- L'Esprit Saint nous renouvelle toujours
- La longanimité nous fait sortir de la peur
AVANT DE MONTER sur la croix par amour pour chaque homme et chaque femme, Jésus veut nous élever à la hauteur de son amour. Il veut, en quelque sorte, nous hisser à son niveau, nous faire don de tout ce qu’il possède, de tout ce qu’il a reçu. C’est pourquoi il nous offre son intimité avec Dieu le Père. « Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17, 22), lisons-nous dans l’évangile de la messe d’aujourd’hui. Jésus veut que le Père nous regarde avec la même fierté avec laquelle il le regarde, lui. Pour hériter de ce patrimoine, il est important de comprendre, avant tout, que « Dieu est don, qu’il ne se comporte pas en prenant, mais en donnant. Pourquoi est-ce important ? Parce que de la manière dont nous entendons Dieu, dépend notre façon d’être croyants […] Si nous avons dans le cœur Dieu qui est don, tout change. Si nous nous rendons compte que ce que nous sommes est son don, don gratuit et immérité, alors nous aussi, nous voudrons faire de la même vie un don » [1].
Jésus nous fait don de l’Esprit Saint, donateur de tous les dons, de l’amour qui existe entre Dieu le Père et lui. Et avec le Paraclet, il nous accorde un de ses fruits : la longanimité, qui est grandeur d’âme face aux difficultés. « Beaucoup de grandes choses dépendent de ce que, toi et moi, nous nous comportions selon la Volonté de Dieu. Ne l’oublie pas » [2], disait saint Josémaria. Nous sommes invités à recevoir un amour infini. Or, souvent, notre réceptivité n’est pas en harmonie avec le désir de s’élargir que notre cœur a reçu. Il se peut que nous nous concentrions trop sur nos faiblesses et nos péchés. Cependant, l’Esprit Saint nous pousse toujours à lever les yeux, à contempler l’horizon, à nous relever avec plus de forces. Ce ne sont pas nos seules forces qui atteignent la sainteté, ce n’est même pas là le plus important : c’est Dieu qui fait que le don de nous-mêmes, la petite graine de sénevé, se multiplie et parvienne à offrir son ombre à un grand nombre.
« QUAND LA VIE de nos communautés traverse des périodes “d’essoufflement”, où on préfère la quiétude de la maison à la nouveauté de Dieu, c’est un mauvais signe. Cela veut dire qu’on cherche un refuge contre le vent de l’Esprit. Quand on vit pour l’autoconservation et qu’on ne va pas vers ceux qui sont loin, ce n’est pas bon signe. L’Esprit souffle, mais nous baissons pavillon. Pourtant tant de fois nous l’avons vu faire des merveilles. Souvent, précisément dans les moments les plus obscurs, l’Esprit a suscité la sainteté la plus lumineuse ! Parce qu’il est l’âme de l’Église, il la ranime toujours par l’espérance, la comble de joie, la féconde de nouveautés, lui donne des germes de vie. C’est comme quand, dans une famille, naît un enfant : il bouleverse les horaires, fait perdre le sommeil, mais il apporte une joie qui renouvelle la vie, en la faisant progresser, en la dilatant dans l’amour. Voilà, l’Esprit apporte une “saveur d’enfance” dans l’Église ! Il réalise des renaissances continuelles. Il ravive l’amour des débuts. L’Esprit rappelle à l’Église que, malgré ses siècles d’histoire, elle a toujours vingt ans, la jeune Épouse dont le Seigneur est éperdument amoureux. Ne nous lassons pas alors d’inviter l’Esprit dans nos milieux, de l’invoquer avant nos activités : “Viens, Esprit Saint !” » [3]
L’Église avance vers la Pentecôte animée de l’espérance d’atteindre ce don. Elle voudrait se remplir de longanimité : « Ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église ; pour que ta volonté s’accomplisse… », disons-nous au cours de la sainte messe. Nous ne voulons pas nous laisser distraire par une vue de courte portée. Nous voulons fixer notre regard sur quelque chose de définitif, sur ce qui ne passe pas, sur l’amour de Dieu pour chacun de nous. Saint Josémaria nous encourageait toujours à regarder l’horizon : « Ne contemplez rien avec des yeux uniquement humains, mes filles et mes fils. Ne regardez pas en appuyant votre nez sur le mur, car vous ne verriez alors qu’un petit mur, un peu de terre et le bout de vos chaussures, qui ne seront même pas propres car elles auront été souillées par la poussière de la route. Levez la tête, vous verrez le ciel, bleu ou nuageux, mais qui attend votre envol. Les obstacles de la sensualité, de l’orgueil, de la vanité, en un mot de l’idiotie humaine, ne sont pas si hauts qu’ils puissent, si nous ne le voulons pas, boucher complètement notre vue » [4].
