarchie », les fidèles chrétiens n’ont pas le droit de revendiquer leur sphère légitime d’autonomie apostolique (cf. Entretiens 21). En outre, il ne s’agit pas seulement d’être en communion avec la Hiérarchie, mais d’être conscient que le sacerdoce commun des fidèles a un besoin absolu du sacerdoce ministériel, y compris d’un point de vue apostolique, car, dans le développement de leur mission, il arrive un moment où les fidèles rencontrent le « mur sacramentel. La fonction sanctifiante du laïc a besoin de la fonction sanctifiante du prêtre, qui administre le sacrement de la pénitence, célèbre l'Eucharistie et proclame la parole de Dieu au nom de l'Église » (Entretiens 69). Il y a une harmonie entre les deux réalités, qui se reflète dans les dernières paroles que l’on conserve de la prédication de saint Josémaria, le jour même de sa mort, quand, s’adressant à un grand groupe de femmes, fidèles de l’Opus Dei, il leur a dit : « Vous, parce que vous êtes chrétiennes, vous avez une âme sacerdotale, comme je vous le dis à chaque fois que je viens ici. Vos frères laïcs ont aussi une âme sacerdotale. Vous pouvez et devez travailler avec cette âme sacerdotale ; et avec la grâce du Seigneur et notre sacerdoce ministériel à nous, prêtres de l’Œuvre, nous travaillerons efficacement » (Del Portillo,1976, p. 22).


Thèmes connexes : Âme sacerdotale ; Fidèles Chrétiens ; Filiation divine ; Église ; Sacerdoce commun ; Sacrements : Exposition d’ensemble ; Sainteté ; Vocation.

Bibliographie Luis Alonso, « La vocation apostolique du chrétien dans l’enseignement de Mons. Escrivá de Balaguer », ScrTh, 13 (1981), pp. 567-628 ; Antonio Aranda, « Le chrétien, « alter Christus, ipse Christus » dans la pensée du Bienheureux Josémaría Escrivá de Balaguer », in Manuel Belda - José Escudero - José Luis Illanes - Paul O’Callaghan (eds.) La sainteté et le monde. Actes du symposium théologique d’étude sur les enseignements du bienheureux Josemaría Escrivá (Rome, 12-14 octobre 1993), Madrid, EUNSA, 1996, pp. 129-187 : Philip Goyret L'unzione nello Spirito. Il battesimo e la cresima, Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2004 ; José Luis Illanes, « Le chrétien, « alter Christus, ipse Christus » dans la pensée du Bienheureux Josémaría Escrivá de Balaguer », in Gonzalo Aranda - Claudio Basevi - Juan Chapa (eds.) Bible, exégèse et culture. Études en l’honneur du Prof. D. José María Casciaro, Pampelune, EUNSA, 1994, pp. 605-622 ; Fernando Ocáriz, « Vocation à la sainteté dans le Christ et dans l’Église », dans Manuel Belda - José Escudero - José Luis Illanes - Paul O’Callaghan (eds.) La sainteté et le monde. Actes du symposium théologique d’étude sur les enseignements du bienheureux Josemaría Escrivá (Rome, 12-14 octobre 1993), Madrid, EUNSA, 1996, pp. 35-54 ; Álvaro del Portillo Mons. Escrivá de Balaguer, témoin d’amour pour l’Église, Madrid, Cuadernos Mundo Cristiano, 6, 1976 ; Pedro Rodríguez,« Baptême et vocation chrétienne », in Euclides Eslava Gómez (dir.) Vocation chrétienne et appel à la sainteté, Chia, Université de La Sabana, 2003, p. 7-26 ; Ana María Sanguineti, « Dimension sacramentelle de la vie quotidienne des enfants de Dieu dans son Église : une contribution théologique », dans GVQ, V/2, pp. 215-231.

Philip Goyret