- Dieu règle notre dette dans la confession.
- Le pardon, un acte libérateur.
- La chose la plus divine dans la vie d’un chrétien.
JÉSUS a raconté un jour l’histoire d’un roi qui voulait régler ses comptes avec ses serviteurs (cf. Mt 18, 21-35). On lui en présenta un qui lui devait dix mille talents. C’était une somme exorbitante ; nous dirions aujourd’hui qu’il s’agissait d’une dette plus digne d’une grande entreprise que d’un particulier. « Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Mais le serviteur « tombant à ses pieds, demeurait prosterné et disait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.” Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette »
Le serviteur avait simplement demandé un délai supplémentaire pour rembourser la somme empruntée. Mais son attitude a su toucher le cœur du roi. Celui-ci ne se contente pas de lui accorder un délai supplémentaire, mais le libère de toutes ses dettes. On peut imaginer la perplexité des auditeurs de la parabole. Eh bien, quelque chose d’aussi réel que cette histoire se produit chaque fois que nous nous approchons du sacrement de la réconciliation, même si la dette est très importante. Lorsque nous confessons nos péchés, « Dieu nous pardonne, il oublie tout le mal que nous avons fait. Quelqu’un a dit : “C’est la maladie de Dieu”. Il n’a pas de mémoire, il est capable de perdre la mémoire dans ces cas-là. Dieu perd la mémoire des mauvaises histoires de tant de pécheurs, de nos péchés. Il nous pardonne et va de l’avant » [1].
Il était pratiquement impossible pour ce serviteur de rembourser la somme empruntée : seul un geste de miséricorde comme celui du roi pouvait le libérer. Nous ne pourrions pas non plus, par nos propres actes, rembourser la dette que nous avons envers le Seigneur pour nos péchés. Non seulement en raison de la nature des actes commis, mais aussi parce que Dieu est ce qu’il est. Cependant, le Seigneur nous accorde librement son pardon par la confession et nous libère de tout ce qui pourrait nous éloigner de lui. C’est la mesure divine de son amour. C’est pourquoi l’Église recommande le recours régulier à ce sacrement, car « la confession régulière de nos péchés véniels nous aide à former notre conscience, à lutter contre nos penchants mauvais, à nous laisser guérir par le Christ, à progresser dans la vie de l’Esprit. En recevant plus fréquemment par ce sacrement, le don de la miséricorde du Père, nous sommes poussés à être miséricordieux comme lui » [2]
LORSQUE ce serviteur est parti de la présence du roi, il a trouvé un autre serviteur qui lui devait cent deniers. Ce n’était pas une petite somme — trois mois de salaire — mais c’était insignifiant par rapport à ce que son maître venait de lui pardonner. Lorsque l’homme se jette à ses pieds et lui demande un peu plus de temps, le serviteur refuse de lui accorder un délai : il le fait jeter en prison jusqu’à ce que la dette soit payée. Ses compagnons, témoins de tout cela, furent indignés et racontèrent au roi ce qui s’était passé. Et le roi, voyant l’insensibilité de son sujet, « le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait » (Mt 18, 34).
Pardonner à son prochain est un acte libérateur dont nous sommes les premiers bénéficiaires. Si ce serviteur avait remis la dette, la joie aurait été double : pour son compagnon de service, car il n’aurait plus rien à rembourser, et pour lui-même, car il aurait pu continuer à jouir de sa liberté. Or, il se retrouvait emprisonné et obligé de rembourser une somme qui l’étouffait. De la même manière, lorsque nous pardonnons à quelqu’un, nous nous libérons des éventuelles rancunes et haines qui peuvent se nicher dans notre cœur et nous accueillons la paix et la joie que Dieu nous offre « Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement, écrit saint Paul, si vous avez des reproches à vous faire. Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ » (Col 3, 13.15).
Nous pouvons pardonner aux autres parce que Dieu nous a d’abord pardonné. Et l’on pourrait aussi dire l’inverse : Dieu nous pardonne parce qu’il voit que nous avons la même attitude de miséricorde envers les autres. Nous pouvons demander au Seigneur, dans ce temps de prière, la grâce de savoir pardonner « tout de suite » en sachant que « pour grand que soit le tort ou l’affront qu’on te fait, Dieu t’a pardonné, à toi, bien davantage » [3]
SAINT JOSÉMARIA a dit un jour que la chose la plus divine dans la vie des chrétiens est de pardonner à ceux qui nous ont fait du tort. Dieu lui-même s’est fait homme précisément pour pardonner les péchés de tous les hommes. C’est pourquoi on peut dire que « rien ne nous rend plus semblables à Dieu que d’être prêts à pardonner » [4].
La plupart du temps, ce pardon concerne plutôt les petits conflits quotidiens : une mauvaise réaction, une plaisanterie déplacée, un malentendu, un oubli, etc. Dans de nombreux cas, il n’est pas toujours évident de savoir qui doit pardonner ou demander pardon. Dans beaucoup d’autres cas, en revanche, il n’y a guère de doute. Dans un cas comme dans l’autre, il est utile de considérer, comme le suggère le prélat de l’Opus Dei, qu’« un geste sincère de demande de pardon est souvent le seul moyen de rétablir l’harmonie dans les relations, même si nous pensons — plus ou moins à juste titre — que nous avons été la partie la plus offensé » [5].
L’une des dernières paroles que le Seigneur a prononcées avant de mourir était précisément celle du pardon à ceux qui l’avaient crucifié. Et nous pouvons imaginer que la Vierge Marie, en entendant ces paroles, a également accordé son pardon à ces personnes. Le cœur très doux de Marie « a dû beaucoup souffrir en voyant cette cruauté collective et cet acharnement des bourreaux que furent la Passion et la Mort de Jésus. Mais Marie ne dit rien. Comme son Fils, elle aime, elle se tait et elle pardonne. Voilà la force de l’Amour » [6].
[1]. Pape François, Homélie, 17 mars 2020.
[2]. Catéchisme de l’Église Catholique, n° 1458
[3]. Saint Josémaria, Chemin, n° 452.
[4]. Saint Jean Chrysostome, Comment. in Matthaeum, Homélie XIX, n° 7 : PG 57, 283.
[5]. Mgr. F. Ocariz, Lettre pastorale, 16 février 2023, n° 8.
[6]. Saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 237.