« JE LEUR AI FAIT connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux » (Jn 17, 26), poursuit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Par moments, nous sommes frappés par le fait que les apôtres, choisis par le Christ de toute éternité, n’étaient pas parfois assez conscients de ce qui arrivait autour d’eux. Or, en réalité, c’est aussi bien souvent notre propre attitude, nous qui nous laissons distraire par ce qui est immédiat : « Très souvent, notre vie est organisée dans une logique de l’avoir, de la possession et non du don de soi. Beaucoup croient en Dieu et admirent la figure de Jésus Christ, mais quand il leur est demandé de perdre quelque chose d’eux-mêmes, alors ils font un pas en arrière, ils ont peur des exigences de la foi. Il y a la crainte de devoir renoncer à quelque chose de beau, auquel nous sommes attachés ; la crainte que suivre le Christ nous prive de la liberté, de certaines expériences, d’une part de nous-mêmes. […]. Nous devons savoir reconnaître que perdre quelque chose, et même soi-même pour le vrai Dieu, le Dieu de l'amour et de la vie, c’est en réalité gagner, se retrouver plus pleinement. Qui s’en remet à Jésus fait l’expérience déjà dans cette vie-là de la paix et de la joie du cœur, que le monde ne peut pas donner, et ne peut pas non plus ôter une fois que Dieu nous les a offertes. Il vaut donc la peine de se laisser toucher par le feu de l'Esprit Saint ! » [5]
À l’opposé de la longanimité, nous trouvons la peur, la pusillanimité, le désir de tout contrôler, de ne prendre aucun risque. Se laisser dominer par la peur ? Rien de plus facile, mais nous pouvons pressentir où mène cette voie. L’Esprit délivre nos cœurs de la peur. Il transforme notre vie, mais il le fait à sa manière : « Le changement de l’Esprit est différent : il ne révolutionne pas la vie autour de nous, mais il change notre cœur ; il ne nous libère pas d’un seul coup des problèmes, mais il nous libère intérieurement pour les affronter ; il ne nous donne pas tout immédiatement, mais il nous fait marcher avec confiance […] Comment procède-t-il ? En renouvelant le cœur, en le transformant de pécheur en pardonné. Voilà le grand changement : de coupables, il nous fait devenir des justes et ainsi tout change, car esclaves du péché nous devenons libres, serviteurs nous devenons des fils, marginalisés nous devenons des personnes importantes, déçus nous devenons des personnes remplies d’espérance. Ainsi, l’Esprit Saint fait renaître la joie, il fait ainsi fleurir la paix dans le cœur » [6].
« Mon âme exalte le Seigneur » (Lc 1, 46). Nous demandons à notre Mère de nous aider à découvrir comme elle la grandeur du Seigneur et à nous laisser enflammer par le feu de l’Esprit, afin de mettre ainsi le feu partout sur la terre.
[1]. Pape François, Homélie, 31 mai 2020.
[2]. Saint Josémaria, Chemin, n° 755.
[3]. Pape François, Homélie 31 mai 2020.
[4]. Saint Josémaria, notes prises lors d’une réunion de famille, 25 juin 1972.
[5]. Benoît XVI, Homélie, 23 mai 2010.
[6]. Pape François, Homélie, 20 mai 2018.