Interview de Thierry Sol, Président du Congrès UNIV 2008 (*)
Comment pourriez-vous résumer l'objectif et l'origine des Congrès UNIV?
Les Congrès UNIV, promus par l'institut per la Cooperazione Universitaria (ICU), sont nés après 1968. Leur objectif était de proposer des solutions positives aux revendications étudiantes alors grandissantes. Le malaise universitaire, tant chez les étudiants que chez les enseignants, et la croissance imprévue de la population étudiante, la crise des institutions et surtout la demande de nouveaux rapports entre enseignants et enseignés apparaissent alors comme une réalité indéniable, qui plonge ses racines dans les transformations sociales en cours dans le monde entier au début des années 70. Étudier les problèmes, établir un dialogue entre les différents composants de la communauté universitaire, ne pas mettre en avant ses droits sans penser aussi à assumer d'abord ses propres devoirs, a semblé bien plus attrayant et révolutionnaire que toute forme de protestation. C'est cela qui a fait le succès de l'UNIV, succès qui ne s'est pas démenti jusqu'à aujourd'hui, année après année.
Que peut donc offrir à un étudiant la participation à la Rencontre UNIV à Rome ?
Une expérience forte en même temps qu'une appréciable ouverture intellectuelle. Sortir de son monde et pouvoir confronter ses problèmes avec ceux des autres, qui sont plongés dans des contextes différents représente souvent un choc, en raison de la rencontre d'autres expériences, et souvent il s'agit d'un choc positif. Cela amène en effet à reconsidérer ses propres critères, pour commencer à construire sur de nouvelles bases, plus universelles, plus véridiques. C'est une plus grande croissance en responsabilité.
Après avoir vu tous ces jeunes, quels conseils donneriez-vous à un étudiant, ou à un professeur ?
De commencer à écouter, pour mieux connaître nos camarades, nos amis. C'est la condition première d'un dialogue, du simple fait de montrer un véritable intérêt pour l'interlocuteur, permettant de renforcer une relation et de stabiliser une amitié. Saint Josémaria Escriva, qui avait une formation universitaire, et qui était très doué, a encouragé directement les activités des premiers congrès de l'UNIV. Il aimait synthétiser l’idée du rapport humain vraiment amical: "La vraie charité, plus qu'à donner, consiste à comprendre". Je pense que les jeunes, et en particulier les étudiants peut-être, sont dans l'attente de quelque chose de grand, pour lequel il vaut la peine de s'engager. Sans doute le problème est que personne ne leur propose des "idées mères": des idées qui reviennent surtout à étudier les problèmes, avant de s'y confronter.
Quels ont les principaux défis de l'université en 2008 ?
J'en signalerai trois.
D'abord ne pas avoir peur de parler de vérité dans les milieux scientifiques, sociaux, éthiques, humanistes. La recherche de la vérité n'est pas la tension avec la vérité personnelle de chacun. Le rôle de l'université, au cours des neuf derniers siècles, a consisté à orienter les étudiants dans la découverte de leur capacités de connaître le vrai, dans un juste respect de la liberté.
Puis l'aptitude à se remettre en cause personnellement, pour servir, pour être utile aux autres. L’université n'est pas un lieu clos: elle a une projection au service de la société, à commencer par les secteurs les plus défavorisés. Et pour qu'il en soit ainsi aujourd'hui, il faut que la vocation universitaire trouve toujours des personnes disposées à l'incarner. On a besoin de nouveaux vrais maîtres, capables de transmettre l'amour de la recherche de la vérité et l'esprit de service de la société tout sans perdre de vue la capacité de se distraire, qui fait aussi partie de ces grands défis d'aujourd'hui. Ce n'est pas pour rien que le thème de l'UNIV 2008 est le bonheur et le divertissement.
(*) Thierry Sol (Montauban, 1971) a fait ses études à l'Université Paris IV-Sorbonne et à l'Institut d'études politiques de Paris. Il a enseigné le droit à l'université de Rennes. Il réside actuellement à Rome, où il travaille.