Le roc dépouillé

L'Église fête saint Jean-Paul II, celui qui a porté le flambeau de la foi apostolique sur les cinq continents, soutenu l’espérance contre les peurs et les dangers, essaimé la charité à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église, « avec une force de géant » (Benoît XVI).

La mémoire de saint Jean-Paul II a été fixée, dans le calendrier de l’Église, pour le 22 octobre, date de l’inauguration de son pontificat (1978). Après presque 27 ans de ministère pétrinien, il rendit son âme à Dieu la veille du dimanche de la Miséricorde divine (2005). Ce dimanche fut choisi par ses successeurs pour proclamer sa béatification (Benoît XVI, 2011).  Trois ans après, une fois constaté un deuxième miracle par l’intercession du bienheureux pape polonais, le pape François choisit cette même date pour proclamer sa canonisation (en même temps que celle de Jean XXIII),  devant un millier d’évêques et six mille prêtres, à Saint-Pierre de Rome.

« Le devoir du nouveau Pape sera d’introduire l’Église dans le Troisième Millénaire »

Jean-Paul II a laissé une trace décisive dans l’histoire récente de l’Église et du monde. À l’approche de son élection, un de ses confrères lui avait signalé, à juste titre : « Le devoir du nouveau Pape sera d’introduire l’Église dans le Troisième Millénaire » (Jean-Paul II, Testament). La barque de Pierre traversait la houle postconciliaire mais le Saint-Esprit l’avait dotée d’un pilote expérimenté, qui avait vécu l’assemblée de Vatican II depuis ses débuts. « Je rends grâce au Pasteur éternel qui m’a permis de servir cette très grande cause au cours de toutes les années de mon pontificat » (ibidem). 

« avec une force de géant » reçue de la Miséricorde vivante du Christ.

Il a porté le flambeau de la foi apostolique sur les cinq continents, il a soutenu l’espérance contre les peurs et les dangers, il a essaimé la charité à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église, « avec une force de géant » (Benoît XVI, Homélie de béatification, 1/05/2011). Il l’avait reçue de la Miséricorde vivante du Christ.

Élisabeth avait loué la foi agissante de Marie. Le Christ a proclamé la béatitude des apôtres Pierre et Thomas en raison de leur foi sincère.
Jean-Paul II a partagé ces mêmes foi et bonheur, pour soutenir le Peuple de Dieu et éclairer les nations. Il a démasqué les systèmes inhumains qui falsifiaient l’espérance.

« Le Seigneur l’a dépouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un ‘rocher’, comme le Christ l’a voulu » (Benoît XVI)

« Sur ce roc, je bâtirai mon Église » (Matthieu 16, 18). Élu pape à moins de 60 ans, dans la force de l’âge, il a connu par la suite, avec l’attentat de 1981 et sa convalescence laborieuse, un avant-goût du martyre ; il s’est dépensé sans mesure ; il a subi des ennuis de santé les uns après les autres : « Le Seigneur l’a dépouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un ‘rocher’, comme le Christ l’a voulu » (Benoît XVI, ibidem). Il s’est identifié au Christ, Rédempteur des hommes et des femmes. Il a rappelé avec force la vocation universelle à la sainteté. « Il aurait voulu qu’on se souvienne de lui comme du Pape de la famille » (pape François, Homélie de canonisation, 27/04/2014).

Jean-Paul II portait le regard aimable du Sauveur et la fécondité de sa miséricorde. Dans ses armoiries il avait choisi les symboles de la Croix rédemptrice et du nom de Marie ; comme devise, il avait adopté la formule de Saint Louis-Marie Grignon de Montfort : Totus tuus, « je suis tout à toi » (Traité de la vraie dévotion à Marie, n. 233). Il ne s’est rien réservé. Devenu tout petit devant le Sauveur, il reçoit le label de sa grandeur.

«Il a opposé l’esprit au pouvoir et a remporté la victoire de l’esprit»

Pour le centenaire de sa naissance de Karol Wojtyla, le pape émérite Benoît XVI avait proposé de lui attribuer, comme à d’autres pasteurs célèbres, l’épithète de « Grand », y compris par son influence dans les tournants de l’histoire humaine, notamment dans l’effondrement du communisme soviétique. «Il a opposé l’esprit au pouvoir et a remporté la victoire de l’esprit» (Lettre, 18/05/2020). Sa foi a vaincu le monde.

Abbé Fernandez