Entretien avec le postulateur de la cause de béatification de Montse Grases

En la déclarant vénérable, l’Église nous dit que Montse est un exemple à proposer à la dévotion et à l’imitation des fidèles catholiques. Elle nous encourage aussi à recourir à son intercession pour obtenir des faveurs du ciel.

1. Pourriez-vous dresser brièvement le portrait de Montse Grases?

Lorsque l’Église déclare que quelqu’un a vécu les vertus chrétiennes de façon héroïque, elle désigne, sans aucun doute, les traits les plus saillants de sa personnalité. Ceci étant, je dirai tout d’abord que Montse a vécu, au summum, la foi, l’espérance et la charité, tout comme les vertus cardinales et morales. Très pieuse, elle chercha Dieu de toutes ses forces, totalement plongée dans le contexte ordinaire de son existence quotidienne.

Montse fut une jeune fille comme les autres, très humaine, qui sut élever les circonstances les plus banales en une rencontre avec Dieu : les relations familiales, les amitiés propres à une adolescente, le travail, les loisirs, etc.

Tous ceux que l’ont connue ont été unanimes à préciser qu’elle était d’un abord doux, —non pas doucereux—, et de ce fait, très attirante. Aussi, de nombreuses jeunes filles de son âge ont-elles joui de cette amitié qu’elle prodiguait généreusement. Après avoir connu l’Opus Dei, Montse profita de ces dons naturels pour approcher ces femmes de Dieu et ce, tout naturellement, sans rien faire d’extraordinaire, mais en s’entretenant avec elles, de tu à toi.

Profondément heureuse, elle communiquait sa joie en toute circonstance, y compris en sa maladie et à sa mort.

2. Que gagne-t-elle à être Vénérable?

Les saints canonisés, par leur exemple et leur intercession devant Dieu, aident les autres chrétiens à parcourir le chemin de l’existence. L’Église affirme que l’aide qu’ils nous apportent est un grand service. Nous pouvons et nous devons alors leur demander d’intercéder pour nous et pour tout le monde.

En la déclarant vénérable, l’Église nous dit que Montse est un exemple à proposer à la dévotion et à l’imitation des fidèles catholiques. Elle nous encourage aussi à recourir à son intercession pour obtenir des faveurs du ciel.

3. Y a-t-il une vertu que vous retiendriez et que Montse s’efforça de vivre héroïquement?

Elle nous a appris que suivre de près Jésus ne signifie pas entreprendre des choses de plus en plus difficiles ou extraordinaires, mais à réaliser ce que l’on fait tous les jours par amour et avec amour, pour que cela devienne une occasion de servir Dieu et les autres.

Montse a ainsi incarné l’esprit que Dieu confia à saint Josémaria, fondateur de l’Opus Dei.

Sa vie nous montre aussi qu’il ne faut attendre à être « grands » pour atteindre des buts élevés et que la jeunesse n’est pas une période transitoire de la vie, mais bien au contraire, l’instant où l’on peut se livrer à Dieu, en l’aimant de tout son cœur, pour éclairer le monde de la lumière du Christ.

N’attendez donc pas de vieillir pour être saints (...) Montse va encourager de nombreux jeunes à ne pas remettre à plus tard les choix qui transforment leur existence et lui donnent un sens divin, des décisions visant plus de solidarité, d’ouverture à Dieu et aux autres.

Saint Josémaria rappelait aux fidèles les plus jeunes de l’Opus Dei que “

« la sagesse et la sainteté ne sont pas le fruit des années écoulées, mais au contraire car le Saint-Esprit permet aux jeunes de dire : “Super senes intellexi, quia mandata tua quaesivi” (Ps 118, 100), j’ai plus de sagesse que les vieux, plus de sainteté que les vieux parce que j’ai tâché de suivre les commandements du Seigneur. N’attendez donc pas de vieillir pour être saints : ce serait une grosse erreur ». Montse accueillit ce message en plénitude et je pense qu’elle va encourager de nombreux jeunes à ne pas remettre à plus tard les choix qui transforment leur existence et lui donnent un sens divin, des décisions visant plus de solidarité, d’ouverture à Dieu et aux autres.

4. La dévotion des jeunes à Montse est-elle réellement importante

Bien entendu. Beaucoup de monde prie Montse. Nous avons des centaines de nouvelles de faveurs accordées par son intercession. Ils vont prier sur sa tombe, à l’oratoire du Colegio Mayor Bonaigua, à Barcelone.

Le nombre d’exemplaires d’images pour sa dévotion tirées dans le monde est frappant. Les chiffres qui me sont parvenus en 2014 parlent de 40.000 exemplaires en allemand, arabe, castillan, catalan, en cébouano, en chinois, en estonien, en français, anglais, italien, japonais, lituanien, néerlandais, polonais, en portugais ou en tagalog.

