"Pardonner nous aide à ce que le ressentiment ne décide pas de l’avenir."

Lors de sa catéchèse du mercredi (20 août 2025), Léon XIV a prolongé sa méditation sur le moment de la trahison de Judas envers Jésus lors de la dernière Cène, pour parler du pardon que nous devons pratiquer, même envers ceux qui nous trahissent ou nous tournent le dos. De plus, à la fin de l'audience, il a convoqué une journée de jeûne et de prière pour la paix, le 22 août prochain.

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur l’un des gestes les plus bouleversants et lumineux de l’Evangile: le moment où Jésus, lors de la Dernière Cène, tend une bouchée à celui qui s’apprête à le trahir. Ce n’est pas seulement un geste de partage, c’est bien plus: c’est l’ultime tentative de l’amour de ne pas se rendre.

Saint Jean, avec sa profonde sensibilité spirituelle, nous décrit ainsi ce moment: «Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer […] Jésus, sachant que son heure était venue […] les aima jusqu’à la fin» ( Jn 13, 1-2). Aimer jusqu’au bout: telle est la clé pour comprendre le cœur du Christ. Un amour qui ne s’arrête pas face au rejet, à la déception, ni même à l’ingratitude.

Jésus connaît l’heure, mais ne la subit pas: il la choisit. C’est lui qui reconnaît le moment où son amour devra endurer la blessure la plus douloureuse, celle de la trahison. Et au lieu de se retirer, d’accuser, de se défendre… il continue d’aimer: il lave les pieds, imbibe le pain et l’offre.

«C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper» (Jn 13, 26). Par ce geste simple et humble, Jésus montre pleinement son amour. Non pas qu’il ignore ce qui se passe, mais précisément parce qu’il voit clairement. Il a compris que la liberté des autres, même quand on se perd dans le mal, peut encore être atteinte par la lumière d’un geste doux. Car il sait que le véritable pardon n’attend pas le repentir, mais s’offre d’abord, comme don gratuit, avant même d’être reçu.

Judas, malheureusement, ne comprend pas. Après la bouchée — dit l’Evangile — «Satan entra en lui» (v. 27). Ce passage nous frappe: comme si le mal, jusque-là caché, se manifestait après que l’amour eut montré son visage le plus désarmé. Et c’est précisément pour cela, frères et sœurs, que cette bouchée est notre salut: parce qu’elle nous dit que Dieu fait tout — absolument tout — pour aller vers nous, même à l’heure où nous le rejetons.

C’est ici que le pardon se révèle dans toute sa puissance et manifeste le visage concret de l’espérance. Il n’est ni oubli, ni faiblesse. Il est la capacité de laisser l’autre libre, tout en l’aimant jusqu’au bout. L’amour de Jésus ne nie pas la vérité de la douleur, mais il ne permet pas au mal d’avoir le dernier mot. Tel est le mystère que Jésus accomplit pour nous, auquel nous aussi, parfois, nous sommes appelés à participer.

Combien de relations se brisent, combien d’histoires se compliquent, combien de non-dits restent suspendus. Pourtant, l’Evangile nous montre qu’il y a toujours une façon de continuer à aimer, même lorsque tout semble irrémédiablement compromis. Pardonner ne signifie pas nier le mal, mais l’empêcher d’engendrer un autre mal. Il ne s’agit pas de dire qu’il ne s’est rien passé, mais de tout faire pour que le ressentiment ne décide pas de l’avenir.

Quand Judas quitte la pièce, «il faisait nuit» (v. 30). Mais aussitôt après, Jésus dit: «Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié» (v. 31). La nuit est encore là, mais une lumière a déjà commencé à briller. Et elle brille parce que le Christ reste fidèle jusqu’au bout, et ainsi son amour est plus fort que la haine.

Chers frères et sœurs, nous aussi, nous vivons des nuits douloureuses et difficiles. Des nuits de l’âme, des nuits de déception, des nuits où quelqu’un nous a blessés ou trahis. Dans ces moments-là, la tentation est de se renfermer, de se protéger, de riposter. Mais le Seigneur nous montre l’espérance qui existe, d’une autre voie qui existe toujours. Il nous enseigne que nous pouvons offrir une bouchée même à ceux qui nous tournent le dos. Que nous pouvons répondre par le silence de la confiance. Et que nous pouvons avancer avec dignité, sans renoncer à l’amour.

Demandons aujourd’hui la grâce de savoir pardonner, même lorsque nous nous sentons incompris, même lorsque nous nous sentons abandonnés. Car c’est précisément dans ces moments-là que l’amour peut atteindre son apogée. Comme Jésus nous l’enseigne, aimer signifie laisser l’autre libre — même de trahir — sans jamais cesser de croire que même cette liberté, blessée et perdue, peut être arrachée aux illusions des ténèbres et ramenée à la lumière du bien.

Lorsque la lumière du pardon parvient à filtrer à travers les fissures les plus profondes du cœur, nous comprenons qu’il n’est jamais inutile. Même si l’autre ne l’accepte pas, même s’il semble vain, le pardon libère celui qui le donne: il dissout le ressentiment, restaure la paix et nous rend à nous-mêmes.

Jésus, par le geste simple du pain offert, montre que toute trahison peut devenir une occasion de salut, si elle est choisie comme espace d’un amour plus grand. Il ne cède pas au mal, mais le vainc par le bien, l’empêchant d’éteindre ce qu’il y a de plus vrai en nous: la capacité d’aimer.

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APPEL

Vendredi prochain, 22 août, nous célébrerons la mémoire de la Bienheureuse Vierge Marie Reine. Marie est la Mère des croyants ici sur terre et est invoquée également comme Reine de la paix. Tandis que notre terre continue d’être blessée par des guerres en Terre Sainte, en Ukraine et dans beaucoup d’autres régions du monde, j’invite tous les fidèles à vivre la journée du 22 août dans le jeûne et la prière, en suppliant le Seigneur de nous accorder la paix et la justice et de sécher les larmes de ceux qui souffrent à cause des conflits armés en cours.

Que Marie, Reine de la paix, intercède afin que les peuples trouvent la voie de la paix.


source : vatican.va