Reine du ciel, réjouis-toi !

Dans le sillage de Pâques, nous contemplons la rencontre du Ressuscité avec sa mère, la très sainte Vierge Marie, vue par les peintres.

L'alléluia du premier jour

Rogier van der Weyden (1445, Pinacothèque de Berlin)

Les saintes femmes ont été privilégiées à Pâques. Le vendredi de mort les avait plongées dans la nuit ; mais, comme de bonnes filles d'Abraham, elles ont « espéré contre toute espérance » (Romains 4, 18) l'arrivée de l'Époux. En récompense, elles ont partagé de bonne heure la résurrection de Jésus. Bénie parmi les femmes, Notre Dame a veillé : « Dans la certitude de l'espérance, tu es allée à la rencontre du matin de Pâques. La joie de la résurrection a touché ton cœur » (Benoît XVI, Sauvés par l'espérance §50).

Certaines traditions orientales, d'Antioche à Alexandrie, reprises par la liturgie byzantine, ont médité l'apparition du Ressuscité à sa Mère. L'Occident connaît aussi cette conviction depuis saint Ambroise ; au Ve siècle, la poésie a chanté ce moment : « Le Seigneur se montra d'abord en pleine lumière au regard de la Vierge… Celle qui fut autrefois la voie de sa venue, elle est encore le témoin de son retour » (Caelius Sedulius, Chant pascal, 5, 361-364). À travers la prédication franciscaine, le thème a été repris par la Légende Dorée et la liturgie : Dieu, « dans la résurrection du Christ, a comblé la Vierge Marie de joie ineffable » (Messe La Vierge Marie dans la Résurrection du Seigneur, préface).

Les artistes y ont trouvé une source d'inspiration. Rogier van der Weyden, dans un panneau du retable destiné à la chartreuse castillane de Miraflores (1445, Pinacothèque de Berlin), montre Marie admirant les plaies indolores que son Fils lui présente. Au Quattrocento, dans un parallèle avec l'annonciation, Filippino Lippi offre L'apparition du Christ à Marie (1493, Musée de Peinture Ancienne, Munich), sous le regard de Dieu le Père ; le Rédempteur signale son côté ouvert, d'où l'Église est née, à la Mère de l'Église.

Filippino Lippi, Apparition du Christ à Marie (1493, Musée de Peinture Ancienne, Munich)

Marie a vécu de foi. Son itinéraire a été riche. « L'évangéliste Luc raconte l'histoire de Marie à travers un subtil parallélisme avec l'histoire d'Abraham. Comme le grand Patriarche est le père des croyants, qui a répondu à l'appel de Dieu, de même Marie s'en remet avec une totale confiance à la parole que lui a annoncée le messager de Dieu et devient modèle et mère de tous les croyants » (Benoît XVI, Discours 19/12/12). La foi fait voir au delà de la mort. Dans le pourtour du chœur de la cathédrale de Chartres, orné de scènes mariales, Jehan de Beauce avait inclus, au début du XVIe siècle, un relief en pierre (aujourd'hui disparu) avec l'apparition du Ressuscité à la Vierge en prière.

L'annonce de Gabriel invitait Marie à se réjouir de l'incarnation imminente ; son amen a été la réponse joyeuse. Les anges ont chanté le gloria à Bethléem et la Mère du Messie a partagé leur jubilation. Quand Élisabeth a déclaré la maternité divine de Notre Dame, le magnificat a retenti depuis le cœur de la Vierge. Elle a entendu de loin les hosannas de l'entrée triomphale. Enfin, celle qui, avec son peuple, vibrait dans l'alléluia devant les prodiges divins, l'a expérimenté de façon plus vive devant son Fils en gloire. C'est l'aube des temps nouveaux.

Dans la période baroque, Guido Reni (1608, Cambridge) a su exprimer l'adoration de la Vierge devant la victoire de son Fils, que la mort ne pourra plus lui enlever.

Guido Reni (1608, Cambridge)

« Ô Mère, aide notre foi ! Sème dans notre foi la joie du Ressuscité. Rappelle-nous que celui qui croit n'est jamais seul. Enseigne-nous à regarder avec les yeux de Jésus, pour qu'il soit lumière sur notre chemin » (pape François, encyclique La lumière de la foi §60).

La toile du Guerchin (1629, Pinacothèque de Cento, Italie), atteint un sommet de tendresse maternelle.

Guerchin (1629, Pinacothèque de Cento, Italie)

Notre Dame caresse la plaie glorieuse du Cœur de Jésus, qu'elle avait vu percer sur le Calvaire. Marie, fière de la générosité de son Fils, étreint cette source intarissable. Le chrétien peut humblement l'imiter. « Tu as embrassé les blessures de ses pieds..., et moi, plus audacieux — étant plus enfant — j'ai posé mes lèvres sur son côté ouvert » (saint Josémaria, Saint Rosaire, 3, 1).

Agostino Ciampelli (1630)

Le Florentin Agostino Ciampelli (1630) montre Jésus, entourée de la cour céleste, portant l'étendard crucifère devant sa Mère, qui vénère à genoux le fruit copieux de la rédemption. « Marie est une femme qui aime. Comment pourrait-il en être autrement ? Comme croyante qui, dans la foi, pense avec les pensées de Dieu et veut avec la volonté de Dieu, elle ne peut qu'être une femme qui aime » (Benoît XVI, encyclique Dieu est amour §41).

La résurrection fut l'éclat de « l'étoile brillante du matin » (Apocalypse 22, 16), qui préparait la lumière de la Jérusalem nouvelle (Isaïe 60, 1). Fille souveraine de Sion, Marie est enveloppée de la lumière pascale du Fils. Son alléluia pascal est l'un des « gémissements inexprimables » (Romains 8, 26) dictés par l'Esprit Saint ; un sommet de sa confession de foi dans la Nouvelle Alliance, qui portera la certitude de l'amour à ses enfants.

Abbé Fernandez