Parlez-vous Pentateuque (2)?

L’abbé Fernandez nous propose de découvrir de nouvelles expressions tirées du Pentateuque et utilisées dans le langage courant.

Quant aux noms communs, certains événements ont laissé de traces linguistiques. Le plus ancien est la « création », souvent rangée dans le registre des arts ; les Japonais en savent, par ses travaux de restauration de la Chapelle Sixtine. Ensuite, on retrouve malencontreusement le « paradis perdu », bien chanté par la littérature britannique. Certains sont encore repérables, comme « l'arc-en-ciel », ou dangereusement fréquents comme « le fruit défendu ». Walt Disney a su trouver des images sympathiques pour l’épopée de « l’arche de Noé », aujourd’hui associée à la bienfaisance. Les météorologues nous parlent régulièrement du « déluge », pour la plupart de proportions modérées. Nous pouvons nous trouver dans une « tour de Babel », où personne n’entend ni n’écoute. Ce sera exceptionnel de trouver une « échelle de Jacob », mais si cela arrive, on ne sera pas toujours sûrs de vouloir l’emprunter. Les vacances sont propices à « l'exode », routier, aérien ou par chemin de fer, sans besoin de faire la « traversée du désert ». Dans certains cas, les agences touristiques peuvent nous offrir une « manne », dans la destination ou dans les prix, pour bien remplir une « année sabbatique » de repos.

Les expressions plus élaborées ne manquent pas non plus. Compte tenu du prolongement de la durée de vie, on peut toujours croiser quelqu’un de « plus âgé que Mathusalem ». On ne voudra pas faire face aux « armées célestes » et on sera reconnaissant à l’égard des « bons enfants de Noé », surtout à la plage. Peut-être que nous avons fait, nous-mêmes, l’expérience de « l’ânesse de Balaam », en énonçant de propos vrais mais imprévisibles. Ce sera rare d’avoir revêtu un « cilice », mais en revanche on a dû céder quelquefois à un bon « plat de lentilles », comme le rouquin jumeau de Jacob. 

De temps en temps, dans le débat politique, nous écoutons, ou même proférons, des « anathèmes » et, par temps de crise, nous cherchons systématiquement le « bouc émissaire » sur qui faire retomber la responsabilité des « vaches maigres » économiques ; personne peut nous forcer à dire « amen » à telle ou telle mesure du gouvernement. De temps en temps, toujours dans les rangs politiciens, nous découvrons un « Joseph trahi par ses frères » et, au milieu des conflits syndicaux ou financiers, on attend un improbable « jugement de Salomon » qui trancherait les différends. Le « tohu-bohu » rhétorique des assemblées rappelle bien le manque de créativité. Nous admirons, sans trop l’imiter, le « sacrifice d’Abel » et nous avons la chair de poule devant « le sacrifice d’Abraham ». Si la « terre promise » est toujours loin, les « tables de la loi », avec la concision du « décalogue », nous rappellent à l’ordre, malgré le handicap moral engendré par la « pomme d’Adam ». Les « trompettes de Jéricho » sont évoqués en signe de triomphe ou simplement de vacarme. 

Peu de gens savent que l’insigne de l’Ordre de la « toison d’or » a quelque chose à voir avec les peaux ovines de Gédéon. Plusieurs termes concernant les institutions bibliques sont aussi restés dans notre langue, avec des connotations plus ou moins festives. Au sommet on peut classer la « Pâque », suivie de la « Pentecôte » ; en revanche les « jubilés » sont de plus en plus espacés. Parmi les coutumes douloureuses, on s’accordera à situer la « circoncision ». Bien au delà des « lévites », spécialisés en questions cultuelles, on sait qu’il y a encore dans le marché du pain « azyme ».

 Dans les antiquaires on trouvera des exemplaires du « chandelier à sept branches » ou d’un « tabernacle ». Invités chez un personnage, nous aurons de la chance s’il nous introduit dans son « saint des saints » ou nous invite à faire partie d’un « sanhédrin » influent. Nous faisons valoir notre « droit d’aînesse » et nous trépignons devant une « dîme » à payer.

Bonus : 

Noms des personnages bibliques dans les bouteilles géantes de champagne, à partir de la Belle Époque (b = base = 0,75 litres) 

jéroboam =4 b = 3 l.

rhéoboam =6 b

mathusalem =8 b

salmanazar =12 b

balthazar =16 b

nabuchodonosor =20 b s

alomon = 24 b = 18 l.