5. Beaucoup de personnes sont appelées à témoigner lors d’un procès de béatification et canonisation. Qui donc a témoigné dans celui de Montse et à quel propos ?

Des personnes qui avaient personnellement fréquenté Montse on témoigné lors de son procès diocésain, entre 1962 et 1968. Le procès de 1993, convoqué par le postulateur de la cause à l’époque, alors qu’il n’était nullement tenu de le faire, a recueilli plus de 100 témoignages écrits d’autres personnes ayant connu Montse.

S’agissant d’une jeune fille de moins de 18 ans, je pense que cet appel à témoins a été exhaustif et bien plus complet que d’habitude. Nous connaissons ainsi beaucoup de nuances de sa vie nous permettant de nous faire une idée exacte de sa sainteté.

Ces témoins, qu’ont-ils assuré? Il est difficile d’en faire un résume en quelques lignes. Je vais me limiter à reproduire des phrases textuelles sans donner de noms.

  • «Elle se disait souvent à elle-même : “Je suis fille de Dieu”.
  • «Montse fut un enfant et une jeune fille sans problèmes […] Joyeuse, pure, bonne et simple”.
  • «Elle était très attachée au soin des petites choses, des détails d’ordre, de mortification, de joie, et toujours soucieuse des autres”.
  • «Montse a trouvé Jésus sur la Croix, ce Jésus qui s’abandonne dans les bras de son Père en disant: “ Dans tes mains je remets mon Esprit”. Et comme elle confiait en Dieu son Père, et qu’elle se sentait entre ses mains, elle était paisible, sereine, heureuse”.
  • «La normalité était ce qu’il y avait d’extraordinaire chez Montse. Elle endura sa maladie sans chercher à en être un acteur, sans tenir à être le centre des préoccupations des autres »
  • «Ce que j’ai le plus admiré chez la Servante de Dieu ce fut sa joie; une joie constante et contagieuse. Quand nous allions la voir, tout en sachant elle était déjà laissée pour compte, nous en revenions tout joyeux, et avec une grande paix intérieure ».

6. Pour que Montse soit béatifiée, il va falloir que le Saint Siège reconnaisse un miracle obtenu grâce à son intercession. Y en a-t-il attribué à Montse ?

En effet, l’étape successive, préalable à la béatification, tient à démontrer l’existence d’un miracle. Très fréquemment, il s’agit de guérisons que la science ne sait pas expliquer, soit à cause du type de maladie, soit par la façon dont elle s’est déclenchée.

Nous avons des nouvelles de beaucoup de faveurs ainsi que de guérisons. En voici une parmi tant d’autres : le 10 mars 2003, à Barcelone, le docteur José O. est sorti pour une faire une course pour sa femme. Sur la Rambla de Cataluña il a eu un arrêt cardiaque. Deux médecins qui passaient lui ont fait un massage et il a été hospitalisé. Son épouse et ses amis ont confié sa récupération à l’intercession de Montse. José a dit par la suite : «Personne ne croyait à ma guérison et tout le monde pensaient que j’aurais des séquelles cardiaques ou cérébrales. J’aurais pu être paralysé, aveugle ou comme un légume», alors qu’il va parfaitement bien et qu’il mène une vie normale.

Ceci dit, avec la déclaration des vertus héroïques, je suis sûr que beaucoup de monde aura recours à l’intercession de la nouvelle vénérable pour obtenir de nombreuses grâces à caractère extraordinaire qui permettront d’atteindre sa béatification au plus vite.

7. Tout en sachant qu’un procès de béatification et de canonisation est long et demande beaucoup de travail, pensez-vous que celui de Montse en vaille la peine ? Pourquoi ?

Bien sûr qu’il en vaut la peine! comme c’est le cas pour tous les procès de canonisation auxquels procède l’Église. Nous avons besoin d’exemples qui nous permettent de mener une existence chrétienne, qui nous apprennent à faire un bon usage de «la réalité concrète» de notre vie, comme l’assure le pape François dans son exhortation apostolique Amoris laetitia, n. 31. «En effet, les exigences et les appels de l’Esprit Saint résonnent aussi au cœur des événements de l’histoire ».

L’exemple d’une jeune fille joyeuse, belle, tout à fait normale, qui se sanctifie dans des tâches quotidiennes, tout aussi “normales”, ne peut qu’être un aimant pour en attirer d’autres, des jeunes tout spécialement, les aidant à prendre la foi au sérieux et, de ce fait, à y trouver leur bonheur”.