La paix dans la famille et la société au cœur de la « Journée des familles » à Yaoundé

La VIe édition de la Journée des Familles s’est tenue le 02 avril dernier au Palais des Congrès de Yaoundé, sous l’égide de l’Association camerounaise pour le développement de la famille (ACDF).

Plus de 400 participants, venus en famille avec les enfants, ont pris part à cette édition qui venait confirmer la maturité d’un projet démarré il y a six ans.

Comme il est de tradition, la Journée des familles a débuté avec une Messe présidée cette année par l’abbé Hervé Djamga. Partant des textes Liturgiques du jour, il a insisté sur la foi en Jésus comme fondement de toute vie de famille épanouie. On aura aussi retenu de son homélie la mise en indexe des marchandages autour des deuils, qui deviennent malheureusement des sources de division dans les familles et entre les amis, fondées des préoccupations purement matérielles. Il a alors invité la société à vivre les deuils chrétiennement, en retrouvant notamment le sens de la mesure et de la sobriété.

Prenant la parole après la Messe, le Président de l’ACDF, Me Clovis Metang, a introduit le thème de la conférence de cette année, « La paix dans le couple, la paix dans la famille et la paix dans la société », qu’il a justifié par le contexte de menaces croissantes à la paix. Me Metang a en outre profité de l’occasion pour rappeler les objectifs de l’Association et présenter les programmes de développement de la famille qu’elle promeut, dont l’Orientation familiale, son activité de formation phare.

Pour développer ce thème crucial de la paix, les organisateurs ont choisi deux principaux panelistes : le Pr Valérie Ongolo, Enseignante, et M. François Ossama, Ecrivain, sous la modération du Dr Esther Tallah, médecin pédiatre, Présidente de l’association : Ecole, Famille, Education Intégrale (EFEDI).

Intervenant en premier, M. François Ossama a d’emblée souligné les limites d’une conception sociologique de la paix qui réduit celle-ci à un état d’absence de conflits, considérés comme tels essentiellement par rapport à leurs expressions physiques. Le problème posé par cette vision étroite de la paix, a déploré l’intervenant, est que l’on s’est plus investi à prévenir les conflits avec violences matérielles ou physiques qu’à traiter à la racine des attitudes et des comportements porteurs d’une violence insidieuse ou ordinaire mais réelle. Il s’agit des formes verbales ou silencieuses de violence qui sont banalisés dans la vie de couple et deviennent omniprésentes : le refus d’écoute, les injures et les humiliations, la négativité, le mépris, l’indifférence, etc. C’est pourquoi, a-t-il préconisé, une approche renouvelée de la culture de la paix devrait mettre un accent sur la correction de ces comportements, car, plus que les confrontations violentes, ce sont eux qui installent les familles et la société dans un climat délétère quasi-permanent (sentiment d’insécurité, peur, défiance, etc.).

M. Ossama a ensuite indiqué quelques facteurs clés favorisant la culture de la paix dans le foyer, dont il faut se rappeler qu’il devrait être pour chaque individu, et dès l’enfance, le lieu de l’expérience première de la paix. Insistant sur la responsabilité propre de chaque conjoint dans la construction d’une ambiance apaisée en famille, il a proposé de mettre l’accent sur un cheminement personnel vers la paix, car a-t-il souligné, « c’est l’individu qui est porteur de paix ou de violence dans le contexte dans lequel il est ; la paix ou la violence partent de l’individu ». Ensuite, cette maturation intérieure de la paix doit déboucher sur notre capacité au dialogue : la culture de la paix est celle du dialogue. Cependant, le dialogue n’est possible et constructif que s’il s’enracine dans de bonnes dispositions comme le respect mutuel qui inclut l’écoute et le tact, la recherche du bien commun qui implique la culture du compromis. Il faut en outre insister sur le pardon, car il n’y a pas de paix qui subsiste en famille sans pardon. M. François Ossama a terminé son propos sur le thème de la foi. La paix, a-t-il expliqué, est finalement le choix de réaliser l’amour de Dieu dans le regard porté sur les autres, sur son conjoint, et sur ses enfants. Cette perspective surnaturelle permet de rappeler que la paix a pour source Dieu, et que par conséquent, elle ne peut être réalisée pleinement, durablement et authentiquement en dehors de Lui et sans son aide.

Intervenant à sa suite, Mme Valérie Ongolo a accentué son propos sur la paix à l’échelle de la société. Elle a à cet effet articulé son propos sur les contours de la culture de paix, c’est-à-dire les principes qui doivent être appliqués par tous ou la grande majorité des personnes pour y parvenir. Elle a ainsi relevé : le respect, la recherche de l’intérêt collectif par opposition à l’intérêt individuel, le respect des règles et principes préétablis, le respect et la promotion des droits de chacun à la liberté d’expression, d’opinion et d’information. Sur l’explication du climat social actuel, l’intervenante a souligné d’une part, les transformations sociales qui fragilisent la cohésion sociale, citant notamment l’individualisme, l’absence des instances d’échanges ou de partage, le renforcement des inégalités, etc. ; et d’autre part, les entraves à l’édification de la paix : le favoritisme, la marginalisation des défavorisés, l’incivisme, les comportements opportunistes ou de resquilleurs dans la gestion des services collectifs. En revanche, a-t-elle considéré, la culture de la paix s’appuie sur des valeurs, des attitudes, des traditions, des comportements et des modes de vie traduisant l’adhésion dans la société, aux principes de: liberté, justice, partage, solidarité, tolérance, pluralisme ou diversité culturelle, dialogue et compréhension.

Mme Valérie Ongolo s’est appesantie sur les valeurs du vivre ensemble en explorant au départ celles développées par nos sociétés traditionnelles, dont notamment : la reconnaissance sociale, l’existence d’un lien social qui impulse l’ordre, la hiérarchie et l’exemplarité, l’entraide et la solidarité, l’apologie du silence et la discipline de la parole, la tolérance, l’existence de structures de dialogue et de communication. Partant de ces valeurs, et en guise de solutions pour promouvoir la paix dans la société, elle a présenté quelques pistes pour généraliser les valeurs, actions et comportements en faveur de la paix. Il s’agit notamment : de la recherche de nouveaux mécanismes de reconnaissance sociale basés non pas sur l’argent, mais sur les valeurs morales et de paix telles que l’exemplarité, la responsabilité ; l’institution de mécanismes de solidarité (assurance maladie, soutien à la scolarité des catégories sociales défavorisées) ; la création des instances d’échange et de dialogue multiculturels pour la gestion des affaires de la cité (pour une approche participative). Mme Ongolo a conclu son propos en appelant à une prise de conscience sur la contribution de tous dans la construction d’une société apaisée.

Le cycle de présentations s’est achevé par le témoignage concret d’un projet qui initie les tout petits à la culture de la paix, l’Ecole Tiama –une initiative d’EFEDI- . Mme Irène Bidjo a souligné les spécificités pédagogiques qui font de cette école un projet concret d’enracinement d’une culture de la paix dès l’enfance. Ainsi elle a relevé que l’approche éducative met l’accent sur le dialogue pour véhiculer les connaissances et pour apprendre aux enfants à gérer les conflits. Il existe aussi un programme d’apprentissage des vertus humaines (une par mois) qui concourent à la paix. Ces démarches sont complétées par le trilinguisme (3 langues : français, anglais et espagnol), dont l’apport à la culture de paix se situe dans le fait que les langues sont un élément d’ouverture aux autres et au monde qui accroît la tolérance.

A la suite de ces interventions, des échanges riches ont suivi, qui ont mis un accent sur le lien entre la paix et la foi, et sur la nécessité d’une bonne articulation entre la justice et la miséricorde et donc le pardon. La question de l’éducation des enfants à la culture de paix a été soulevée, qui a fait ressortir l’importance du témoignage des parents.

En rappel, la Journée des Familles organisée par l’ACDF avec une fréquence annuelle depuis 2012, se veut un moment de formation, de partage et d’échanges sur les problématiques majeures de la vie de famille aujourd’hui, dans la perspective de fournir aux participants, époux et parents, les bases de construction de foyers stables, joyeux et lumineux. Le but ultime est de contribuer à renforcer la famille, ce qui a un retentissement social évident puisque la famille est la cellule originelle de la société et le cadre essentiel pour l’initiation à la vie en société. Ont été successivement traités les thèmes suivants : « L'impact de la gestion de l'argent dans la construction d'une famille unie » en 2016 ;« La formation dans les vertus : aider nos enfants à devenir des leaders » et « Peut-on éduquer les sentiments ? », en 2015 ; « Un mariage heureux est-il encore possible ? », en 2014 ; « Famille et communication: la communication au sein de la famille, la famille et les nouveaux moyens de communication », en 2013 ; et « La responsabilité conjointe du père et de la mère dans l’éducation des enfants, L’éducation à l’affectivité et Autorité parentale et éducation dans la liberté », en 2012.